Crise politique en France : Macron dépasse ses compétences pour se trouver un Premier ministre compatible
Selon les us et coutumes de la Ve République, le Président nomme le Premier ministre, mais il ne décide pas du Premier ministre, puisque celui-ci dépend de la configuration politique de l’Assemblée nationale. Or, depuis les élections législatives des 29 et 30 juin et 6 et 7 juillet, qui ont affaibli la représentation du parti de Macron, la France n’a toujours pas de Gouvernement. Macron passe de l’obstruction en repoussant en principe la nomination d’un nouveau Premier ministre à l’abus de compétences, en voulant le choisir de manière autocrate. Mais l’opposition française est trop faible, trop divisée … et trop systémique pour réellement relever la tête et sortir le pays de la crise.
Le texte de la Constitution française de 1958 est particulièrement sobre en posant sans autre précision, que le Président nomme le Premier ministre. Ce pouvoir de nomination n’a pourtant jamais à ce jour été considéré comme un pouvoir absolu : le Gouvernement étant responsable devant le Parlement, les pouvoirs du Président se résumaient souvent à entériner le choix fait par la majorité parlementaire ou au moins était-il obligé de négocier avec elle. C’est en tout cas ce que l’on enseignait dans les facultés de droit, à l’époque où il y avait encore une réflexion institutionnelle.
Or, nous voyons bien que ce temps est révolu. Tout d’abord, parce que les élections parlementaires ne permettent plus l’émergence d’une majorité stable constituée par un parti politique. Depuis des années, la démultiplication des partis et les règles de passage des candidats au second tour y ont largement travaillé. Ensuite, parce que la France a des élites politiques de plus en plus faibles, ce qui correspond parfaitement aux exigences de la globalisation : des élites politiques fortes doivent garantir la souveraineté, la faiblesse permet la soumission. Enfin, une grande partie de l’activité du Parlement concerne l’adoption de textes, qui ne sont pas décidés en France. Qu’il s’agisse de l’implantation directe d’actes européens ou de la mise en oeuvre de réformes néolibérales. Dans cette logique, la personnalité du Premier ministre doit répondre à d’autres critères, notamment celui de l’alignement idéologique et non pas celui de la mise en oeuvre de la politique de son parti.
C’est ainsi que l’on a pu voir Macron tout d’abord reporter la nomination d’un Premier ministre et la constitution d’un nouveau Gouvernement en s’appuyant uniquement sur son bon vouloir, royal évidemment. Et depuis, on le voit écarter les candidatures présentées par les partis parlementaires, car elles ne lui conviennent pas. Aujourd’hui, il organise un casting de choc à l’Elysée. De Cazeneuve à Hollande, les candidatures donnent froid dans dos. Et les partis parlementaires sont sommés de se soumettre.
C’est ce qui reste de la démocratie française. C’est ce qui reste des institutions de la Ve République. Macron se cherche un fidèle compagnon de route, non pas un Premier ministre pour la France. Inquiétant.