Allemagne : Extrême droite et schizophrénie de la communauté internationale

Alors que les médias s’émeuvent tous en choeur d’une étrange tentative de coup d’Etat amateur, mais d’extrême droite en Allemagne, avec évidemment des traces highly likely russes, cette même communauté internationale soutient sans sourciller les néonazis patentés ukrainiens. Sommes-nous face à une poussée de schizophrénie aigüe ou tout cela n’est-il que du cinéma, destiné à détourner notre regard ? Parce que, vraiment, il faut faire beaucoup d’efforts pour croire à une réelle tentative de coup d’Etat dans ces pays totalement globalisés et politiquement évidés, qui sont les nôtres …

A la Une de tous les médias ce matin : le coup d’Etat en Allemagne, qui n’a pas eu lieu. Non, vraiment ? Ouf, on a failli avoir peur … Parce que sérieusement on peut imaginer un coup d’Etat en Allemagne, en France ou aux Etats-Unis aujourd’hui, par l’attaque d’une vingtaine de gars cherchant un Roi … Mais, oui, on y croit. En tout cas, nous sommes sommés d’y croire, sommés d’avoir eu peur rétroactivement pour l’avenir de notre grande démocratie indiscutable, sommés d’être soulagés du travail efficace des services de sécurité allemand et bientôt de la justice occidentale, toujours indépendante. Amen! Et ainsi, le bon peuple peut continuer à ne rien vouloir changer sauf des détails de survie, comprenant qu’il ne sert à rien de vouloir se soulever contre le bon ordre mondial, autant rester chez soi, avec ses 17° et ses pulls. On tire le rideau.

Maintenant, que l’acte de contrition est fait, revenons un peu plus rationnellement sur cette affaire. Et dans le contexte géopolitique du conflit primaire des modèles de gouvernance globalisation (atlantiste) vs. multipolarité (Russie), et du conflit secondaire en Ukraine.

L’on apprend ainsi que :

«Quelque 3 000 membres des forces de l’ordre ont été mobilisés et plus de 130 perquisitions ont été menées dans ce que les médias ont décrit comme la plus importante opération policière de ce type jamais menée en Allemagne.»

Un groupuscule voulait rien moins que renverser les institutions démocratiques allemandes et restaurer la monarchie. Cela vaut bien 3 000 membres des forces de l’ordre! En plus, ils estiment que l’Allemagne n’est plus souveraine, mais gouvernée de l’extérieur. Bouhh, des complotistes ! 

Et ils étaient très forts. Vraiment, très forts … ces 25 personnes en tout. ………………..

Dans cette pitoyable mise en scène surjouée, nous retrouvons évidemment les deux éléments de base : l’extrême-droite et la Russie. Car seule l’extrême-droite, donc fascisante, peut oser s’opposer au modèle de bonheur universel porté par la grande démocratie globale. Et le bonheur se compte et se compte très sérieusement, par l’OCDE, car l’argent ne fait pas tout. Surtout quand il n’y en a plus. Au pays des Bisounours, il faut être heureux. Or, l’Allemagne est classée 14e dans le classement mondial du bonheur par pays (ce n’est pas une blague, vous trouverez le classement ici, il y a des gens qui s’occupent de choses importantes en ce moment). Elle peut faire mieux. Mais pour faire mieux, elle doit combattre ses mauvais éléments, ceux qui ne trouvent pas le bonheur. Hier, une magnifique opération de renforcement du bonheur en Allemagne a été organisée, qui a dû faire bondir l’indice de bonheur des Allemands et de tous les citoyens du Global village, tellement heureux de voir que seuls des méchants extrémistes peuvent encore vouloir remettre en cause leur bonheur mondial.

Le deuxième élément incontournable est la piste russe. Les acteurs entrent en scène : 

«Au cœur de cette conspiration criminelle, selon la presse et le parquet : un descendant de la noblesse allemande, d’anciens militaires, une ressortissante russe et une ancienne députée d’extrême droite. « Henri XIII P. R. » et « Rüdiger v. P. », sont notamment cités comme meneurs présumés par la justice allemande.»

Evidemment, seuls des Allemands, mêmes extrémistes n’auraient pas été assez méchants, il faut bien l’aide de la Russie, qui en plus n’aurait pas voulu. Double honte !

«Est également mentionnée dans le communiqué du parquet une Russe « Vitalia B. », identifiée par la presse allemande comme la compagne d’Henri XIII. Elle a, selon les procureurs, servi d’intermédiaire pour tenter de prendre contact avec les autorités russes en vue d’un éventuel soutien. Toutefois, l’ambassade russe à Berlin, citée par les agences de presse d’État Ria Novosti et Tass, a démenti tout lien avec des organisations « terroristes » ou « illégales » en Allemagne.»

La réaction de Medvedev est assez … directe : 

«Eh bien, si sérieusement, c’est un signe clair de la maladie héréditaire de tout le modèle de gouvernance en Allemagne. Après tout, ces conspirateurs inachevés ont raison sur un point : l’Allemagne n’a pas la pleine souveraineté sur son sol. Les décisions sur les questions énergétiques, industrielles et de défense allemandes sont prises par «l’État profond américain», et en aucun cas par des saucisses de foie ou même par des vieillards de Washington, qui sont dans une démence fragmentaire.» 

Mais que ferait-on aujourd’hui sans la Russie ? Ce serait difficile, les élites occidentales devraient s’occuper de leur pays. Mais elles ne sont plus formées à cela. Elles s’occupent des problèmes du monde. Et autant tout mouvement demandant de la souveraineté ou critiquant la globalisation est directement qualifiée d’extrême-droite en Occident, peu importe qu’il le soit réellement ou pas, autant les mouvements néonazis patentés en Ukraine sont valorisé, glorifiés dans leurs actions et simplement ignorés par les médias et les politiques, quand ils vont trop loin. Pourquoi ? Parce qu’ils oeuvrent pour le monde global, parce qu’ils sont l’instrument lancé pour évider la société ukrainienne (ce qui a été réalisé) et pour attaquer la Russie (ce qui est en cours). C’est exactement comme avec les «terroristes» en Syrie : il y a les «terroristes modérés», les «gentils gars», qui aidaient la coalition américaine contre Assad, et les méchants terroristes, ceux qui n’étaient pas contrôlés par la coalition américaine. Même si, la liste exacte des gentils et des méchants n’a finalement jamais été fournie par les Etats-Unis, malgré les nombreuses demandes de la Russie … 

Bref, vous avez les bons néonazis, qui se battent pour l’ordre global (on ne va pas les critiquer, quand même!) et qui donc ne sont pas extrémistes et il y a ceux qui combattent l’ordre global et qui donc ne peuvent qu’être extrémistes. C’est pourtant simple.

Non, finalement, ce n’est pas de la schizophrénie, c’est juste de l’hypocrisie au service du fanatisme. 

Karine Bechet-Golovko