Pour une paix durable

Jean-François Geneste revient pour Russie Politics sur l’accumulation des déclarations guerrières de Macron et des «experts» médiatiques, nous conduisant vers un affrontement avec la Russie. Dans ce contexte, quelle serait une paix véritablement durable ? Quelle pourrait être la stratégie de la Russie ?

Emmanuel Macron n’a pas déclaré « nous sommes en guerre », mais il a laissé planer une grande ambiguïté sur l’envoi de troupes françaises en Ukraine. Dans le même temps, Narychkine a expliqué que la France avait déjà ou allait expédier 2000 militaires français en Roumanie, une sorte de pré positionnement pour aller « stopper » les Russes à Odessa. Entre-temps, nous avons quelques colonels de plateau qui nous apprennent que la France s’interposera sur la rive ouest du Dniepr et que la France fera valoir le fait qu’elle est une puissance nucléaire pour « obliger » les Russes à la négociation. Enfin, Piotr Tolstoï, sur BFMTV, informe que 147 soldats français sont précédemment morts sur le sol ukrainien sur 367 et qu’un sort identique attend tout combattant de notre pays qui se risquera à y poser un pied.

Voilà pour le contexte ! Que peut-on en penser et que peut-on espérer ?

Commençons par la question la plus térébrante pour nous. Comment pourrait réagir la Russie à notre menace ? Précisons bien les circonstances qui ont été données, encore une fois, par des colonels de plateau et à demi confirmées par l’état-major de l’armée de terre avec la projection potentielle de 20 000 hommes. Insistons sur la provocation nucléaire qu’affirmerait la France, s’interposant sur la rive ouest du Dniepr. Hélas, nos dirigeants ont des cervelles de moineau… Au mieux ! En effet, la question du feu atomique ferait porter une lourde responsabilité, historique, à celui qui le déclencherait. Et les Russes pourraient facilement l’éviter. La réponse du berger à la bergère tiendrait en une phrase interrogative : combien faudrait-il de missiles hypersoniques conventionnels pour détruire, disons, Paris ? Rappelons que ces derniers ne sont pas réellement détectables et que lorsqu’on les voit, c’est déjà bien trop tard. La France ferait-elle une riposte nucléaire à une telle attaque ? Nos « alliés » entreraient-ils en guerre contre la Russie ? Allons un peu plus loin. Nos moyens non conventionnels sont stationnés dans la région de Brest. Les Russes pourraient très bien oblitérer le coin avec des missiles hypersoniques nous laissant sans ressource de réplique ou presque ! La position française est donc indigente, une fois de plus. Elle n’en est pas moins dangereuse pour notre pays qui n’a plus guère le respect de qui que ce soit, à moins que les États-Unis aient pour plan de détruire l’Europe définitivement.

Maintenant, les esprits semblent se crisper en ce qui concerne Odessa. En effet, cette ville est absolument stratégique, tant pour l’OTAN qui rêve de s’installer en mer noire que pour la Russie qui souhaite exactement le contraire. Rappelons  la carte de la Novorossia.

Ces territoires sont incontestablement historiquement russes. N’oublions pas non plus le meurtre de masse commis à la maison des syndicats par le gouvernement ukrainien alors en place en 2014. Il serait illusoire de penser que les habitants de la cité, voyant les oblasts des RPL, RPD, Zaporojie et Kherson libérés, ne voudraient pas, eux aussi, l’être  d’un pouvoir oppresseur et qui leur est objectivement défavorable pour ne pas dire qu’il a instauré un régime d’apartheid. D’ailleurs, des bruits insistants font part d’une résistance pro-russe dans la région. 

Imaginons que la Russie accepterait un statu quo et ne prendrait pas le contrôle de toute la zone. Alors, avec le temps, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, il est clair qu’une forme de contre puissance naîtrait à nouveau avec le concours de l’OTAN comme Hitler développa une armée durant l’entre-deux-guerres malgré le traité de Versailles. Il est donc primordial, à notre avis, que la Russie conquière la totalité du territoire qui lui revient.

Mais ce n’est pas tout. L’OTAN, blessée, va très certainement vouloir se venger. Sera-ce en Arménie ou dans le Caucase plus généralement ? Ou ailleurs ? Allez savoir ! Les Anglo-saxons nous ont habitués à être particulièrement inventifs quand il s’agit de fomenter des hostilités et diviser pour régner. Alors, il va falloir que la morsure russe soit suffisamment sévère pour qu’elle dompte le Serpent Originel et qu’ainsi, comme les cobras des marchés indiens, bien que se dressant, menaçant, en fait, restent inopérants. Pour cela, la Russie a un intérêt vital à conquérir la totalité de la Novorossia, de garder une Ukraine croupion, dans laquelle seront transférées toutes les dettes à l’Occident, et ayant une surface assez petite et pauvre pour ne plus jamais pouvoir redevenir une puissance qui pourrait être instrumentée.

Voilà, dans ces conditions, décrites, les deux raisons fondamentales pour lesquelles la Russie ne doit pas se contenter des oblasts actuels. Sinon, elle ne fera que différer une prochaine guerre avec les mêmes raisons invoquées de part et d’autre. La paix durable est à ce prix et ce sera mieux, y compris pour nous, Français.

Par Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique du groupe EADS/Airbus Group, PDG de WARPA.