USA / Russie : des pourparlers de paix sont-ils réellement possibles ?
Trump n’est pas encore formellement Président des Etats-Unis, que l’on sent déjà une tornade politique se diriger vers le Continent européen. Toutes les attentions sont évidemment reportées sur le conflit en Ukraine, qui est devenu la raison d’être des élites globalistes européennes. Et nous observons comment l’équipe Trump tend à faire oublier, qu’il s’agit d’une confrontation entre les Etats-Unis et la Russie en Ukraine et non pas d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine, aidée par les pays de l’OTAN. Cette manipulation politique permet de mieux comprendre le discours sur les soi-disant négociations de «paix». In fine rien n’a changé, seuls les instruments du combat sont mieux adaptés à la situation et la Russie reste bien l’ennemi.
Avec la victoire de Trump, une véritable hystérie politico-médiatique s’est emparée des esprits : Trump va mettre fin à la guerre en Ukraine, ça y est, c’est plié ! Comment ? Personne n’ose trop entrer dans la réflexion, car dans ce cas la baguette magique semblerait bien légère pour faire face à la situation. Et il ne faut jamais sous-estimer la force d’attraction de l’illusion. Surtout quand on peut faire passer la faiblesse pour de la sagesse pacifiste.
Rappelons que la Russie a l’avantage militaire actuellement, elle n’est donc pas pressée de négocier. Son intérêt serait même plus d’attendre, de continuer à avancer, d’arriver au moins aux frontières administratives des territoires, qu’elle a intégrés dans la Constitution. Elle serait alors en position de force pour faire respecter les conditions de sa sécurité, puisque c’est bien de cela qu’il s’agissait dès le départ. Sinon, il serait surprenant que Trump donne son accord pour que la Russie réintègre de grandes villes comme Kherson ou Zaporojie, avec un retrait inconditionnel de l’armée atlantico-ukrainienne.
Sinon, l’on risquerait de voir se répéter les échecs des pseudo-négociations de Minsk, puis d’Istambul. A chaque fois, les négociations furent utilisées pour avoir un impact militaire sur le front, défavorable à la Russie, en contrepartie d’avantages politiques flous et incertains, jamais réalisés. Et cette pratique est prête à être répétée, comme le déclare ouvertement un ancien commandant de l’OTAN à CNN :
« Ce que j’espère qu’il fera, et je pense qu’il le fera, c’est de faire pression sur les deux parties pour qu’elles s’assoient à la table des négociations, et cela se passera un peu comme la fin de la guerre de Corée, Michael, c’est-à-dire que Poutine, malheureusement, mais dans un monde réel, finira avec environ 20 % de l’Ukraine, la part qu’il détient actuellement, mais le reste de l’Ukraine, les 80 %, toutes ces ressources, la grande majorité de la population, resteront démocratiques et libres », a déclaré Stavridis.
Il a ajouté que l’Ukraine aura également « un chemin vers l’OTAN, probablement dans trois à cinq ans, de manière réaliste. Ce n’est pas le pire résultat au monde ».
Autrement dit, la Russie reprend 20%, et comment garantir la neutralité du reste ? C’est tout simplement objectivement impossible, comme les «missions de l’OSCE» l’ont montré dans le Donbass. Le reste du territoire restera sous contrôle politique atlantique ouvert (et militaire caché), puis dans quelques années, quand les Atlantistes auront refait les stocks d’armes, il pourra rentrer dans l’OTAN, ou non, ce qui ne changera pas grand-chose : la Russie n’aura aucune sécurité à sa frontière. Une nouvelle guerre pourra alors démarrer sur les cendres encore chaudes de celle-ci.
Dans tous les cas, plusieurs questions, déjà, s’imposent :
- Quelle forme juridique prendrait le partage du territoire : les pays de l’OTAN vont-ils réellement reconnaître de jure la nouvelle frontière, alors qu’ils ne reconnaissent toujours pas la Crimée ? Ce serait plus qu’étonnant, car cela signifierait une défaite partielle pour eux : le territoire du monde global aurait réduit et ils le reconnaîtraient, ce qui implique la remise en cause de l’existence même de la globalisation — si elle n’est plus globale.
- La reconstruction de l’Ukraine a un coût important. Qui va payer ? L’Europe selon Trump. Car n’oublions pas que les USA ne reconstruisent jamais les territoires qu’ils «libèrent» … et détruisent au passage. Pour eux, l’honneur d’avoir été «libéré» doit faire oublier ces détails. Or, nous voyons déjà les Européens lorgner du côté des actifs russes …
- Les sanctions seront-elles annulées, si le conflit entre les Etats-Unis et la Russie prend fin en Ukraine ? Les biens immobiliers russes spoliés dans les pays occidentaux, les actifs détournés, et leurs produits, seront-ils rendus à la Russie ?
Difficile à croire. Trump n’est pas suicidaire. Prendre ce type de décision à peine arrivé en fonction, si jamais il en avait la volonté, serait un suicide politique. Or, Trump est un excellent négociateur, un très bon stratège et il ne fera aucun pas, qui puisse porter atteinte aux intérêts américains. Déposer les armes en Ukraine et la rendre à la Russie n’entre évidemment pas dans ses intérêts, ni ses intentions.
Que peut-il alors attendre de ces négociations ? Une erreur fatale et stratégique de la Russie.
Le combat se déplace petit à petit sur le plan politique et diplomatique, qui sont les points faibles de la Russie. Certes, Poutine a déclaré à Valdaï que l’on ne reviendra jamais à la situation «d’avant» 2022, avec cette forme rampante de néocolonialisme généralisé. Mais cette position va être difficile à tenir face à une partie des élites russes, qui ne rêvent que d’une chose — justement revenir à «avant 2022» et au confort d’être «guidé». Sachant, qu’il faut bien payer le guide … et ils sont prêts à ce que la Russie paie.
Ainsi, nous ne parlons pas de «négociations de paix», mais de l’ouverture d’un front politique et diplomatique. Si la Russie cède à ses élites, nous entrons dans une phase de globalisation renforcée, accompagnée d’une instabilité sociale en Russie — car les fameux «objectifs» de l’Opération militaire ne seront pas remplis et le peuple va demander des comptes. L’on pourra compter sur l’Ami américain pour l’aider à poser les «bonnes» questions.
S’il ne s’agit pas de «négociations», il ne s’agit malheureusement pas de «paix» non plus. Dans la mesure, où les positions des parties au conflit ne peuvent objectivement faire l’objet de concession, qui soit acceptable pour l’autre partie, toute «paix» qui ressortirait de ce processus ne serait que temporaire. Avant un nouveau conflit.
Il est possible de gagner du temps. De faire l’autruche sur le mode «il vaut mieux une mauvaise paix, qu’une guerre«. Mais justement les mauvaises paix font les grandes guerres. Car l’on conclue une mauvaise paix, justement pour préparer la véritable guerre. En avons-nous besoin ?
Par Karine Bechet-Golovko