Russie : les députés vont discuter du durcissement de la législation sur l’immigration
Après le Comité de la Douma, chambre basse du Parlement russe, le Gouvernement vient de soutenir la réforme de la législation sur l’immigration facilitant l’expulsion des étrangers en situation irrégulière, parfois sans décision de justice, et restreignant leurs droits. L’implication des étrangers dans les actes de terrorisme et l’activité politique de certains autres conduisent à revoir les conditions de séjour en Russie de cette catégorie de personnes.
En avril, des députés appartenant aux différentes fractions ont déposé une proposition de loi visant à renforcer le contrôle sur les ressortissants étrangers en Russie. Pour autant, le but de cette réforme est beaucoup plus profond : l’immigré doit s’intégrer en Russie, donc en respecter les lois et les valeurs. Nous sommes ici dans une démarche totalement inverse de celle du monde global, dans laquelle l’Etat doit être «tolérant» face aux particularismes culturels et idéologiques des personnes venant y vivre, quitte à oublier à sa propre culture.
«Selon l’initiative, afin de conserver le droit d’entrer et de séjourner en Russie, un étranger doit se conformer aux lois, respecter les valeurs traditionnelles, ne pas interférer avec l’exercice des droits et libertés des Russes, ne pas s’immiscer dans la politique gouvernementale du pays, prendre soin de l’environnement, respecter les exigences de l’inadmissibilité de la promotion de relations sexuelles non traditionnelles et des distorsions de la vérité historique sur l’exploit du peuple soviétique dans la défense de la patrie et sa contribution à la victoire sur le fascisme.»
L’on appréciera le respect affiché au culte écologique, qui semble passablement anachronique dans ce texte … Mais pour le reste, les règles sont posées : un étranger ne vient pas en Russie pour faire de l’activisme, ni de la politique et doit respecter les lois nationales. Ces dispositions peuvent concerner les étrangers des pays occidentaux essentiellement pour la dimension politico-idéologique (soutien aux manifestations anti-gouvernementales, actions pro-LGBT, etc.) et les ressortissants de l’espace post-soviétique, pour les violations de la législation du travail, des règles de séjour ou en ce qui concerne la montée de certains comportements agressifs envers les Russes.
Le Comité de la Douma, puis le Gouvernement ont soutenu le texte, qui doit être discuté aujourd’hui par les députés. Ainsi, plusieurs modifications sont prévues dans le texte, principalement un nouveau régime d’expulsion, qui dans le cas suivant permet de se passer d’une décision de justice. Selon la lettre explicative :
«Ce régime sera établi pour les citoyens étrangers qui n’ont pas le droit de séjourner légalement dans la Fédération de Russie. Cela peut être dû à l’expiration de la période de séjour temporaire dans la Fédération de Russie ou des documents de migration, à l’annulation d’un titre de séjour temporaire, d’un permis de séjour définitif ou la commission d’un acte illégal»
Cette personne en situation irrégulière sera alors inclue dans un fichier des personnes contrôlées. Dans le cadre de ce contrôle renforcé, les forces de police auront accès au domicile et aux lieux de résidence réelle de la personne concernée, pourront demander aux administrations russes et étrangères tous les documents et informations nécessaires à l’exercice de ce contrôle, notamment ce qui peut constituer un secret commercial, bancaire ou fiscal. Les forces de police peuvent également organiser une surveillance de cette personne et des personnes physiques ou morales, ayant facilité son entrée en Russie. Cela concerne notamment l’utilisation des données téléphoniques, de géolocalisation, des systèmes de paiement, des caméras de surveillance, etc.
Les personnes entrées dans le régime de contrôle voient leurs droits restreints, en ce qui concerne l’accès à la propriété mobilière (moyens de transport) et immobilière, l’ouverture d’un compte en banque ou le mariage. Ses possibilités de déplacement seront réduites, notamment il ne pourra pas sortir de la région, où il est enregistré. En cas de violation, les contrevenants seront immédiatement expulsées.
Une autre nouveauté concerne le temps de présence légale en Russie, pour les personnes ayant le droit d’y résider sans visa. Actuellement, il est de 90 jours consécutifs sur une période de 180 jours. Il pourrait être réduit à 90 jours dans l’année.
Le contrôle sur les étrangers en Russie et la facilitation de l’expulsion des personnes en situation irrégulière prend aujourd’hui une dimension de sécurité nationale, dans le cadre de la guerre qui se déroule. Selon le FSB, les immigrés seraient recrutés par Kiev et ses curateurs des pays de l’OTAN pour développer l’activité terroriste en Russie :
Au cours des deux dernières années, les activités de 32 cellules d’organisations terroristes internationales composées de migrants ont été réprimées dans le District fédéral central ; leurs membres préparaient des attaques contre des installations gouvernementales, des installations militaires, des lieux très fréquentés et des organisations religieuses.
La discussion parlementaire de ce texte doit commencer aujourd’hui.
Par Karine Bechet-Golovko