Tirs répétés de missiles américains en Russie et rapprochement d’une confrontation directe OTAN / Russie
Hier, le ministère russe de la Défense a annoncé, que les 23 et 25 novembre 13 missiles américains ont à nouveau été tirés sur la région de Koursk. La plus grande partie d’entre eux a été détruite, mais il y a des dégâts. Le ministère prévient, qu’il y aura une réponse. La question est de savoir quelle réponse pourrait dissuader les Atlantistes de continuer cette escalade, puisque le tir du missile Orechnik n’a pas été suffisant. Et accessoirement, l’on peut se demander si cette réponse objectivement existe ou si les Atlantistes n’ont pas déjà pris la décision d’une confrontation directe, préparant ainsi petit à petit les populations européennes à accepter l’idée de prendre sur elles le coup le plus fort.
Le ministère russe de la Défense a donné hier des précisions, quant au renouvellement des tirs de missiles américains sur le sol russe, ce que les Etats-Unis assument par ailleurs ouvertement désormais, mettant ainsi en avant la dimension politique de ces tirs, bien plus que militaire, puisqu’ils ne changeront pas le cours de la guerre. Selon le communiqué de l’agence d’information TASS :
❗️Les frappes de missiles ATACMS contre la région de Koursk. L’essentiel du rapport de la Défense russe:
▪️Les troupes ukrainiennes ont réalisé au cours des trois derniers jours deux frappes aux armes à longue portée contre la région russe de Koursk
▪️Les forces ukrainiennes ont porté des frappes de missiles ATACMS américains contre Koursk
▪️La première frappe a été effectuée le 23 novembre par 5 missiles ATACMS contre une division antiaérienne S-400, 2 projectiles ont atteint leur cible
▪️La deuxième frappe a été effectuée le 25 novembre avec 8 missiles ATACMS contre l’aérodrome de Koursk-Vostotchny
▪️La frappe de missiles ATACMS contre une division de systèmes S-400 dans la région de Koursk a fait des victimes et a endommagé une station radar
▪️La Défense russe planifie une riposte aux frappes de missiles ATACMS des forces ukrainiennes
▪️Deux militaires ont été légèrement blessés par la chute des débris d’un missile ATACMS sur l’aérodrome de Koursk
Il s’agit bien d’une attaque massive de missiles ATACMS, mais qui ne met bien sûr pas en danger la sécurité de la Russie, ni sa souveraineté. Evidemment, la Russie doit réagir. Evidemment la Russie va réagir. Mais quelle réaction pourrait être efficace ? Et existe-t-elle seulement, cette réponse par elle-même dissuasive ? Pour tenter d’aborder ces questions sans avoir la prétention d’y répondre, il est tout d’abord nécessaire de comprendre l’attitude des Atlantistes et de tirer les leçons de la répétition des tirs.
Première leçon : les Atlantistes se sentent toujours en sécurité.
Le tir du missile balistique russe Orechnik devait conduire les Atlantistes à comprendre, que pouvant atteindre sa cible sans être bloqué par les systèmes de défense aérienne occidentaux, ils n’étaient plus en sécurité, s’ils continuaient leur politique guerrière contre la Russie (voir notre chronique pour RT ici).
Or, la continuation des lancements de missiles ATACMS sur la Russie démontre que soit ils ne considèrent pas ce missile comme infaillible, soit ils considèrent que la Russie ne prendra pas la décision de les toucher directement.
Ici, se pose la question de la géographie floue des Atlantistes. S’il est difficile de toucher les Etats-Unis, la Russie peut en tout cas toucher l’Europe. Mais les Atlantistes considèrent-ils l’Europe comme «leur» sol ? Non, ils considèrent l’Europe comme une terre occupée, ni plus ni moins que l’Ukraine.
En ce sens, l’Europe peut devenir, à leurs yeux, une zone de combats comme une autre. Seule la question de la sécurité des bases militaires américaines a de l’importance à leurs yeux.
