Billet otanien : l’économie de guerre en Finlande et les enjeux de la guerre en Ukraine
Depuis son entrée dans l’OTAN, la Finlande a radicalement changé de politique. Alors que son intérêt était toujours de garder de bonnes relations, et avec les pays européens, et avec la Russie, l’on voit depuis cet automne une radicalisation de la politique gouvernementale. Il s’était agi en premier lieu de la fermeture des frontières, fin novembre, avec la Russie. Désormais ajoute à cette tentative prématurée le lancement d’une économie de guerre. Comme le déclarait Stoltenberg, l’OTAN est une organisation de paix …
Souvenons-nous, que le 18 novembre, la Finlande décide de fermer 4 postes-frontières avec la Russie et le 22 novembre de fermer les derniers, en raison d’un soi-disant afflux d’immigrés en situation irrégulière venant de pays tiers (voir notre publication ici). Alors que l’UE prône la ligne No borders, selon laquelle les pays européens sont tenus d’accepter toutes les personnes, qui se présentent au nom de leur liberté de choisir où vivre et contre l’obligation des pouvoirs étatiques de défendre l’intérêt national, tout à coup, les frontières doivent être fermées … avec la Russie. L’argument de l’immigration est d’autant plus amusant, lorsque l’on sait qu’en 2020, 440 000 immigrés vivaient en Finlande. Ce ne sont pas 700 personnes, qui vont provoquer un choc migratoire ! (voir notre article ici)
En revanche, cette décision s’inscrit parfaitement dans la ligne atlantiste de confrontation avec la Russie. Au détriment de l’intérêt national. D’ailleurs, les pays qui portent allégeance à l’Axe atlantiste déposent en guise de bonne foi leur souveraineté à ses pieds.
Ainsi, la Finlande s’est un peu vite coupée de la Russie, avec laquelle elle entretient historiquement des relations très étroites, et au niveau institutionnel, et au niveau des particuliers. Rappelons que la Finlande faisait partie de l’Empire russe jusqu’à sa chute. Suite à cette décision soudaine et peu cohérente, des manifestations ont régulièrement été organisées en Finlande. Ainsi, alors que ces postes-frontières devaient être fermés jusqu’au 18 février 2024, deux vont être réouverts dès demain 14 décembre :
Les autorités finlandaises ouvriront deux postes de contrôle frontaliers avec la Russie à partir du 14 décembre. Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo a fait une déclaration en ce sens. Selon lui, les postes de contrôle de Vaalimaa (Torfyanovka) et Niirala (Vyartsilya) seront ouverts. «La décision est basée sur le fait que les citoyens et diplomates finlandais doivent pouvoir traverser la frontière», a déclaré le journal finlandais Ilta-Sanomat dans une publication. Ces postes de contrôle sont situés à proximité de Saint-Pétersbourg et, avant la fermeture, c’était là que le plus grand nombre de passages frontaliers était enregistré.
Ce premier pas atlantiste, un peu boiteux, s’accompagne d’une nouvelle percée — en matière d’armement. Le Gouvernement finlandais vient de décider de relancer sa production d’armes lourdes et de soutenir ainsi l’industrie nationale pour l’effort de guerre … en Ukraine. Mais également pour ses propres besoins … à partir de 2026 :
La production de munitions lourdes en Finlande sera augmentée, selon un communiqué de presse du ministère suédois de la Défense, publié le 12 décembre.
L’armée investit environ 24 millions d’euros dans la production de munitions lourdes. En outre, le ministère finlandais de la Défense assumera les obligations relatives aux commandes à long terme émanant d’entreprises locales. La production de munitions lourdes devrait plus que doubler par rapport à son niveau actuel.
Le ministre de la Défense Antti Häkkänen a déclaré que, l’augmentation de la production de munitions apporterait « un soutien à long terme à l’Ukraine ». Les installations de production dans le cadre de l’investissement supplémentaire entreront en service en 2026 et 2027.
Ainsi, la Finlande entre de plein-pied dans la guerre en Ukraine … mais pas tout de suite. Les délais soulèvent des questions … Relancer la production militaire pour soutenir l’industrie nationale, c’est ce qui s’appelle une économie de guerre. Et en période de crise économique et financière endémique, suite à l’effondrement du mythe libéral, qui a conduit à la globalisation et à la paupérisation des sociétés, il n’y a rien de tel «qu’une bonne guerre» pour relancer l’économie et remettre les choses à plat. L’histoire est aussi récurrente sur ce point. Et manifestement, la guerre en Ukraine est prévue, indépendamment des poussées politico-médiatiques autour de négociations-capitulations, pour durer longtemps. Seulement à partir de 2026-2027 la Finlande aura les installations permettant de fournir une aide militaire substantielle à l’Ukraine.
Dans ce contexte généralisé d’épuisement des ressources et de la nécessité de sortir du mirage «post-industriel» pour relancer la production nationale en Europe, il y a de fortes chances que les pays de l’Axe atlantiste aient besoin d’une pause, qui pourra prendre différentes formes. Soit de faux accords, à la Minsk. Soit d’une stabilisation du front par une baisse réciproque de l’intensité du conflit. Le temps de repartir de plus belle. Sauf si la Russie en profite pour réellement passer à l’offensive.
Par Karine Bechet-Golovko