Billet d’humeur : La Russie et le monde très global des BRICS

Si les BRICS peuvent à terme présenter un intérêt tactique sur le plan financier ou économique, les pays membres et la structure elle-même ne pevent être considérés comme une alternative à la globalisation, encore moins comme un instrument de lutte contre le système global. Deux exemples à réfléchir : l’Inde et le marché des armes pour l’Occident, en guerre contre la Russie ; le freinage non caché de la mise en place d’un système de paiement alternatif et le lancement d’une monnaie BRICS (contre les monnaies nationales). Dans cette guerre, les BRICS ne sont pas un allié de la Russie, au plus un partenaire sur certaines questions, tant qu’elles ne remettent pas en cause l’ordre global.

Nous avons déjà émis quelques réserves quant au caractère «historique» du sommet des BRICS à Kazan (voir notre texte ici), comme certains tentent de l’imposer. Il serait bon de regarder un peu autour de cette institution, sous deux angles fondamentaux pour la Russie : la mise en place d’une plateforme alternative de paiement (en raison des sanctions économico-financières) et la fourniture d’armes aux pays qui sont ouvertement en guerre contre la Russie.

Le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, ne cesse depuis le sommet des BRICS d’expliquer à quel point il est fondamental — pour la Russie — que les BRICS mettent en place une plateforme alternative de paiement. 

« Si le système actuel, bien connu de tous, échoue et ne fonctionne pas, nous devons alors créer une alternative. Certaines personnes sont satisfaites du système actuel, mais il est toujours préférable d’avoir une alternative, s’il en existe une

La position du Président russe était claire à ce sujet:

Selon le président, cela est nécessaire pour éviter les restrictions imposées par d’autres pays. Il a précisé que nous parlons de créer un analogue de SWIFT.

Avec grandeur d’âme, les membres des BRICS ont simplement promis à Poutine d’envisager cette solution, mais ils ne se pressent pas à la réaliser. Manifestement, ils sont satisfaits du système actuel, qui par ailleurs maintien la Russie en position de dépendance et renforce donc leur capacité de négociation.

Si les BRICS sont une institution de lutte contre la gouvernance globale, pourquoi tant d’hésitations, pourquoi tant de retenue … voire de mauvaise volonté ? 

Regardons la question sous un autre angle : le positionnement politique réel de ces grands «partenaires» de la Russie, notamment l’Inde, qui soi-disant est à la pointe de la volonté antiglobaliste, un véritable pays «souverain». Rappelons que Modi a quitté le sommet de Kazan très rapidement, il devait rencontrer le Chancelier allemand (qui simplement n’avait pas d’autre date libre sur son agenda). Sur le plan international, nous sommes en situation de guerre. La question des armes, et donc des ventes d’armes, est importante, pour savoir qui est l’allié de qui : dans une guerre, on ne vend pas d’armes à ses ennemis. L’on apprend ainsi :

«La France, les États-Unis et l’Arménie sont devenus les principaux acheteurs d’armes de l’Inde en 2023-2024.

Ils ont acheté des pièces d’avion, des logiciels, ainsi que des canons et des fusées d’artillerie, rapporte le journal The Times of India.

Au cours de l’année, les ventes de l’industrie de défense indienne se sont élevées à 2,6 milliards de dollars, dont 600 millions de dollars sont des acquisitions de l’Arménie.»

La France et les Etats-Unis sont les ennemis directs de la Russie sur le champ de bataille, ils parlent ouvertement de la nécessité de porter un défaite stratégique à la Russie. L’Arménie est une zone de conflit entre les deux, reprise en main par les Etats-Unis et qui est préparée à ouvrir un nouveau front contre la Russie. De qui l’Inde est-elle l’allié ? Elle est un partenaire, non pas un allié.

Bref, nous sommes face à des pays et des structures qui ne remettent pas en cause la globalisation, mais qui en revanche aident même à accélérer le processus de désétatisation, là où cela est important. Notamment en ce qui concerne la monnaie nationale ou plutôt la lutte contre la monnaie nationale. Soulignons que, historiquement, l’obtention d’une monnaie nationale était l’un des premiers signes de pouvoir et de puissance. Quand l’UE s’est développée, l’attaque la plus forte fut menée contre les monnaies nationales des pays européens, ce qui a permis de les réduire à de simples marionnettes.

Et alors que les BRICS rechignent à mettre en place un système de paiement alternatif, ils courent à mettre en place une «monnaie» des BRICS.

Cette coupure doit justement être présentée au prochain sommet des BRICS au Brésil. La Russie peut se réjouir, elle n’aura pas de plateforme alternative de paiement, car cela mettrait les BRICS en opposition au monde global, mais au Brésil elle pourra renoncer à sa monnaie nationale et ainsi se fondre dans le monde global. Le Brésil ce grand allié de la Russie, qui se bat du côté des Etats-Unis pour faire tomber le Vénézuella, qui lui est un allié de la Russie.

Il est intéressant de souligner, que sous couvert de dédollarisation et de lutte contre le système financier actuel, ce sont les monnaies nationales qui sont directement attaquées. Avec de tels «amis», on se sent plus à l’aise avec ses ennemis.

Il ne s’agit pas de rompre tous les ponts, mais de collaborer sans illusion et sans créer l’illusion d’un grand combat contre la globalisation, de preux chevaliers sans peur et sans reproches. Cette structure et ces pays ne seront jamais des combattants anti-systèmes, ils n’en ont ni la carrure politique, ni la volonté réelle. Ils cherchent simplement une place meilleure dans ce système. ce n’est pas là, dans ces grands «forums» que la Russie trouvera ses alliés.