France : le Sénat vient d’adopter définitivement la proposition de loi légitimant l’ingérence européenne
Les lois régulant l’ingérence étrangère sont à la mode, bien que différentes les unes des autres. Alors que la France criait à l’ingérence russe lors de l’adoption de ce type de loi en Géorgie, elle vient elle aussi de faire passer définitivement au Sénat une forme de régulation des ingérences étrangères, qui offre une impunité absolue à l’ingérence européenne en France. Est-ce une forme d’ingérence américaine, défendant l’ordre global ou bien la reconnaissance qu’il ne peut y avoir d’ingérence européenne en France, puisqu’il s’agit d’une gouvernance européenne sur la France ?
La seule ingérence reconnue — et condamnée — en France est bien entendu l’ingérence russe. Si l’on en croit le discours politico-médiatique dominant, la Russie diffuse une telle quantité de «fausses informations», que le bon peuple risquerait de réfléchir, alors que les médias russes ont été «démocratiquement» fermés et que des plateformes avec un budget ridiculement petit (environ 20 000 euros dans l’année — ça doit faire moins d’une année de salaires d’un journaliste du Monde) sont visées par des enquêtes commandées. Nous n’oublierons pas non plus l’ingérence russe dans les élections, qui manifestement a porté Macron à la présidence … L’absurde se porte à merveille.
Bref, il faut réagir, ça ne peut plus durer.
Face à l’intensification des ingérences étrangères (cyberattaques, fausses informations…) dont la France est la cible, la proposition de loi envisage plusieurs mesures en matière de transparence (registre des acteurs d’influence étrangère) et de renseignement (utilisation des algorithmes, gel des avoirs). Ces dispositions s’appliqueront outre-mer
Ainsi, le 6 février 2024, des députés ont déposé une proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France. Après un aller-retour législatif, le Sénat vient d’adopter définitivement le texte ce 3 juin. Comme on peut le lire sur le site de Public Sénat :
La loi entend d’abord mieux encadrer les représentants d’intérêts étrangers en France, en obligeant leur inscription dans un registre géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Pour permettre au Parlement d’en mesurer l’ampleur, le gouvernement devra également lui remettre un rapport sur « l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ».
En parallèle, le texte renforce aussi la surveillance des opérations d’ingérence en autorisant les services de renseignement à expérimenter la surveillance par algorithme des activités suspectes en ligne. Un point qui avait cristallisé les oppositions de la gauche lors de l’examen du texte au Sénat, craignant des atteintes aux libertés publiques.
En effet, l’activité visée touche à l’intérêt vital de la Nation :
«Sont tenues de déclarer leurs activités d’influence auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les conditions fixées par la présente section, les personnes physiques ou morales exerçant, sur l’ordre, à la demande ou sous la direction ou le contrôle d’un mandant étranger mentionné au II et aux fins de promouvoir les intérêts de ce dernier, une ou plusieurs actions destinées à influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire, sur une décision publique individuelle ou sur la conduite des politiques publiques»
Cela concerne les activités ciblées, financées à plus de 50% de l’étranger ou pour le compte de l’étranger ou lorsque des centres de pouvoir étranger entrent en communication avec l’élite politique. Qui pourrait ne pas être satisfait de voir la France se réveiller et vouloir reprendre en main sa souveraineté ? Ce serait merveilleux! Pour l’instant, cela reste un lointain mirage et ce texte est un véritable enfumage, qui à l’inverse légitime l’ingérence étrangère sur la vie publique française.
En effet, quand on lit la version finale publiée ici, plusieurs questions viennent à l’esprit.
En ce qui concerne la catégorie des personnes, pouvant être considérées comme agent.
Le premier article parle de toute personne physique et morale. Si cela concerne dans le détail les élus et les personnes exerçant professionnellement la politique, comme les ministres, les anciens présidents, les députés, etc. il existe d’importantes exceptions. Le Président en exercice n’est pas visé, il peut donc être un agent étranger, sans avoir à le déclarer. Seul le candidat est visé. Macron n’étant pas candidat et n’étant pas encore ancien Président, se trouve en dehors du champ de la loi.
Si les diplomates sont écartés, en revanche la loi protège également les agents d’un Etat étranger agissant dans le cadre de ses fonctions — les espions américains peuvent dormir tranquilles en France. Ainsi que les ressortissants d’un Etat étranger. Ainsi, si cela peut concerner toutes ces structures américaines d’influence en France, ces cabinets de conseil qui risquent ainsi de passer à travers le maillage de la loi.
En ce qui concerne l’activité, qui peut être considérée comme une ingérence.
Doivent se déclarer, tout politicien ayant un contact avec une puissance étrangère ou son représentant, toute personne ayant une activité de communication publique financée à plus de 50% de l’étranger ou récoltant des fonds pour une puissance étrangère.
Ici, deux catégories vont être sous question. Quid des médias officiels et des journalistes ? Il semblerait que cette loi ne remette pas en cause la prise en main des médias français, mais qu’elle prépare plutôt une rafle du Vel d’hiv pour les médias alternatifs et les blogueurs.
Quid également des ONG, ces petites mains de la dictature globale ? Font-elles de la communication destinée au public, ramassent-elles des fonds pour une puissance étrangère ? A priori, pas forcément voire pas du tout. Ainsi, tout le maillage globaliste des associations pourra tranquillement continuer à oeuvrer, sans avoir à révéler quels intérêts elles défendent.
En ce qui concerne les sources de pouvoir, pouvant être considérées comme étant à l’origine de l’ingérence.
C’est ici que ce texte de loi prend toute sa signification : légaliser l’ingérence atlantiste existant en France à travers les structures européennes et les autres pays européens.
Sont des mandants étrangers, au sens de la présente section :
« 1° Les puissances étrangères, à l’exclusion des États membres de l’Union européenne ;
« 2° Les personnes morales qui sont directement ou indirectement dirigées ou contrôlées par une puissance étrangère mentionnée au 1° ou qui sont financées pour plus de la moitié par une telle puissance étrangère ;
« 3° Les partis et les groupements politiques étrangers, à l’exclusion de ceux issus des États membres de l’Union européenne.
Cette loi part du principe, qu’un Etat européen ne peut avoir un intérêt national opposable à un autre Etat européen, ni à l’UE. Autrement dit, l’UE, qui est une structure régionale de gouvernance globalisée, ne peut faire de l’ingérence en France, elle gouverne la France.
Maintenant, vous comprenez pourquoi tant de voix en Europe s’élevaient contre la loi géorgienne et pourquoi il y a un silence de mort concernant la loi française. En Géorgie, le Parlement a réellement voulu défendre la souveraineté du pays, en mettant en lumière l’ampleur de l’ingérence européenne et américaine.
En France, le but de cette loi est de tenter d’agir contre la Russie accusée d’ingérence, de briser tout discours alternatif national et de légaliser l’ingérence européenne. La situation va être plus délicate pour l’ingérence américaine, qui ne peut être aussi officiellement légitimée que l’ingérence européenne, mais faisons confiance aux autorités françaises pour continuer à faire semblant de ne pas la remarquer.
Par Karine Bechet-Golovko