L’idée d’une remise en cause du Traité d’unification de l’Allemagne a été discrètement soulevée en Russie
Un député de Crimée, déjà soutenu par un sénateur, soulève l’idée, dans le contexte actuel, d’une dénonciation du traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, appelé le Traité Deux plus Quatre, signé par la RFA et la RDA, avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, la France et l’URSS en 1990. La violation objective des dispositions du traité par les pays occidentaux est ici considérée comme devant soulever la question de sa remise en cause par la Russie.
Yuri Guempel, le chef de l’autonomie culturelle allemande de Crimée s’est prononcé très fortement contre ce qui se passe dans le pays de ses ancêtres. Selon lui, il faut remettre en cause le Traité de réunification de l’Allemagne, car les dispositions, notamment de l’art. 7 prévoyant la souveraineté de l’Allemagne, sont violées. Sans chercher d’excuses particulières à l’Allemagne, l’on peut se demander ce qui reste de souveraineté en général dans les pays de l’UE …
Selon lui, il faut en tirer les conséquences qui s’imposent :
«Le traité « Sur le règlement final concernant l’Allemagne » du 12 septembre 1990 n’est de facto pas appliqué et est sujet à dénonciation.»
Cette position, selon lui, est celle de la communauté allemande de Crimée.
«Nous regrettons sincèrement que les dispositions de l’article 7 du traité n’aient jamais été appliquées et que la patrie de nos ancêtres n’ait jamais acquis la pleine souveraineté sur ses affaires intérieures et extérieures.»
Ce traité ne prévoyait pas que le retrait des forces militaires soviétiques de RDA, mais également la non militarisation de la RDA puisque l’Allemagne «démilitarisée» est entrée dans l’OTAN en 1955, la restauration de la souveraineté politique de l’Allemagne, donc la fin de l’occupation occidentale.
En 2021, l’on apprend que l’armée américaine finalement ne restaurera pas les cinq sites militaires à l’Allemagne, argumentant d’un «besoin croissant sur le terrain européen». Avec le développement du conflit armé atlantiste en Ukraine, l’on comprend mieux … De même, l’implication croissante de l’Allemagne dans l’OTAN a été saluée par cette organisation lors des exercices d’intimidation de 2023 Air Defender, où l’Allemagne a joué un rôle central en l’accueillant. Et l’on voit depuis longtemps les dirigeants allemands s’aligner sur la politique atlantiste, qu’il s’agisse de la politique énergétique ou des sanctions, mais également désormais de l’envoi d’armement à l’étranger, en l’occurrence sur le front ukrainien et l’annonce d’une relance de l’industrie militaire allemande. Ce qui est inédit depuis la Seconde Guerre mondiale.
Nous sommes bien loin des objectifs de paix et de stabilité, de coopération entre les pays signataires. Rappelons simplement quelques dispositions du Préambule, qui ne sont plus que lettres mortes :
«Reconnaissant que ces principes ont établi des bases solides pour l’édification d’un ordre de paix juste et durable en Europe; Déterminés à tenir compte des intérêts de sécurité de chacun; Convaincus de la nécessité de surmonter définitivement les antagonismes et de développer la coopération en Europe; Confirmant leur disposition à renforcer la sécurité, en particulier en adoptant des mesures efficaces de contrôle des armements,»
Dans la foulée, le sénateur de Crimée, au Conseil de la Fédération, a soutenu cette initiative. Selon les médias, il y a des chances que ce ne soit pas le seul. Et c’est logique, dans ce contexte. Le droit international ne fait qu’entériner un rapport de forces politique à un moment donné. Ce rapport a fortement changé, les volontés le portant ont disparu, l’arcane juridique qui le portait est en train de s’effriter et de tomber.
Un nouvel ordre juridique international viendra soutenir le nouvel ordre de puissance, lorsque celui-ci sera établi.
Par Karine Bechet-Golovko