Le Parlement européen s’apprête à voter le mythe du Holodomor, créé aux Etats-Unis dans les années 80
Sur fond de conflit ukrainien, il est important pour l’Axe atlantiste d’encrer dans l’opinion publique l’image de l’Ukraine victime. D’une Ukraine pas uniquement victime aujourd’hui, mais historiquement victime, déjà de la vilaine Union soviétique. Pour cela, le vieux mythe du Holodomor est très utile. Créé aux Etats-Unis dans les années 80, il est parfaitement réutilisé aujourd’hui en Europe et le Parlement européen, discipliné, se prépare à voter ce 15 décembre une résolution historiquement fausse, mais idéologiquement indispensable, faisant porter la responsabilité de la famine en Ukraine dans les années 1932 et 1933 sur les épaules d’un Staline, qui voulait soi-disant éliminer physiquement le peuple ukrainien. Mettons donc en lumière quelques éléments historiques et voyons comment ce mythe, dans lequel le Parlement européen se prépare à plonger, a été créé de toute pièce pour les besoins du combat géopolitique des Etats-Unis contre l’URSS. Les choses ne changent pas tellement …
Le Parlement européen doit examiner aujourd’hui une résolution devant faire reconnaître le caractère volontaire de la mort massive d’Ukrainiens suite à une famine soi-disant décidée par les autorités soviétiques, ce qui doit constituer un génocide (voir le texte ici). L’on pourrait trouver un peu absurde de revenir constamment à des faits ayant eu lieu il y a 90 ans de cela et ayant touché beaucoup de peuples en URSS alors … pour condamner un pays, qui de toute manière n’existe plus et un système politique, soviétique, qui a disparu. Que nenni. Il s’agit bien et de la construction de l’image de l’Ukraine victime «permanente» des vilains Russes et la construction de l’image de l’agresseur, tout aussi «permanent», lui russe. Russie, qui aujourd’hui encore reconduit l’Accord céréalier malgré l’hypocrisie occidentale, est toujours accusée de provoquer la faim dans le monde. Rappelons que cet Accord céréalier ne bénéficie pas aux pays pauvres, mais aux pays occidentaux, comme l’expérience le montre (voir notre texte ici). Pourtant, le projet de résolution du Parlement européen déclare :
«condamne, par ailleurs, le fait que la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a engendré une crise alimentaire mondiale, la Russie ayant détruit et pillé les réserves céréalières ukrainiennes et continuant de compliquer l’exportation par l’Ukraine de céréales vers les pays qui en manquent le plus»
Revenons maintenant sur certains éléments de l’accusation de cet «Holodomor» :
1) Non, la famine n’a pas volontairement été provoquée par les autorités soviétiques.
Quatre facteurs sont principalement à l’origine de la famine du début des années 30 : la politique de collectivisation forcée des terres de 1929 et 1930 et de lutte contre les koulaks, qui a désorganisé pour un temps le système de production agricole sur le territoire de l’Union soviétique et conduit notamment à une baisse de la production de blé ; les erreurs de la planification, qui ne permettait pas une répartition géographique équitable des prélèvements de productions agricoles ; la grande sécheresse de 1931, qui a touché l’URSS et en conséquence de quoi 5 régions (la Sibérie Occidentale, l’Oural, le Kazakhstan et les régions de la Volga du Sud et moyenne) n’ont pas pu assurer de production agricole ; les réactions de sabotages idéologiques contre la collectivisation, qui ont aggravé la situation déjà plus que précaire, mais devant conduire au soulèvement de la population, contre le nouveau pouvoir.
2) Non, la famine n’a pas été organisée par les autorités soviétiques spécialement contre l’Ukraine.
Il est important de se souvenir que de 1920 à 1939, les territoires de l’Ukraine de l’Ouest ne font plus partie de la Russie. Suite à la chute de l’Empire russe, le territoire de l’Ukraine actuelle était alors réparti entre plusieurs pays d’Europe de l’Est pendant quelques années :
«Les territoires des régions modernes de Lvov, Ivano-Frankovsk, Ternopol, Volyn, Rovne faisaient partie de la Pologne jusqu’en 1939. Le territoire de la région de Transcarpathie faisait partie de la Tchécoslovaquie de 1920 à 1938. La région de Tchernovts appartenait à la Roumanie jusqu’en 1940.«
Or, la famine dans ces régions fut absolument terrible. Les autorités polonaises voulaient récupérer les territoires, mais pas les populations ukrainiennes, qui furent soumises à un régime de ségrégation extrêmement sévère, conduisant à une émigration de masse dans les années 20. Sont restés les plus faibles, qui par ailleurs ne trouvaient plus de terres à travailler, car elles étaient données aux colons Polonais, massivement envoyés, et ne pouvaient non plus exercer plusieurs professions. Ils étaient condamnés à mourir de faim et de pauvreté, dans l’indifférence générale. Les autres pays européens conduisirent à peu près la même politique dans les autres régions d’Ukraine de l’Ouest et les journaux d’expatriés ukrainiens retraçaient alors l’état de famine avancé des Ukrainiens restés au pays — colonisé, mais européanisé. Les choses changent peu finalement, quand les peuples ne tirent pas les leçons de l’histoire.
Le pouvoir soviétique et le méchant Staline ne peut en rien être responsable de cela.