Deuxième leçon : les Atlantistes ne remettent pas en cause leur impunité.
Dans la guerre d’agression, qui est menée en réalité par les Atlantistes depuis 2004 (suite à une agression politique contre l’Ukraine, sous dénomination de Révolution orange), puis d’agression militaire avec le Maïdan en 2014, où les troupes ukrainiennes ont été lancées sur commandement étranger contre l’Est du pays, puis provoquant la Russie, ces mêmes Atlantistes 1) se considèrent formellement non partie au conflit qu’ils mènent pourtant depuis plus d’une dizaine d’années et 2) font reporter la responsabilité de ce conflit sur les épaules de leur ennemi, la Russie.
Ils se sentent donc en parfaite impunité. Et l’on en arrive à une situation particulièrement cocasse, où chaque pas supplémentaire réalisé de leur côté n’est a priori pas censé provoquer un conflit mondial, quand chaque réponse de la Russie, pour une raison surprenante, en aurait, elle, le potentiel, ce qui est censé limiter fermement la Russie dans son action.
D’où vient cette asymétrie, en toute logique inexplicable ? Elle ressort d’un rapport politique déséquilibré dans ce conflit, où la Russie n’arrive pas à sortir de la posture défensive : elle prend des mesures «en réponse», elle est toujours prête à «négocier», elle était prête pendant longtemps à faire des concessions, notamment par des retraits territoriaux, et de territoires qu’il est désormais particulièrement difficile de reprendre, etc. La Russie n’assume pas de vision stratégique autonome, qui seule pourrait lui permettre de reprendre l’initiative politique.
Troisième leçon : les Atlantistes, se sentant en sécurité et irresponsables, conduisent une guerre d’usure, une sorte de trolling militaire sans limites
Il y a dans la stratégie conduite par les Atlantistes une ligne tactique constante : faire monter la pression par cran, «normaliser» chaque étape par la banalisation, avant de passer à la suivante. Nous l’avons vu avec le passage des armes non létales aux armes létales fournies par l’Occident, avec l’arrivée des chars atlantistes, avec l’utilisation du renseignement de l’OTAN, avec les formations de militaires, avec la présence des instructeurs de l’OTAN en Ukraine, avec les avions de chasse, avec les tirs de missiles de pays de l’OTAN sur les nouveaux territoires et la Crimée. Désormais, la ligne se répète avec les tirs de ces missiles sur Koursk.
Si la situation se «normalise», alors la zone de tir sera élargie par étapes de plus en plus en profondeur en Russie.
Cette lente et constante aggravation est faite pour éviter un choc brusque, qui pourrait conduire à une réaction violente de la Russie. Une réaction, qui obligerait les Atlantistes à sortir de ce schéma, qui les obligerait à sortir de la zone de confort, dans laquelle ils sont pour l’instant fermement installés.
Quatrième leçon : le premier but des Atlantistes est de discréditer la Russie.
L’autre aspect de la stratégie politico-communicationnelle des Atlantistes est de jouer sur les mots pour donner l’impression, que la Russie viole systématiquement ses lignes rouges. Il est vrai, qu’elle en a violé un bon nombre, à tel point, comme nous l’écrivons régulièrement, qu’il serait plus prudent de ne pas annoncer ce que l’on ne peut / veut défendre. D’autant plus que la formulation même de ces lignes permet aux Atlantistes de prendre les mesures pour mettre en scène une violation, puisqu’en toute logique l’on ne peut transgresser que ce qui est formulé.
