Effondrement
L’Occident va mal et va s’effondrer[1]. Nous allons voir dans un premier temps les raisons principales et dans un deuxième nous essaierons d’imaginer ce qui pourrait se passer. Politique fiction garantie par Jean-François Geneste pour Russie politics !
La dette américaine est de 34 000 milliards de dollars. Celle de la France est de 3100 milliards d’euros. L’Italie est dans une position encore pis et l’Allemagne, « grâce » à son tropisme atlantiste dans le cadre du conflit ukrainien, a débuté sa descente aux enfers et est partie sur le même chemin que ses voisins. La dette japonaise, elle, est réputée pour être extraordinaire depuis des décennies et seule sa détention majoritaire par les Japonais eux-mêmes empêche la défaillance du pays. Globalement, donc, les États occidentaux sont en faillite.
Bien entendu, il y a de véritables fortunes dans cette partie du monde, car les déficits des uns font les profits des tiers. Il suffirait d’une volonté politique pour rétablir les choses, mais, en réalité, ceux qui se qualifient de démocrates sont d’authentiques ploutocrates et prennent leurs ordres auprès des possédants. Vangard, Black Rock, la FED et bien d’autres dictent leur loi aux gouvernements en général et aucune frontière ne les arrête.
Néanmoins, nous avons parlé de monnaies plus haut, dollar et euro principalement et, en théorie, ces unités de compte n’ont de valeur qu’en fonction de leurs sous-jacents : réserves d’or, minières, capacité industrielle, agricole, etc. cependant, dans notre monde où, depuis 1971, on a décidé de la flottabilité des changes, en conséquence, le seul sous-jacent qui vaille est l’armée qui soutient sa devise. Le dollar aujourd’hui ne tient que par la puissance militaire américaine qui est suffisante pour imposer sa consommation à ceux qui seraient récalcitrants. C’est d’ailleurs ce qui a été tenté via les sanctions contre la Russie dans le cadre du conflit ukrainien, mais sans succès, et cela pour deux raisons essentielles.
La première c’est que contrairement à l’Ouest, le PIB russe est composé d’une réelle économie physique et qu’en particulier, compte tenu de sa superficie et de ses ressources naturelles, ce pays est incontournable à cette heure sur le globe tant sa part de production est importante. À titre d’exemple, si l’ancienne patrie des soviets arrêtait brutalement de fournir de l’uranium enrichi aux États-Unis, ces derniers auraient de très sérieuses difficultés sur leur réseau électrique.
Il y a donc présentement une volonté de certains, essentiellement Chine et Russie, de vouloir un monde multipolaire et cela implique de leur part un effort militaire considérable pour tenir tête à l’Hégémon. Ils sont en passe de réussir et si nous devions observer un indicateur, il pourrait être la liste des pays qui souhaitent adhérer aux BRICS. Nous tenons là notre deuxième raison.
Un événement majeur s’est néanmoins produit en 1997 avec la création de la société militaire privée Black Water. Il a été, à notre avis, largement sous-estimé. En effet, si le sous-jacent ultime d’une monnaie d’État est l’armée qui la sous-tend, que peut-on penser de la délégation, osons le mot, de souveraineté, à des intérêts privés ? Et, bien entendu, ce modèle s’est étendu avec, en particulier, Wagner en Russie. Mais le conflit ukrainien, après un pic d’activité de cette SMP[2] à Artiomovsk, a vu dégénérer sa relation avec le pouvoir central jusqu’à sa mise sous contrôle total. C’est à ce moment-là que l’on peut dater, très probablement, la scission de la Russie avec l’Occident dans sa manière d’aborder les problèmes. L’État russe a repris définitivement ses droits ! Il redevient ce qu’il a toujours été et que n’est plus aucun pays occidental : une nation indépendante et dirigée par la politique qui, de fait, est la seule garante de la valeur de la monnaie au travers de la puissance militaire qu’elle génère et gouverne.
Passons alors à l’effondrement du « milliard doré » qui est en cours, même si, pour l’instant, tout le monde ne le voit pas. Cette partie de la planète est gérée, essentiellement, par de l’argent fictif qui s’est créé, notamment, à partir de 1987 quand les États-Unis ont autorisé les produits dérivés théorisés par Black, Merton et Scholes à qui le prix Nobel d’économie a été décerné. Dès le départ, nous avons pu constater que ce serait un mal pis que l’existant avec l’exemple du scandale LCTM.
