La contre-offensive ukrainienne du printemps : vers une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie ?

Différents avis circulent au sujet de la contre-offensive ukrainienne annoncée pour le printemps. D’un côté, le Washington Post assure que, selon des sources ukrainiennes, l’armée ukrainienne a subi trop de pertes humaines pour pouvoir assumer une contre-offensive générale, quand certains réseaux russes estiment que cela reste possible, que l’Ukraine s’y prépare, mais qu’une implication directe plus évidente des pays de l’OTAN doit l’accompagner. En fait, ces deux points de vue ne sont pas forcément contradictoires. Et la question qui en découle est simple : la contre-offensive du printemps, va-t-elle conduire à une entrée directe des pays de l’OTAN dans le conflit ukrainien contre la Russie ?

Le Washington Post a sorti un article mettant en doute, selon des sources ukrainiennes, la possibilité d’une contre-offensive efficace ce printemps. Voici quelques extraits :

«La qualité de la force militaire de l’Ukraine, autrefois considérée comme un avantage substantiel sur la Russie, a été dégradée par une année de pertes, qui ont retiré bon nombre des combattants les plus expérimentés du champ de bataille, ce qui a conduit certains responsables ukrainiens à remettre en question le fait que Kiev soit prêt pour préparer l’offensive prévue pour le printemps.»

Donc cette armée russe présentée par les médias atlantistes comme sous-équipée et non professionnelle a quand même porté un coup décisif à l’armée ukrainienne en un an. Passons sur la contradiction. L’ampleur des dégâts se précise, c’est la qualité même de l’armée ukrainienne qui a été modifiée et l’afflux de nouvelles têtes inexpérimentées n’y change rien, au contraire :

«Statistiques mises à part, un afflux de recrues inexpérimentées, amenées pour combler les pertes, a changé le profil des forces ukrainiennes, qui souffrent également de pénuries fondamentales de munitions, notamment d’obus d’artillerie et de bombes de mortier, selon le personnel militaire sur le terrain.»

Pourquoi un tel article ? Ne soyons pas naïf, des médias comme le WP ne font rien pour rien. L’idée est claire, cet article soutient la campagne des va-t-en-guerre : si vous voulez une véritable contre-offensive en Ukraine, il va falloir s’investir un peu plus. Beaucoup plus.

Cette analyse d’un risque d’entrée en guerre directe des pays de l’OTAN en Ukraine contre la Russie est également reportée par Colonel Cassad, reprenant une publication sur le sujet. 

Cela fait un certain temps que l’Ukraine regroupe des forces de plus en plus importantes sur toute la ligne de front, tout en déplaçant les civils loin de la ligne de front, ne leur laissant pas la possibilité d’aller vers la Russie. Une contre-offensive massive est attendue pour mi-avril sur toute la ligne de front.

«Ce qui se passe sur le front ne peut vraiment que suggérer qu’en accumulant des forces sur toute la ligne de front — dans les directions Nikolaev, Kherson, Krivoy Rog, Zaporojie, Kharkov et dans le Donbass, l’ennemi prépare une sorte de revanche.»

A la fois Kiev a besoin de montrer des résultats devant ses sponsors, certes, comme le dit l’auteur, mais soyons réalistes, l’Axe atlantiste a très prosaïquement besoin de gagner cette guerre et comme les dirigeants atlantistes ne cessent de le répéter, elle se gagnera sur le champ de bataille. Et le premier but de cette contre-offensive est de faire reculer la Russie militairement, comme ce fut le cas à Kharkov, cette fois-ci en arrivant à la Crimée.

Certes, l’armée ukrainienne est fatiguée, mais elle n’est pas seule et elle bien été prise en main.

«De plus en plus de détails sont connus sur le regroupement des forces armées ukrainiennes dans le secteur de Zaporojie et le transfert de nouvelles brigades, constituées d’anciens de la défense territoriale et entraînés selon les nouvelles normes de l’OTAN pour l’armée ukrainienne. L’ennemi accumule également des forces de sabotage à la frontière avec les régions de Briansk et de Koursk, où il n’y a pas si longtemps, ont été repérés des «groupes de sabotage» et toutes sortes de mercenaires venus de l’Europe «éclairée». Cela suggère un parallèle direct avec l’entrée dans la région frontalière de la région de Bryansk du group de sabotage du «Corps des volontaires russes», qui s’est produite le 2 mars.»

Mais au-delà de cette aide indirecte, l’on voit désormais de plus en plus ouvertement apparaître des membres de l’armée régulière de pays de l’OTAN sur le champ de bataille.

«Les forces armées ukrainiennes, bien sûr, s’épuisent en termes de ressources humaines. Il devient de plus en plus difficile d’assurer l’afflux de forces fraîches dans les troupes. Par conséquent, en plus du prêt-bail, Kiev s’appuie sur la participation directe aux opérations militaires des militaires des pays de l’OTAN, sans parler des mercenaires de divers PMC américano-polonaiso-britanniques. Les faits parlent d’eux mêmes. Cela explique beaucoup de choses en ce qui concerne les plans de l’état-major ukrainien et le fait que des militaires et des ingénieurs allemands sont apparus à Izyum même. Presque simultanément avec l’approvisionnement prévu en chars Leopard. L’artillerie britannique a déjà été repérée sur les terrains d’entraînement de Krivoï Rog. Et l’utilisation d’Hymars par l’ennemi dans le Donbass ne surprend plus personne.» 

Il est important d’en tirer les leçons, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs :

«Les manœuvres menées par le commandement des Forces armées ukrainiennes, avec un degré de probabilité élevé, témoignent des préparatifs de Kiev pour une offensive à grande échelle. Et si la situation dans le Donbass est tendue en permanence, alors l’activation dans les zones relativement «stables» de Kherson et de Zaporojie suggère, qu’il faut s’attendre à ce que le coup soit porté ici. Et pas seulement attendre, mais avec une compréhension de la menace, se préparer à empêcher une répétition de la retraite de Kharkov en août 2022.»

Autrement dit, si une offensive de grande ampleur se produit au printemps, elle ne pourra avoir lieu qu’avec la participation directe des pays de l’OTAN. Ce qui sonnera le début d’une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie.  

Karine Bechet-Golovko