Mais au-delà de cet aspect important, les Atlantistes poussent la Russie à la faute en conduisant des attaques calibrées et ciblées. A Koursk, par la violation de la frontière étatique par une armée étrangère, mais de manière réduite. Avec les premiers tirs, puis leur répétition, de missiles américains à Koursk, tout en en augmentant régulièrement le volume. A chaque fois, il s’agit d’une agression plus symbolique, que militaire, dans le sens où elle n’aura pas d’impact militaire direct sur l’issue du conflit. A chaque fois il s’agit d’une mesure politico-communicationnelle devant servir à démontrer que la Russie ne prend pas les mesures, que soi-disant elles devraient prendre. Mais sans préciser que ces mesures extrêmes, comme la déclaration de guerre ou la réponse nucléaire, sont en l’espèce déséquilibrées par rapport à la menace réelle présentée par ces agressions.
Cela doit conduire à discréditer la Russie et l’activité des trolls sur ces questions le confirme.
Cinquième leçon : le second but des Atlantistes est de déplacer la zone des combats vers la Russie.
La situation militaire sur le front est largement défavorable aux Atlantistes, ils ont besoin de brouiller les cartes. L’intérêt de la multiplication des tirs en profondeur sur le sol russe et sur des cibles militaires est le déplacement de la ligne de front, pour que les combats aient également lieu à l’intérieur de la Russie.
Cela doit présenter l’intérêt et de disperser les forces russes, et de provoquer un mécontentement de la population, qui dans la logique atlantiste, ne doit pas se sentir en sécurité.
Que faire alors ? Multiplier les tirs d’Orechnik conduirait à une banalisation inutile, ce qui est le but recherché par cette guerre d’usure, sauf à viser une cible hautement symbolique et directement liée aux Etats-Unis.
D’une manière générale, une réponse efficace pourrait se faire en deux temps, et sur le plan politico-communicationnel, et sur le plan militaire.
Sur le plan politico-communicationnel, la tonalité du discours politico-médiatique russe doit radicalement changer. L’on remarque un certain durcissement du ton ces derniers temps, il ne peut plus y avoir de places pour les éléments de langage, qui peuvent être interprétés comme de la faiblesse. Cela implique de sortir définitivement de la posture défensive et d’assumer une vision stratégique propre — à laquelle les alliés de la Russie doivent se joindre, s’ils sont de véritables alliés. L’Occident a piétiné sa diplomatie, il ne comprend malheureusement plus les signaux délicats diplomatiques, il ne comprend que la force. Le changement communicationnel, pour être crédible (et c’est le point faible de la Russie aujourd’hui) doit s’accompagner d’une véritable ligne politique stable à long terme, qui doit détruire les tabous globalistes. Sans cette remise en cause, aucune véritable victoire ne sera possible, car en plus de la dimension militaire, cette guerre est une guerre de décolonisation globaliste des territoires, notamment du territoire russe. Ce qui va bien au-delà des fameuses valeurs traditionnelles.
C’est en revanche bien sur le plan militaire, que la véritable réponse doit être apportée. Mais c’est une réponse dans le temps, en plus d’une réponse instantanée, qui doit faire sortir les Atlantistes de leur zone de confort. Il s’agit à terme d’une avancée plus rapide de l’armée russe au sol. La reprise des territoires est le seul véritable moyen de contrecarrer les plans atlantistes.
Peut-on pour autant attendre une réaction «magique» de la Russie, qui permettrait de mettre un terme d’un coup d’un seul à ce conflit ? C’est-à-dire une mesure d’une telle force de dissuasion, que les Atlantistes décideraient de capituler ? A priori, non. Nous sommes dans un long processus. La question n’est pas de savoir, ce qui peut empêcher la confrontation, mais de quelle intensité elle sera. La réponse dépend de la volonté des deux acteurs principaux, les élites atlantistes aux Etats-Unis et dans leurs satellites européens d’un côté, et la Russie de l’autre. Mais cela dépend aussi de l’instinct de survie des populations en Europe, qui doivent bien comprendre qu’elles ne valent pas plus cher pour les Atlantistes, que les Ukrainiens. Si elles n’ont pas envie de suivre à terme la même voie, il va falloir qu’elles réagissent — et pas uniquement dans les réseaux sociaux. Tout silence vaut collaboration.
Par Karine Bechet-Golovko