Quand la perte de Dieu entraîne celle de l’homme

A l’occasion de la sortie en 2021 d’un livre, qui a fait beaucoup de bruit, intitulé « Dieu, la science, les preuves », Jean-François Geneste revient pour Russie Politics sur les liens entre Dieu, l’Homme et la science. passant par les nouvelles croyances et le mythique transhumanisme.

La science, selon la couverture, deviendrait l’alliée de Dieu. L’ouvrage comporte deux parties. L’une se veut savante au sens technique, quand la deuxième concerne davantage la philosophie. Et c’est la première qui va nous intéresser.

En effet, les auteurs cherchent à justifier l’existence de Dieu via la connaissance scientifique actuelle, qui tendrait à expliquer qu’il y a eu un commencement du monde et que les choses présentes ont été créées plutôt qu’elles soient arrivées par hasard.

Hélas, cette approche est vaine pour bien des raisons trop longues à préciser ici, mais nous allons nous concentrer sur une d’entre elles. La mathématique est basée sur des axiomes, lesquels sont des propositions acceptées comme vraies sans avoir à être démontrées. Elle est donc fondée sur des croyances qui s’appellent aujourd’hui ZFC + Choix, c’est-à-dire les 8 postulats de Zermelo-Fraenkel auxquels on ajoute celui du choix.

Or, aucune des autres sciences dites dures comme la physique ou la chimie ne peuvent exister sans faire appel aux mathématiques. Elles sont ainsi, elles aussi, basées sur des croyances.

Il devient alors évident que l’ouvrage cité ci-dessus ne peut que constituer un raisonnement circulaire : on y conclut à la réalité de Dieu à partir de nouveaux cultes.

Il fut un temps, où l’humanité n’en était pas là et où elle a cru, pendant une période, que la science était au-dessus de la religion. C’était à la Renaissance et cela a filtré dans la société à la fin du XIXe siècle, ironie de l’histoire, au moment où les mathématiciens se rendaient compte de l’impossibilité de baser leur discipline sur autre chose que des convictions.

Je ne sais pas s’ils essayèrent d’avertir leurs congénères de l’époque. Toujours est-il que les politiciens, aidés de scientifiques, eurent tôt fait de pointer du doigt la religion pour la remplacer par la science qui en devint une nouvelle.

Dès lors que l’on avait tué Dieu, en le changeant par un autre, mais en se gardant bien de le dire, on avait, pour ainsi dire, assassiné l’homme. Il n’est, pour s’en rendre compte, que de regarder les deux guerres mondiales du XXe siècle dans lesquelles l’individu est devenu une simple variable sur laquelle on a agi pour arriver à la victoire ou à un certain succès.

Disons-le un peu plus crûment. L’affrontement est ce qu’il est. Mais quand on veut ralentir ou avertir un « allié » de ne pas aller plus loin et que l’on tue des centaines de milliers de personnes « gratuitement » à Dresde, à Hiroshima et Nagasaki, on joue sur une variable au sens scientifique du terme. Certains seraient tentés d’utiliser l’anglicisme « on tune ». On remarquera au passage que l’on décide qui va mourir ou non ; on joue donc un peu à Dieu, d’une certaine façon. Et il n’y a qu’un seul critère de délibération : l’argent !

Certains pourraient objecter que ce serait le besoin de puissance. Il n’en est rien. Les bombardements anglo-saxons avaient pour but d’arrêter le communisme et la différence entre celui-ci et le capitalisme, au final, n’est qu’une question d’argent : qui le maîtrise ?

Dès lors, le monde occidental, dans sa sphère, financiarisa son économie, le point de déclenchement objectif étant le 15 août 1971 quand Nixon rompit les accords de Bretton Woods de 1944 en disant « le dollar est notre monnaie et votre problème ».

Nous connaissons la suite : un effondrement de l’URSS, la chute du communisme à peu près partout sauf en Chine et une financiarisation totale de l’économie mondiale. Si l’homme était une variable dont nous ne saurions qualifier la nature exacte auparavant, depuis cette période, il est devenu une variable monétaire, évaluée comme un actif de marché.

