Billet français : de la Toussaint à Halloween, nous en arrivons aux Portes des Ténèbres à Toulouse

A un moment imperceptible, nous avons glissé du respect dû à nos morts à la fête des cadavres. Nous sommes passés de la Toussaint à Halloween. Dieu est mort paraît-il, l’homme n’y survit pas, malgré sa prétention, malgré l’obésité de son égo. Ainsi l’on peut organiser à Toulouse, sur fonds publics bien sûr, une grande fête satanique et vendue comme un simple spectacle «artistique», faisant référence à des personnages mythiques. Une véritable fête du satanisme woke, un signe de faiblesse de nos sociétés, mais surtout de notre défaite morale.

La période du 1er novembre est une période particulière, nous revenons en pensées vers nos proches disparus, nous chérissons leur mémoire. Le respect dû aux morts est un des signes de civilisation, comme la douleur de la perte d’un être cher est un signe d’humanité. La Toussaint nous permet de prier tous les Saints, les non-pratiquants réchauffent leur coeur à la pensée de leurs disparus. Moment d’amour et recueillement, moment d’apaisement et de mélancolie. Moment, qui permet à la douleur de la perte de s’estomper avec le temps, de passer des larmes aux souvenirs, de sourire de l’ombre d’un mot ou d’un geste. On parle aux enfants de leurs ancêtres, on transmet la mémoire familiale, on tisse le lien sacré entre les générations. D’une certaine manière, on constitue la famille, la Nation. 

Comme l’écrivait Victor Hugo :

Enfant, on vous dira plus tard que le grand-père
Vous adorait ; qu’il fit de son mieux sur la terre,
Qu’il eut fort peu de joie et beaucoup d’envieux,
Qu’au temps où vous étiez petits il était vieux,
Qu’il n’avait pas de mots bourrus ni d’airs moroses,
Et qu’il vous a quittés dans la saison des roses ;
Qu’il est mort, que c’était un bonhomme clément ;
Que, dans l’hiver fameux du grand bombardement,
Il traversait Paris tragique et plein d’épées,
Pour vous porter des tas de jouets, des poupées,
Et des pantins faisant mille gestes bouffons ;
Et vous serez pensifs sous les arbres profonds.

Puis nous avons glissé vers Halloween, le bruit, le feu, les sorcières, les cadavres. La fête. Car tout est amusement, car toute règle doit être transgressée, au nom de la liberté. Mais d’une liberté  primaire, soi-disant sans responsabilité, sans conséquences. D’une liberté inhumaine. Le lien du temps s’est dissout, seul l’instant compte. L’on ne rend pas respect à un cadavre, à un corps en décomposition — ou déjà décomposé. Quand plus rien n’est sacré, tout est possible, mais le sens des choses et la raison d’être des gens se perd aussi.

Et l’on en arrive à une forme de satanisme woke, c’est-à-dire d’un satanisme primaire et grossier, mis en scène plus comme arme de destruction humaine et sociale, que comme instrument anti-catholicisme. En général, l’Eglise catholique officielle arrive très bien elle-même à se discréditer.

Du 25 au 27 octobre, s’est déroulé à Toulouse un «opéra urbain» appelé «La Porte des Ténèbres», où tout l’arsenal fantasmagorique satanique a été étalé pendant trois jours dans la ville, sous les yeux éblouis d’un public nombreux et galvanisé.

L’archevêque de Toulouse a tenté de réveiller les gens, une messe a été organisée, pleine de sagesse et de justesse, qui a réuni beaucoup de monde :

«Je ne suis pas là pour partir en guerre, assure Guy de Kerimel. Je suis là pour dire que ce spectacle est ténébreux et qu’il me semble dans le contexte social et mondial actuel, on a besoin plutôt de signes d’espérance. C’est ce que je voulais manifester à travers la consécration de la ville et du diocèse

Mais la foule s’est engouffrée dans les rues de Toujouse, comme les organisateurs l’affirmaient — rien à voir avec le satanisme, ce n’est que l’expression d’une idée fixe des conservateurs cathos. Et comme nous le répètent les bobos de service, c’est de l’art … Argument censé couper court à toute discussion.

Julien Giry, politologue et chercheur à l’université de Tours, rappelle que «le monde artistique a toujours été une cible de la part des milieux traditionalistes. Il est considéré comme perverti, car sa création sort du cadre et dérangerait ainsi l’ordre établi et les valeurs traditionnelles».

Il serait pourtant intéressant de demander d’où vient cet acharnement des «zartistes» à lutter contre les valeurs traditionnelles ? Il ne peut aujourd’hui y avoir «d’art», que lorsqu’il est destructeur ? Autre question : ce spectacle a été financé sur fonds publics à hauteur de 4,7 millions d’euros. N’y a-t-il pas de sponsors privés pour cela, s’il s’agit d’une telle oeuvre d’art, ou personne ne viendrait s’il fallait payer, ou moins de personnes ? Il n’y a pas aujourd’hui d’autres priorités pour les dépenses publiques ? Car se pose la question alors de la propagande …

Une bonne analyse de ce spectacle a été faite sur Radio Tocsin :

Célébrer le chaos n’est pas un signe de bonne santé pour une société. Et cet événement à Toulouse est un cran de plus dans la déstructuration de nos sociétés, dans la dégradation morale des hommes de notre époque. Voir tous ces gens parqués sur le passage fait penser à un troupeau de moutons, qui arriverait de lui-même au méchoui.

Le passage de l’homme au mouton se produit par la rupture du lien cognitif entre ce qui est perçu et les mécanismes d’interprétation et d’assimilation du perçu. Une sorte de barrière de sécurité a été établie, patiemment mais très efficacement, dans les cerveaux, qui empêche d’interpréter et d’analyser ce qui est vu. Il s’agit bien d’un processus de déshumanisation, qui résulte d’un reformatage cognitif. Celui-ci fut d’autant mieux réalisé, que le «patient» est consentant : quelle chance de ne pas avoir à être choqué, de ne pas avoir à réfléchir, de pouvoir confortablement tout prendre au premier degré — «Oh, mais c’est joli quand même, quelle technique, mais non ça n’a rien à voir avec le satanisme, mais enfin …«.

Par Karine Bechet-Golovko