D’un autre côté, les cryptologues ont inventé le Bitcoin. Son officialisation par la SEC américaine assure la finance qu’elle ne coulera pas avec les États qui lui ont permis de naître ; au moins pour un temps. Un pays comme le Salvador qui a fait du Bitcoin sa monnaie a déjà basculé dans le monde futur d’une certaine façon. Seulement voilà, quel est le sous-jacent du Bitcoin ? Il n’en a aucun sinon sa rareté, artificielle. Par ailleurs, les devises traditionnelles ont cours forcé. Qui prendra la responsabilité au niveau d’un gouvernement, de mettre en œuvre une telle obligation pour une monnaie qu’il n’imprimerait pas, qu’il ne contrôlerait pas ? Nous parlons là de grandes puissances, pas du Salvador.
Nous voulons écrire ici un article simple et court. Il n’est pas question d’entrer dans une analyse détaillée. Chacun comprendra donc intuitivement ce qui est en jeu et ce qui va se passer. Les États étant en faillite, leurs suppôts ayant largement contribué à leur ruine ainsi que les médias qui auront contaminé jusqu’à l’esprit des pauvres gens, l’interrogation de savoir quel rat quittera le navire le premier est légitime. Nous avons déjà un embryon de réponse avec la décision de la SEC américaine que nous avons signalée plus haut et qui permettra la transition… Vers quoi ?
Simplement vers les corporations. Très vite, à notre avis, après une période de troubles profonds voire de guerres civiles, les sociétés ayant des avoirs importants privatiseront les gouvernements définitivement, se donneront une capacité de frapper monnaie en s’appuyant sur des compagnies militaires privées et redécouperont le monde en fonction de leurs intérêts. Souvenez-vous ! Le libra était, en quelque sorte, une telle tentative. Le mondialisme tel que nous le connaissons sera terminé. Ces entités défendront avant tout un périmètre d’affaires, le cas échéant, elles passeront des accords avec des unités complémentaires pour asseoir davantage leur pouvoir qui, originellement, sera basé sur la possession de certains actifs tangibles, industriels et agricoles notamment. Dans chaque région de la planète occidentale, un ordre corporatif régnera en fonction de qui gouverne et des lubies des dirigeants, avec une véritable force qui fera partie des dépenses courantes et qui s’attribuera, dans sa zone, le monopole de la violence via des SMP.
Voilà, à notre avis, ce qui attend l’Occident. Quand on voit les guignols au pouvoir aujourd’hui, leur corruption aux puissances d’argent, le pas à faire pour laisser la main à des gens sérieux, à défaut d’être bons, est infime. Et quelqu’un va bien le faire un jour… Proche !
On regardera aussi avec ironie la création du Bitcoin qui, de l’avis de certains, serait une émanation de l’État profond américain. Ce dernier essaierait donc de rejouer la même partition que le KGB en Russie, qui, après l’intermède désastreux de Eltsine, a réussi à placer Poutine au sommet pour redresser le pays. Dans un tel cas, à défaut d’être contrôlé, l’effondrement ferait l’objet d’un plan de secours. Mais il serait inéluctablement voué à l’échec, car la mentalité qui règne aux États-Unis est absolument récalcitrante à une quelconque étatisation de quoi que ce soit. Pour que les mêmes causes produisent les mêmes effets, encore faut-il que l’environnement soit similaire, ce qui n’est pas la circonstance ici. Aussi, ceux qui pensent que l’État profond pourrait reprendre le dessus, de notre point de vue, se trompent.
Nous nous trouverions alors dans une situation de type moyenâgeux, avec des fiefs, des féodaux, des suzerains et des vassaux. Pour l’Europe, déjà feudataire, cela ne changera pas grand-chose, mais pour les États-Unis, ce sera largement différent. Les guerres civiles qui ne manqueront pas de se déclencher en termes de corporations accoucheront, comme dans l’histoire longue européenne, de royaumes divers et variés qui auront tendance à se consolider avec le temps. La notion de territoire et de production reprendra inexorablement le dessus, car les organes dirigeants ne pourront plus forger leur pouvoir sur de l’argent fictif ; il faudra des achèvements physiques et donc des ressources naturelles et/ou industrielles. Le réveil pour les populations sera difficile, puisqu’il sera nécessaire au moins pour partie, de passer d’une société de services à une manufacturière. Fini les écolos bobos !
En bref, cela signifiera un retour à la réalité. C’est une bonne chose, mais cette dernière est parfois cruelle, très cruelle ! Malgré cela, on ne pourra que s’en féliciter. Et comme le dit Charles Gave, il vaut mieux une fin dans l’horreur qu’une horreur sans fin !
Par Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique du groupe EADS/Airbus Group, PDG de WARPA.
[1] Nous ne traitons ici que de l’effondrement économique. Il y a bien des raisons supplémentaires de s’inquiéter, mais c’est un autre sujet.
[2] Société Militaire Privée.