Billet français : faute de pouvoir dissoudre la France, Macron dissout l’Assemblée nationale
Hier, la grande cérémonie de légitimation du système de l’Union européenne s’est déroulée avec un accroc, surtout en France. Le parti présidentiel et ses acolytes se sont fait balayer par le RN, qui domine largement les résultats. Alors que cela n’aura pas d’impact particulier sur le cours de la politique de l’UE, Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale et de faire peau neuve avec une légitimité renouvelée, tentant ainsi de nullifier ce vote. Les élections législatives anticipées sont un coup politique, qu’il va falloir jouer : sinon pour provoquer une véritable alternative étatiste (ce système ne prévoit pas cette possibilité), mais en tout cas pour bloquer l’emballement de la machine atlantiste dans notre pays.
Les résultats prévisionnels des élections européennes sont tombés et marquent en général un désaveu populaire pour ce qu’est devenue l’Union européenne. En renforçant le vote pour ce que les médias alignés appellent l’extrême droite, les populations montrent une chose : elles veulent plus de souveraineté nationale et ne soutiennent pas la ligne imposée par l’UE.
Ici est l’impasse : les gens utilisent les moyens pacifiques et politiques dont ils disposent pour exprimer leur mécontentement, or ces moyens ne leur permettront pas d’obtenir le but recherché. Les institutions de l’UE ne peuvent restaurer la souveraineté des Etats sans se dissoudre ; elles ne peuvent changer de ligne politique, puisqu’elles existent justement pour mener cette politique. Et dans quelle mesure les partis, même d’opposition parlementaire, au niveau national sont-ils prêts à véritablement se soumettre à la volonté souveraine des électeurs ? Les votes des parlementaires et les discours politiques en France en tout cas laissent la place au doute.
Mais la volonté est là : les électeurs français veulent un retour à la souveraineté, une autre politique que cette politique atlantiste portée par l’UE et ils choisissent le RN pour le dire.
Face à cela, Macron aurait pu réagir comme un politique national : remercier les Français de leur message, déclarer qu’il les a compris et qu’il en tiendra compte. Et finalement continuer à faire ce qu’il a toujours fait, défendre l’atlantisme et détruire la France. Mais Macron n’est pas le représentant de l’élite politique nationale française, il a donc eu peur pour ses maîtres. Et son discours, tout autant que la décision de dissolution de l’Assemblée nationale le montrent.
Macron estime que, je cite, la montée des nationalismes et des démagogues est un danger pour l’Europe, mais aussi pour la France. En insultant de cette manière les partis politiques vainqueurs, Macron insulte tous les électeurs, qui pour lui représentent un danger. Pour le pouvoir qu’il incarne, qui n’a rien à voir ni avec la France, ni avec l’Europe, mais qui a parasité les deux. Plus loin, Macron enchaîne sans sourciller «je n’entends rien céder» et «j’ai entendu votre message». Manifestement, il parle aux Français, qui le soutiennent, les autres ne méritant que son mépris et une stigmatisation.
La dissolution doit permettre de tenter de rejouer le vieux scénario de l’unité nationale retrouvée contre le RN et les discours politiques se sont immédiatement positionnés en ce sens. Hidalgo parle de «crise politique majeure». Oui, la crise politique s’est renforcée en France, avec la radicalisation des élites politiques, ne représentant plus les intérêts de la France. Stéphane Séjourné reprend les mots de Macron sur le danger pour l’Europe et pour la France d’une montée de ce qu’il appelle le nationalisme, puisque l’étatisme est banni du discours politique actuel. Et d’enchaîner :
«Nous avons besoin de clarté, la question est donc bel et bien: quelle majorité souhaitons-nous pour gouverner notre pays?»
Quelle majorité ? Là est bien la question. Une majorité globaliste, défendant les intérêts atlantistes, ou une majorité étatiste, défendant les intérêts de la France ? Le problème est que cette alternative est idéologique, puisqu’elle pose deux visions du monde différentes et incompatibles, ou les élections permettent des alternances politiques, c’est-à-dire à l’intérieur d’un même cadre idéologique.
Les oppositions de poche, de Zemmour à Mélanchon en passant par les écolos et le reste de la gauche bobo, vont aider à disperser l’électorat mécontent pour faire le jeu de Macron et du système, les autres vont s’unir pour sauver leur système … et nous nous préparons aux élections les plus sales de l’histoire de la Ve République.
Désormais, il faudra que le RN prenne du courage politique et assume une position politique, qui demande de la carrure. Marine Le Pen déclare que le RN est prêt à gouverner. C’est bien, mais à gouverner comment ? Sur les grands sujets de politique internationale, que ce soit la gouvernance externalisée covidienne ou la guerre atlantiste en Ukraine, les déclarations de Bardella mirent le RN dans la lignée de Macron. Sur la politique intérieure, le RN est très discret dans l’opposition.
Par Karine Bechet-Golovko
Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, alors que je n’ai jamais voté RN, il faut voter pour eux. Ce ne sont pas les plus courageux, ni les plus déterminés. Mais ce sont les seuls à pouvoir affaiblir le système. Et si le vote populaire aux législatives, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet, est assez fort, si justement une véritable majorité se dégage, les nouveaux élus seront obligés de bloquer le déraillement de la machine atlantiste. Au minimum (et peut-être au maximum en étant consciente de l’état de délabrement du système électoral actuel), la ligne de Macron sera en manque de légitimité et il sera mis en situation difficile.
Le combat politique ne fait que commencer, en tout cas une légère brèche est apparue. N’oubliez pas que seules les élections nationales peuvent avoir une véritable incidence sur la politique nationale, si nous maintenons nos élus sous pression. Les 30 juin et 7 juillet, il va falloir y aller. Même si vous n’y croyez pas, même si vous êtes occupés, c’est une occasion à ne pas laisser passer. Les abstentionnistes doivent exprimer leur mécontentement, ils feront la différence.