Géopolitique de la Russie : la Commission européenne s’attaque au Tadjikistan
Les pays de l’Asie centrale occupent une position stratégique dans la politique d’encerclement menée par l’Axe atlantiste contre la Russie. Cela fait de nombreuses années que les organismes internationaux y travaillent, non sans réussite, et l’intérêt à leur égard est réactivé dans le cadre du conflit armé en Ukraine. Le Tadjikistan et sa «démocratisation» — What else ? — retiennent à nouveau l’attention et le budget de l’UE. Sur le principe selon lequel tous ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi, les organes globalistes veulent radicaliser la situation politico-sociale des pays, qu’ils considèrent trop «neutres» ou trop «pro-russes».
Le Tadjikistan, depuis la chute de l’Union soviétique et la toute nouvelle constitution de son étaticité «autonome» (puisque le Tadjikistan, comme structure étatisée, a été créé par l’Union soviétique en 1924), garde des relations proches avec la Russie, tout en développant des relations autonomes avec la Chine, le Kazakhstan et l’Iran, par exemple, et en faisant partie d’organisations globalistes comme l’OSCE ou collaborant avec l’UE.
Ainsi, le Tadjikistan est membre de la Communauté des Etats indépendants, de l’Organisation du Traité de sécurité collective, mais aussi de l’Organisation de coopération de Shangaï. Cette tentative de survie dans un espace géopolitique de plus en plus conflictuel est compliquée par la question brûlante de l’avènement ou de la chute d’une gouvernance globalisée centralisée, ne laissant plus beaucoup de place à la nuance politique.
Le Tadjikistan vient de terminer des exercices militaires conjoints avec la Russie, qui se sont déroulés sur son territoire du 3 au 7 avril, à proximité de la frontière afghane. Par ailleurs, le Tadjikistan espère multiplier par 5 ses échanges commerciaux avec la Russie en passant de 1,5 milliard à 5 milliards $. Et pour bien faire comprendre qu’il ne s’agit pas que d’une coopération situative, le Premier vice-président du Parlement tadjike de préciser :
«les relations entre la Russie et le Tadjikistan «se distinguent par un haut niveau de confiance, un soutien mutuel constant et une amitié».»
Evidemment, actuellement, ces relations sont inacceptables en Occident : le monde globaliste ne peut être global, si des pays entiers lui échappent en développant des relations stratégiques avec son «ennemi», à savoir la Russie.
Le Tadjikistan collabore avec l’UE depuis 2010 dans le cadre d’un Accord de partenariat et de coopération. L’année dernière, la Commission européenne avait déjà lancé un programme de «démocratisation» du Tadjikistan, bref de soutien aux activistes des droits de l’homme dans le pays. Aujourd’hui, elle recommence avec un programme de soutien dirigé principalement vers la prise en main de la jeunesse et des médias : comment organiser une révolution sinon ?
Le but officiel annoncé est évidemment la lutte contre les inégalités sociales par le fameux «développement durable». Pour cela, non, l’on ne plaisante pas, il faut :
- soutenir les organes de la société civile «considérés comme des éléments du processus de gouvernance démocratique» : bref, les élections c’est dépassé, en plus l’on n’arrive pas toujours à les manipuler dans le «bon» sens, autant s’en passer. La démocratie, ce sont désormais les activistes, qui se représentent eux-mêmes et sont parfaitement manipulables. Ce qui est beaucoup plus facile ;
- particulièrement travailler avec la jeunesse : ce sont les jeunes, qui font les révolutions de couleur (Ukraine, Géorgie, etc), ce sont eux qui sortent sur commande sans même vraiment comprendre de quoi il s’agit, mais c’est fun et on a des convictions quand même (les gamins de Navalny en Russie), donc c’est bien eux qu’il faut prendre en main en priorité ;
- organiser des événements pour lutter contre la «désinformation» et renforcer la «liberté des médias» : traduisons — il faut absolument maîtriser le discours médiatique, pour que la société puisse être prise en main de l’extérieur.
Cette dernière orientation est particulièrement soulignée dans le programme :
«Ainsi, les exécutants doivent organiser des training de formation professionnelle pour les journalistes, les forces de sécurité et les membres de l’appareil judiciaire afin de garantir la liberté des médias.»
Quel est le rapport avec le développement économique du pays, qui doit permettre de lutter contre les inégalités sociales ? Aucun, tel n’est pas le but. Le but véritable de ce programme de l’UE est de travailler en profondeur la société et les branches du pouvoir, en y trouvant des personnes «compatibles» pour faire le sale travail, ensuite, de l’intérieur.
Le développement durable de la démocratie atlantiste, rien de tel !
Karine Bechet-Golovko