Guerre en Ukraine : les lignes flottantes et un Barbarossa 2.0. pour la Russie et l’Europe
Une grande partie de cette guerre, bien réelle, qui se déroule en Ukraine, est communicationnelle. Comme lors de toute guerre, les médias sont utilisés pour lancer des signaux à l’adversaire, autant que pour préparer l’opinion publique. Ainsi, la Russie a décidé de jouer la carte du calme froid et du flou de «l’asymétrie», quand les pays de l’Axe atlantiste développent une rhétorique de plus en plus ouvertement guerrière. Mais ne sommes-nous pas à l’aube d’un nouveau virage dans ce conflit, qui pourrait basculer dans les mois à venir, soit en prenant une nouvelle intensité, soit en purgeant la bulle médiatique (si elle est vide de politique) et en stagnant.
Les dirigeants des pays de l’Axe atlantiste, les uns après les autres dans la foulée de l’invite de Stoltenberg et de Macron, ont finalement donné leur accord pour des tirs en profondeur sur le territoire russe. Les Etats-Unis se sont également prononcés et du coup Scholtz n’a pu rester en retrait. Les Pays-Bas proposent même d’utiliser les F16 qu’ils fournissent pour tirer sur le sol russe. Et aucun n’ose reconnaître publiquement, qu’ainsi, ils entraînent nos pays dans une guerre directe contre la Russie. Si réellement ils réalisent prochainement ce qu’ils affirment.
Le Président Poutine l’a rappelé :
«En Europe, en particulier dans les petits pays, ils doivent réfléchir à ce avec quoi ils jouent. Ils doivent se souvenir qu’ils sont bien souvent des États ayant un petit territoire et une population très dense», a prévenu Vladimir Poutine au cours d’un point presse à Tachkent, en Ouzbékistan. «Ce facteur est une chose sérieuse qu’ils doivent avoir à l’esprit avant de parler de frapper en profondeur le territoire russe», a-t-il poursuivi. «Cette escalade permanente peut avoir de graves conséquences».
De son côté, le ministère russe des Affaires étrangères répond de manière plus évasive, nous ressortant pour l’occasion le serpent de mer des réponses asymétriques, tant asymétriques que l’on n’a pas toujours compris en quoi concrètement elles consistent. Pourtant, la Russie assure que cette menace doit être prise au sérieux :
«Je voudrais mettre en garde les dirigeants américains contre des erreurs de calcul, qui pourraient avoir des conséquences fatales. Pour des raisons inconnues, ils sous-estiment la gravité de la rebuffade qu’ils pourraient recevoir»
Et de préciser :
«de telles tentatives seront réprimées, la réponse pourrait être asymétrique«
Que signifie une réponse asymétrique dans ce cas précis ? Des courriers au Congrès américain, des sanctions économiques, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU ? Ou bien, est-ce une manière délicate de faire comprendre que la Russie peut considérer qu’il ne s’agit pas de l’Ukraine, mais bien des Etats-Unis ou des pays de l’OTAN et cesser d’être docile ? Car des tirs intérieurs la mettraient au pied du mur.
De son côté, l’OTAN joue des muscles médiatiques. Nous apprenons ainsi que, dans la foulée de la décision d’extension de la zone de conflit vers l’intérieur des terres russes, un plan d’agression de la Russie est mis sur la table, bien sûr au cas où la Russie agresserait, où il y aurait une guerre en Europe. Ceci est aussi un double message. Le premier pour la Russie, lui intimant de ne pas avancer trop vite. Le second pour les Européens — préparez-vous à une nouvelle guerre conventionnelle sur vos terres. The Telegraph nous en donne les grandes lignes.
L’OTAN développe de multiples « couloirs terrestres » pour acheminer les troupes et les blindés américains vers les lignes de front en cas de guerre terrestre majeure entre l’Europe et la Russie. (…) Les routes logistiques sont devenues une priorité clé depuis que les dirigeants de l’OTAN ont convenu de préparer 300 000 soldats qui seront maintenus en état de préparation élevé pour défendre l’alliance lors d’un sommet à Vilnius, en Lituanie, l’année dernière.
Et de préciser :
Les plans existants prévoient que les troupes américaines débarquent dans les ports néerlandais avant de monter à bord des trains qui les transportent à travers l’Allemagne et ensuite vers la Pologne. En cas d’invasion russe de l’OTAN, les troupes américaines seraient expédiées vers le port de Rotterdam avant d’être transportées vers l’Est.
Si l’on met de côté l’éternel registre de l’agression russe, il semblerait que les Etats-Unis aient repris le goût de l’Europe comme terrain de jeu :
Si les forces de l’OTAN arrivant des Pays-Bas sont touchées par les bombardements russes ou si les ports d’Europe du Nord sont détruits, l’alliance devrait se concentrer sur les ports d’Italie, de Grèce et de Turquie.
Depuis les ports italiens, les troupes américaines pourraient être transportées par voie terrestre à travers la Slovénie, la Croatie jusqu’à la Hongrie, qui partage une frontière avec l’Ukraine.
Des plans similaires existent pour transporter des forces depuis les ports turcs et grecs via la Bulgarie et la Roumanie pour atteindre le flanc oriental de l’alliance.
Autrement dit, il ne s’agit pas de la guerre d’Ukraine, mais bien de la bataille d’Ukraine. L’Ukraine est un front et l’OTAN prévoit une extension du conflit, et vers la Russie, et donc vers l’Europe. Il est vrai qu’en donnant l’autorisation de frapper en profondeur en Russie, les pays de l’Axe atlantiste ouvrent la boîte de Pandore et la voie à une guerre conventionnelle sur le sol européen. Alors que la Russie ne représentait pas pour eux un danger.
Rappelons que sans le Maïdan, il n’y aurait eu, ni la Crimée, ni le Donbass. Sans la violation des Accords de Minsk par les Occidentaux et l’intensification du conflit, il n’y aurait pas eu février 2022. Sans l’agression atlantiste du territoire russe, qui se prépare, il n’y aurait pas de danger pour les pays européens.
Ce n’est pas la Russie, qui présente un danger existentiel pour les pays européens, mais leurs élites globalistes, celles-là même qui les entraînent dans une guerre pour défendre leur propre pouvoir.
Par Karine Bechet-Golovko