L’OTAN et l’UE préparent ouvertement les pays européens à une guerre contre la Russie
Le vice-président du Conseil des ministres et ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajiani, vient d’appeler à la création d’une «armée européenne». Il n’est ni le premier, ni le dernier, mais désormais sur fond de guerre globaliste contre la Russie, ces appels prennent une tout autre dimension. Il rejoint en cela les responsables de l’OTAN, qui dès novembre 2022 appellent à faciliter la circulation des forces militaires — anglo-saxonnes — sur nos territoires, dans ce qu’ils appellent un «Schengen militaire». Ces élites sont en guerre contre la Russie, elles l’affirment par ailleurs, et veulent transformer les pays européens en champ de manoeuvre, avant d’en faire des champs de bataille.
Dans une interview à la Stampa, Antonio Tajiani vient d’appeler à la création d’une armée européenne. Selon lui :
«Si nous voulons être porteurs de la paix dans le monde, nous avons besoin d’une armée européenne. C’est une condition préalable fondamentale à une politique étrangère européenne efficace. Dans un monde avec des acteurs puissants comme les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, avec des crises allant du Moyen-Orient à la région Indo-Pacifique, les citoyens italiens, allemands, français ou slovènes ne peuvent protéger que ce qui existe déjà, et c’est ce qu’on appelle l’Union européenne. Par conséquent, la défense et l’armée commune doivent devenir un fait concret. Et il est impossible de retarder cela», a déclaré le ministre.
Il a souligné que la création d’une armée devrait rendre l’UE prête «au maintien de la paix, à la surveillance et à la dissuasion», «unir les efforts rapidement et clairement», dépenser «les moyens mieux et ensemble».
Ainsi, le vieux serpent de mer de la mythique armée européenne refait doucement surface, à un moment, qui n’est pas choisi au hasard. Rappelons tout d’abord, qu’une armée européenne est impossible, tant qu’il existe des Etats au sein de l’UE et tant que l’UE n’est pas devenue elle-même un Etat. Il ne peut y avoir qu’une alliance militaire, la constitution d’une force militaire commune, qui sera constituée et financée par les Etats-membres, sur leurs propres ressources (et financières, et humaines) et qui sera dirigée par des représentants de certains pays de l’UE. Il s’agit donc bien d’une mesure d’affaiblissement des armées nationales.
L’argument avancé selon lequel, cela doit permettre aux pays européens d’avoir plus de poids face aux grands acteurs est également un mensonge éhonté. Bien au contraire, il s’agit d’ouvrir grandes les portes aux armées américaines sur le sol européen (ce que nous voyons en Finlande), sous couvert de mobilité des forces de l’OTAN. Car cette «armée européenne», dont parle Tajiani, ressemble à s’y méprendre au «Schengen militaire», appelé de ses voeux par Alexander Sollfrank fin novembre 2022, lieutenant général de l’armée allemande, chef du commandement conjoint de soutien et d’habilitation de l’OTAN justement depuis 2022. L’histoire se répète, elle change simplement d’habits.
Selon lui, ce qu’il reste des frontières en Europe dérange le déplacement des armées de l’OTAN dans le cadre de leur guerre avec la Russie. A aucun moment, il n’est évidemment question de la souveraineté des pays européens, de la sécurité des pays européens, ni du renforcement de leur autonomie face aux Etats-Unis. Il ne s’agit que du renforcement de leur utilisation pour cette guerre atlantiste menée contre la Russie. Pour cela, le chef de la logistique de l’OTAN veut mettre en place un espace de libre-circulation militaire, afin de se préparer à une guerre avec la Russie.
«Le lieutenant-général a aussi expliqué que le transport de munitions à travers les frontières européennes nécessite souvent des permis spéciaux, tandis que les transports importants de troupes ou d’équipements peuvent nécessiter un préavis. Pour pallier à ce genre de problème, Alexander Sollfrank a proposé une solution pour le moins radicale : créer une zone Schengen militaire. (…) «Nous ne disposons pas d’une capacité de transport ou d’une infrastructure suffisante pour permettre le déplacement rapide des forces de l’OTAN à travers l’Europe. (…)»
Il s’agit bien de la volonté de l’OTAN de transformer le continent européen en champ de manoeuvre, sans avoir à s’encombrer des considérations nationales. Ces considérations nationales sont anachroniques dans un monde globalisé, où les forces américaines, ci-dessous dénommées comme «arrivant de l’Atlantique», doivent pouvoir circuler librement sur le territoire qu’elles occupent, pardon libèrent :
Si des renforts lourds arrivaient de l’Atlantique et devaient se déplacer rapidement vers l’est, les obstacles incluraient un manque de capacité ferroviaire, des routes trop étroites et trop raides, des informations insuffisantes sur les routes et les ponts, un écartement ferroviaire mal aligné et une bureaucratie paralysante, a déclaré Ben Hodges, un lieutenant général à la retraite qui a commandé l’armée américaine en Europe jusqu’en 2017 et qui milite depuis de nombreuses années pour de meilleures infrastructures.
C’est exactement ce que soutient in fine le ministre italien des Affaires étrangères en relançant le débat d’une pseudo-armée européenne. Et l’UE y travaille déjà de pied ferme, en allouant des fonds pour renforcer les infrastructures à double emploi, civil et militaire :
Bruxelles a alloué 1,6 milliard d’euros (1,67 milliard de dollars) à des projets de mobilité militaire dans le bloc pour la période 2021-2027, dans le cadre d’un budget plus large de 33,7 milliards d’euros, connu sous le nom de mécanisme pour l’interconnexion en Europe, destiné à soutenir des projets d’infrastructures clés. Le projet de mobilité militaire est coordonné par les Pays-Bas.
Les Pays-Bas jugeant cela insuffisant, la Commission européenne a annoncé un nouveau plan, plus adapté à la situation :
En réponse, un porte-parole de la Commission européenne a déclaré à Reuters qu’un nouveau plan de mobilité militaire présenté en novembre « aidera les forces armées européennes à répondre mieux, plus rapidement et à une échelle suffisante » aux crises aux frontières extérieures de l’UE.
« Nous avons réalisé des progrès importants au cours des derniers mois, mais reconnaissons que des goulots d’étranglement subsistent », a déclaré le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell.
Sous pression de l’OTAN et de l’UE, les pays européens sont ainsi sommés de se soumettre à l’impératif guerrier atlantiste et de se préparer à une guerre avec la Russie. C’est manifestement pour cela qu’il leur est fondamental de gagner du temps en Ukraine actuellement, car ils ne sont pas encore prêts du point de vue logistique et la volonté politique est bien loin d’être ferme. Or, comme le souligne l’ancien commandant des forces armées américaines en Europe jusqu’en 2017 (oui, en Europe), le lieutenant général Ben Hodges :
« on nous a rappelé que la guerre est un test de volonté et un test de logistique »
Ils y travaillent fermement. Mais après cinquante années de désétatisation et d’émasculation de la société, le pari ne pourra être gagné qu’avec un virage totalitaire, mettant la société en état de choc et une prise en main totale des organes de gouvernance nationaux. Cela nous promet de beaux jours …
Par Karine Bechet-Golovko