Dès lors, comme tout avoir, il faut tenter d’en augmenter la valeur en permanence. La science servant de support, il était évident depuis longtemps que l’on ferait tout pour le rendre plus performant selon des critères de rapport et que cela amènerait au transhumanisme.

Cela est dans l’air depuis très longtemps. Ceux de ma génération, dès les années 60, ont pu lire les bandes dessinées américaines comme l’homme-araignée, les x-mens, Daredevil, etc. C’était le début  et depuis la science a transformé une partie de la fiction en réalité.

Vous remarquerez que les « comics » évoqués ci-dessus, faisaient déjà référence, de manière subliminale, à une modification du génome, précédant de décennies les manipulations génétiques actuelles allant même, en France, jusqu’au passage d’une loi dite bioéthique qui ouvre la voie à la fabrication de chimères homme animal.

Néanmoins, cette croyance de l’amélioration de l’actif, de l’augmentation de sa valeur, est vaine en termes de transhumanisme pour des raisons mathématiques profondes que nous allons maintenant brièvement expliquer. La biologie moléculaire actuelle affirme que l’homme est déterminé par son génome. Or, avec la physique et la chimie que nous connaissons, si tel était le cas, nous serions des machines de Turing, un mot savant pour dire des ordinateurs. Mais que fait une machine de Turing ? Elle reconnaît un langage et un langage est constitué de phrases, elles-mêmes constituées de mots qui sont formés à partir de lettres d’un alphabet. Or on montre, dans tout ouvrage d’informatique théorique, dès le début, qu’une machine de Turing ne saura jamais reconnaître le langage suivant. L’alphabet n’est composé que d’une lettre, que nous appellerons a et le langage est le plus simple possible, à savoir tous les mots et toutes les phrases que l’on peut former avec cette seule lettre. L’être humain, lui, est capable non seulement de discerner un tel langage, mais de le concevoir. La vision actuelle des biologistes est donc fondamentalement fausse et cela est connu des mathématiciens depuis longtemps. Néanmoins, ces derniers sont, semble-t-il, dans l’incapacité de faire entendre raison aux premiers. Peut-être est-ce pour des raisons économique ?

Il vous apparaîtra désormais comme étonnant que l’on vous parle à longueur de journée d’intelligence artificielle et de machines plus intelligentes que les hommes. En réalité ce n’est que de la propagande, généralement relayée par des ignares ou des manipulateurs quand, très rarement, ils le savent.

Le transhumanisme, en mettant des implants de plus en plus informatiques dans l’homme, fusionne donc ce dernier, physiquement et moralement, avec le dieu des scientifiques, à savoir les axiomes ZFC + Choix avec toutes les limitations assez extraordinaires de ce système. C’est malheureux, car, personne ou presque n’en a conscience, cela ravale davantage encore la personne à une variable financière et en fait un actif comme un autre, c’est-à-dire que l’on peut jeter ou détruire au besoin.

Y a-t-il une alternative ? Cela est bien difficile dans notre monde, mais il reste toujours un espoir. Ce système a engendré des effets secondaires qu’il n’arrive pas à maîtriser, car ce sont des réactions naturelles à son impulsion.

Un de ces effets, apparent, est la décision récente de la Cour suprême des États-Unis de revenir sur le droit à l’avortement. Comment expliquer cela ? De façon assez simple, en moyenne et sur un temps relativement long, les familles en faveur de l’I.V.G. se reproduisent moins que celles qui sont contre. À terme, le renversement de tendance survient inéluctablement.

Il en va de même de ceux qui ont voulu éliminer Dieu en le remplaçant par la science. Les familles catholiques de type Vatican I, musulmanes ou juives orthodoxes se reproduisent davantage que les autres. Demain leur appartient. Elles ne fusionnent pas, elles, avec ZFC + Choix et elles constituent donc l’avenir de l’humanité, même si, probablement et provisoirement, elles sembleront avoir le destin de martyrs.

Par Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique du groupe EADS/Airbus Group, PDG de WARPA.