3) Les victimes de la famine de 1932-1933 sont présentes sur une grande partie du territoire soviétique.
En raison, comme nous l’avons écrit au point 1 de la conjonction de facteurs politiques et naturels, une grande famine a touché l’Union soviétique.
«La famine de 1932-1933 a couvert un vaste territoire de plus de 60 millions d’habitants : Biélorussie, Kazakhstan du Nord, Ukraine, région de la Volga, Oural du Sud et Sibérie Occidentale. Ainsi, ce qui s’est passé en Ukraine n’était qu’une partie d’une plus grande tragédie.»
Et les victimes furent réparties sur ces territoires, même si les chiffres semblent avoir été exagérés :
«Les estimations des victimes de la famine, qui sont élevées à 10 millions, semblent extrêmement gonflées. Le magazine «Expert» a publié une étude, dans laquelle il estimait la surmortalité en URSS en 1932-1933 à 4,2-4,3 millions de personnes, dont 1,9 million en Ukraine.»
4) Non, les céréales ukrainiennes n’ont pas été exprès exportées par le pouvoir soviétique pour massacrer les Ukrainiens.
Tout d’abord, alors que l’Occident accuse le pouvoir soviétique d’avoir «volé» le blé ukrainien, il faut rappeler que le blé ukrainien, notamment en 1930 et dans les années suivantes, servait justement à couvrir l’exportation vers … l’Occident. Et dans cette situation objectivement très tendue, cela a contribué à provoquer une famine en Ukraine :
«En 1930, 7,7 millions de tonnes de céréales ont été exportées d’Ukraine, qui ont été principalement utilisées pour couvrir les obligations d’exportation du pays. En 1931, la république dut à nouveau livrer les 7,7 millions de tonnes prévues, tandis que la récolte céréalière tomba à 5 millions de tonnes.»
Ensuite, la famine étant présente sur une grande partie du territoire soviétique, les régions qui ont pu produire des céréales ont contribué au soutien des autres régions du pays. La charge a été simplement plus lourde, car moins de régions ont pu produire.
5) Le mythe du «Holodomor» a été construit dans les années 80 aux Etats-Unis.
Tout a commencé au pic de la Guerre froide, à la fin des années 50 :
«Le thème de l’Holodomor a été activement évoqué aux États-Unis au plus fort de l’aggravation des relations avec Moscou. En 1958, à la demande du sous-comité de l’Administration chargé d’enquêter sur la loi sur la sécurité intérieure et d’autres lois sur la sécurité intérieure de la commission judiciaire du Sénat du Congrès américain, un rapport analytique intitulé «L’Empire soviétique : une prison des peuples et des nations. Étude du génocide, de la discrimination et de l’abus de pouvoir » a formulé le concept de « famine artificielle en Ukraine, qui a fait de 4,8 à 8 millions de victimes ». Le document a été examiné lors des audiences sur l’espionnage soviétique et la pénétration du communisme aux États-Unis.»
Ensuite, dans les années 80, en préparation de la mise à mort de l’Union soviétique, des propagandistes anti-soviétiques ont été mis à contribution afin de formuler la théorie du Holodomor et la propager au grand public, afin de former l’opinion publique internationale :
«Une campagne visant à façonner le mythe de l’Holodomor a été lancée aux États-Unis dans les années 1980. En 1983-1984, des monographies consacrées à l’étude de l’Holodomor sont publiées. Au Canada, un mémorial aux victimes de l’Holodomor a été créé, et au Congrès américain, une commission d’enquête sur ses circonstances est constituée. (…) Pour comprendre : les auteurs des deux monographies les plus importantes n’étaient des scientifiques que dans une certaine mesure. Robert Conquest et James Mace étaient des spécialistes de la propagande anti-soviétique. Le premier était ouvertement propagandiste, le second était un soviétologue assez « objectif », mais qui comprenait clairement l’essence de la tâche politique. (…) La campagne elle-même était clairement liée à l’élection du président américain Ronald Reagan, qui a qualifié l’URSS d'»empire du mal» et a consacré d’importantes ressources financières à l’attaque de propagande.»
Un véritable travail de propagation du mythe a alors été réalisé :
«Une Commission américaine sur la famine en Ukraine a même été créée pour «élargir les connaissances du monde sur la famine et fournir au public américain une meilleure compréhension du système soviétique ,en exposant le rôle des Soviétiques dans la famine ukrainienne». La commission, dirigée par l’historien James Mace, a travaillé jusqu’en 1988 et a conclu que «Joseph Staline et son entourage ont commis un génocide contre les Ukrainiens de souche en 1932-1933″.»
Manifestement, le Parlement européen continue docilement le travail du Congrès américain des années 50.
Karine Bechet-Golovko
1 комментарий
[…] Le caractère irrationnel de cette vision de l’histoire faisant porter la responsabilité de la famine en Ukraine dans les années 1932 et 1933 sur les épaules seules d’un Staline, qui voulait soi-disant éliminer physiquement le peuple ukrainien, est juste évident pour quiconque réfléchit 5 minutes (et connait un peu l’histoire). Mais Karine Bechet-Golovko prend néanmoins le temps de revenir sur certains éléments de l’accusation de cet «Holodomor» dans ce billet. […]