Guerre en Ukraine : Pourquoi Macron, a-t-il dû briser le tabou d’une implication au sol des pays de l’OTAN contre la Russie ?
La sortie de Macron sur la possibilité théorique d’un envoi de troupes des pays de l’OTAN sur le front ukrainien contre la Russie a provoqué le choc … recherché. Plusieurs pays de l’OTAN ont déjà envoyé des hommes sur place à titre divers et chacun le sait. Les pays de l’OTAN sont déjà partie «à leur» conflit avec l’armement fourni, la formation et le financement de cette guerre en Ukraine. Alors pourquoi Macron a-t-il dû dire tout haut ce que chacun pense tout bas depuis longtemps, à savoir qu’une guerre par procuration n’est pas suffisante et qu’il va bien falloir y aller ? Justement, parce que les populations ne sont pas prêtes — et les élites non plus, dans leur majorité. Et que la théorie du choc a toujours été le seul moyen réellement efficace de faire bouger sensiblement les frontières du possible. Désormais, l’envoi de troupes de pays de l’OTAN sur le front ukrainien est officiellement du domaine du possible et se discute ouvertement.
Une énième réunion insipide en soutien à l’Ukraine a eu lieu à l’Elysée, mais elle s’est terminée par la bombe politique lancée par Macron :
Rien n’est décidé, il n’y a pas de consensus au sujet de l’envoi de troupes de pays de l’OTAN sur le front ukrainien, mais je vous annonce que cela se discute ouvertement. Ce n’est donc qu’une question de temps et il va falloir vous y préparer.
Ce message s’adresse autant aux élites politiques, qu’aux populations. Puisque personne n’est prêt. Immédiatement, la plupart des dirigeants politiques ont déclaré ne pas se préparer à envoyer des troupes en Ukraine. Stoltenberg a osé annoncer que l’OTAN n’avait pas de tels plans. Les déclarations de la Grande-Bretagne laissent en revanche songeur : il n’y a pas de décision d’un large déploiement en Ukraine. Donc, pour un déploiement «raisonnable», il n’y a pas de problème …
En ce qui concerne la population française, c’est très clair : 24% pour, 76% contre.
Manifestement, la France et la Grande-Bretagne ont été choisies pour entraîner les autres pays. Chacun reconnaît aujourd’hui dans les médias français, qu’un tabou a été brisé hier avec les déclarations de Macron. Le premier but a été atteint : rien n’empêche désormais de discuter ouvertement de l’envoi de troupes régulières. Le débat est ouvert, donc le sujet est normalisé et les esprits vont s’habituer. La ligne de l’acceptable a été déplacée. Comme le Huffington Post le publie ouvertement :
«Nous n’y sommes pas. Et le consensus occidental est à ce stade inexistant. Mais le plus grand tabou lié au soutien de l’Ukraine est levé. Emmanuel Macron a déclaré à l’issue de sa conférence de soutien à l’Ukraine organisée à Paris ce lundi 26 février que l’envoi de troupes occidentales en soutien à Kiev n’était « pas exclu ». Sans avoir défini les contours de cette éventualité, le chef de l’État a admis l’essentiel.
À savoir qu’un engagement militaire faisait partie de la palette des réponses que le camp occidental s’autorise pour empêcher une victoire de Vladimir Poutine, perçue comme une menace pour la sécurité européenne.»
Incidemment, les Accords de coopération militaire impliquant la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont été signés avec l’Ukraine (voir notre texte ici), le financement va continuer et l’armement aussi. Le retrait des Etats-Unis le temps de la campagne présidentielle entraîne un déplacement des forces globalistes vers l’Europe, qui tient fermement les pays par l’intermédiaire des instances de l’UE. Cela fait longtemps que le travail est mené en Ukraine contre la Russie et la présence d’une douzaine de bases de la CIA, qu’il n’est plus possible de cacher, est ouvertement reconnue. D’autant plus qu’ainsi, les Européens peuvent avoir l’illusion de ne pas être envoyés seuls au front …
Car la Russie a prévenu des conséquences d’une telle décision. Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin l’a déclaré sans ambages :
«Un conflit militaire direct entre l’Otan et la Russie sera inévitable en cas d’envoi de troupes occidentales en Ukraine»
Peskov a bien noté, que cet élément de langage constitue une nouveauté, sur laquelle le Kremin porte toute son attention. C’est bien en soi une escalade.
Mais les globalistes n’ont pas le choix, ils ne peuvent pas se permettre de perdre en Ukraine. Comme nous l’avons déjà entendu, ils sont incapables de remettre en cause leur stratégie — par définition, ils ne peuvent se tromper. Il suffisait de sanctions pour faire tomber la Russie. Il suffisait de «former» l’armée ukrainienne pour faire tomber la Russie. Il suffisait de chars pour faire tomber la Russie. Il suffit d’avions pour faire tomber la Russie. Il suffira d’envoyer des troupes de pays de l’OTAN pour faire tomber la Russie.
Dans leur esprit, les Ukrainiens ne valent pas mieux que les Russes, ce sont des slaves comme les autres. Ils ne valent donc rien. Il va bien falloir faire le boulot. Puisqu’ils ne peuvent même pas se battre contre une armée russe, qui est soi-disant très mauvaise, qui envoyait même des machines à laver sur le front nous disait-on il y a un an de cela … Sous-etimer l’adversaire et dénigrer ceux que l’on utilise est une erreur récurrente chez les Occidentaux.
Pour entraîner les autres pays, le temps que le discours fasse son chemin dans les esprits, il va être question d’une assistance technique, qui implique évidemment une présence militaire officielle sur le front ukrainien, comme le reporte le NYT. Bref, ce qui existe déjà sera officialisé.
La France a précisé que M. Macron essayait de souligner que l’Europe devait envisager de nouvelles actions pour soutenir l’Ukraine.
Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a déclaré qu’une nouvelle assistance à l’Ukraine dans les domaines du déminage, de la cyberdéfense et de la production d’armes «pourrait nécessiter une présence sur le territoire ukrainien, sans franchir le seuil des combats».
«Rien ne doit être exclu», a déclaré M. Séjourné. «C’était et c’est encore aujourd’hui la position du président de la République.»
Le processus est En Marche. L’on nous assure encore, qu’il existe d’autres options, que l’envoi de troupes. Pour la forme. Mais le travail se prépare. Pas uniquement médiatiquement pour les esprits, pas uniquement politiquement pour impliquer les autres pays, mais aussi militairement. Ainsi, l’on apprend discrètement que l’armée française s’y prépare, notamment dans les conditions du grand froid … Il est vrai que le piteux retrait de Russie des troupes napoléoniennes a fait école.
Mais manifestement, les leçons n’ont pas été tirées de l’Histoire. Enfin, que peut l’Histoire contre les ambitions politiques humaines et le fanatisme ? Rien et nous risquons de le voir encore une fois.
Par Karine Bechet-Golovko