Le procès des «journalistes russophones» s’ouvre en Lettonie : la répression s’intensifie en Europe
Ce 11 avril, Riga enterre le journalisme en Europe. Il était une époque, où le métier de journaliste était respecté, certains étaient même craints. Ce temps est révolu, depuis que les journalistes, dans leur grande majorité, sont devenus des instruments, voire des larbins, du pouvoir. Peu importe d’ailleurs de quel pouvoir, ce n’est pas une question de conviction. En Lettonie, la chasse aux journalistes russophones franchit la ligne d’arrivée, avec l’ouverture aujourd’hui du procès contre rien moins que 14 journalistes, qui risquent 4 ans de prison pour avoir préparé des articles en russe pour le holding médiatique russe Russia Segodnia. Et aucune réaction, ni des organisations professionnelles, ni de leurs collègues en Occident, ni des grands défenseurs de la liberté et valeurs — quand elles sont globalistes. Une honte. Qui n’est ni la première, ni la dernière dans nos sociétés au totalitarisme rampant. Tout notre soutien à ces hommes, qui ont eu le courage de faire leur travail !
Dès décembre 2020, des perquisitions avaient été organisées contre les journalistes en Lettonie, qui écrivaient en russe et collaboraient avec les structures de Russia Segodnia. 7 perquisitions, à la suite desquelles des ordinateurs et autres supports d’information ou archives personnelles avaient été saisis, sans que tout n’ait été rendu. Le procès contre 14 journalistes, ayant commis le crime de préparer des articles en russe pour Baltnews et Sputnik est fondé sur l’art. 84.1 du Code pénal letton. L’idée est que ces journalistes, en fournissant des textes contre rémunération, ont violé les sanctions européennes adoptées contre Dmitri Kissilev, qui dirige le holding, sans en être propriétaire, puisque c’est l’Etat russe qui en a la propriété.
Le fondement juridique est plus que chancelant, c’est pourquoi en février 2023, afin de laisser planer un voile de légalisation post factum, Rossia Segodnia est tombé sous sanction. La non-rétroactivité en matière pénale ne semble pas déranger les Lettons.
Toutefois, juger en une fois 14 journalistes ferait un peu trop penser aux procès politiques expéditifs. Les accusés ont donc été divisés en deux groupes et les audiences se tiendront les 11 et 13 avril, les 17 et 29 mai, puis les 4 et 14 juin.
L’on pourrait penser qu’il ne s’agit que d’une dérive lettone. Que ce mouvement ne concerne pas toute l’Europe, ni même ce merveilleux monde occidental, à la civilisation si brillante. L’on aurait pu tenter de se rassurer ainsi, s’il n’était l’absence totale de réaction dans le «monde libre». Silence total.
Le monde occidental dans sa version atlantiste semble avoir un champ de vision très étroit et des filtres le conduisant dans une réalité parallèle, la sienne, de plus en plus éloignée de la vie réelle. Tout ce qui le dérange n’existe pas, en tout cas il ne le voit pas, donc ne le commente pas, donc ne peut pas le condamner. Puisqu’il n’est pas au courant …
Cette logique est en vigueur ici, à l’égard des répressions russophobes dans les pays Baltes, à l’égard des procès politiques contre les journalistes ayant osé faire leur travail en langue russe, quand un génocide culturel est déclaré contre la culture russe. Par génocide culturel, l’on entend la destruction intentionnelle du patrimoine culturel d’un peuple ou d’une nation pour des raisons notamment politique ou idéologique. C’est exactement ce qui passe avec les politiques nationales menées dans certains pays d’Europe contre la langue russe, contre la culture russe et contre les personnes portant cette culture.
Alors que l’on célèbre aujourd’hui la journée internationale de la libération des prisonniers des camps nazis, à Riga, l’Europe vient de briser l’illusion libérale, de la protection des libertés, de la volonté de défendre un journalisme indépendant et de qualité. Quel symbole ! Personne n’en a besoin manifestement. Les être futiles, à la plume servile, sans conscience et ni curiosité, à l’esprit stérile, deviennent les chefs de file de la profession. A quoi bon des journalistes, quand on a peur des hommes libres ? Ce monde global devient un énorme camp rempli de prisonniers plus ou moins consentants …
Karine Bechet-Golovko