La fantasmagorie carcérale : quand l’homme n’est plus qu’un animal comme un autre
jeudi 30 septembre 2021
Quand l’homme est dépouillé de son humanité, il ne reste que l’animal. Quand les animaux sont nombreux, ils constituent un troupeau. Alors plus aucune barrière morale n’empêche de mettre une partie de ce troupeau dans des bergeries, baptisées pour l’occasion camps de quarantaine. Aujourd’hui pour un virus, demain pour un autre, quand le principe est légitimé, c’est tout un combat que l’humanité a perdu. De la Chine à l’Australie, en passant par l’Allemagne, la fantasmagorie carcérale se construit sous nos yeux. Bientôt chez nous ? Préservez bien vos QR Codes, même s’ils ferment plutôt qu’ils n’ouvrent les portes.
La frontière entre l’homme est l’animal est particulièrement ténue, d’autant plus que la dimension animale fait partie intégrante de notre humanité. Mais cette humanité doit avoir un petit surplus d’âme pour s’élever et se maintenir au-dessus du troupeau. Dès qu’elle la perd, elle se perd, elle chute. Manifestement, nous chutons.
La dystopie covidienne a dès le départ pris des traits carcéraux avec ses assignations à domicile, ses autorisations de sortie, l’enrôlement des forces de l’ordre dans un processus de surveillance généralisée des déplacements de la population, mêlant numérique et bâton, prison numérique et murs en brique.
Tout engrenage, une fois lancé, ne peut plus s’arrêter, il doit toujours fonctionner, aller plus loin, sinon il s’écroule. Cette année 2021 est donc marquée par la construction de camps de quarantaine, autrement des camps de détention «sanitaires».
Qui pourrait alors avoir la mauvaise idée d’y voir une connotation carcérale ?
En Chine, une véritable ville carcérale, pouvant «accueillir» plus de 4 000 personnes, se construit dans la province du Hebei pour isoler les «personnes à risque».
Ce n’est pas un centre de rétention, selon les explications, car il y a tout le confort — salle de bain (pour laver les corps)et internet (pour laver les esprits). Donc, le jour où les prisons seront 5 étoiles, elles ne seront plus des prisons …
L’Australie, renouant avec ses traditions de colonie pénitentiaire, ne cesse d’expérimenter sur sa population, qui ne retrouve plus sa liberté depuis le début de la poussée covidienne. Sa stratégie du Covid zéro, autant qu’il soit possible d’appeler «stratégie» les décisions prises dans ce pays, justifie tous les excès. Elle aussi a construit son camp de quarantaine en janvier de cette année et annonce en août préparer la construction deux camps supplémentaires de 2 000 places chacun. Ici aussi il serait très mal venu de parler de camp de rétention, puisque … tout le confort est prévu … Même si les personnes internées ne le vivent pas sans conséquences psychiques. Quelle importance, ces assemblages de molécules sont-ils seulement des hommes ?
Alors, il faut aller encore et toujours plus loin — il manque de place pour mettre ce bétail, pardon cette population, sous surveillance totale. Les villages miniers pourraient eux-aussi être transformés en centre de rétention covidien.
Mais ce n’est toujours pas suffisant, malgré les confinements et le tout-vaccin, il reste toujours et encore des virus, il faut donc continuer à attaquer le problème à la racine — sortir l’homme du virus. L’urgence nationale est invoquée cet été pour mettre un anneau d’acier autour de Sydney :Face à la flambée des cas à Sydney, le Premier ministre de l’État de Victoria, Dan Andrews, a demandé un « anneau d’acier » autour de la ville pour empêcher toute personne d’en sortir.
Cette fantasmagorie malsaine n’est pas absente en Europe, mais elle est plus difficile à mettre en place. Si des voix s’étaient élevées en France en ce sens, l’Allemagne a passé le cap. L’on appréciera l’article de France Info devant démentir l’existence de la rétention forcée en cas de Covid, qui confirme finalement le fait avec pour sous-titre «Un enfermement bien légal» :
«La police locale a le droit de placer en quarantaine des personnes exposées au Covid-19. Si elles rompent leur isolement à plusieurs reprises, elles risquent d’être enfermées de force. L’État de Saxe, un des épicentres de l’épidémie, a confirmé vouloir convertir une partie d’un camp de réfugiés à cet effet. L’État de Bade-Wurtemberg a pris une mesure semblable : il met ainsi à disposition des chambres sous surveillance policière dans deux hôpitaux. Ces décisions ont été vivement critiquées par l’opposition. Cet enfermement est bien légal : la loi fédérale sur la protection contre les maladies infectieuses permet d’enfermer une personne qui ne respecte pas sa quarantaine.»
L’honneur allemand est sauf, le pays n’enferme pas tous les malades, seulement les non-dociles. L’on appréciera la nuance …
La fantasmagorie carcérale se propage dans nos sociétés, parallèlement à la perte de notre humanité. Il est intéressant de noter que la démultiplication des manifestations pacifiques, réprimées de manière plus que musclées par les forces de l’ordre, dans de plus en plus de pays, ne conduit absolument pas les pouvoirs locaux à remettre en cause la ligne choisie. Cela est sans aucun doute le signe de la rupture totale, dans ce monde globalisé, du lien de dépendance (et de responsabilité) entre les gouvernements nationaux et les populations qu’ils gouvernent : leur légitimité ne vient plus du bas (comme dans tout système démocratique), mais de leur alignement au dogme global. Ils sont donc légitimes à frapper, à écraser tout ce qui s’y oppose, sinon ils sont condamnés personnellement à disparaître et à être remplacés. Ils défendent donc leur pouvoir.