Belgorod : des prisonniers militaires ukrainiens tués par les leurs dans le crash d’un avion militaire russe
Hier matin, un avion militaire russe transportant des prisonniers ukrainiens vers Belgorod en vue d’un échange s’est écrasé. Deux missiles ont été tirés depuis la région de Kharkov. Les Ukrainiens et leurs curateurs étaient au courant de l’échange de prisonniers, étaient au courant qu’ils seraient conduit par voie aérienne. Erreur ou menace — et envers qui ? Pourquoi cet avion a-t-il été abattu ? L’évolution de la situation le laissera entendre. En attendant, l’on sait qu’ils furent tués par un tir «ami».
Le crash du IL-76 à Belgorod
Selon le communiqué du ministère russe de la Défense, à 11h15 un avion de transport militaire faisant le trajet Tchkalovsky-Belgorod a été abattu par deux missiles au-dessus de la région de Belgorod par les forces armées ukrainiennes, depuis la localité de Liptsa dans la région de Kharkov. A bord de l’avion, se trouvaient 6 membres d’équipage et trois accompagnateurs russes, ainsi que 65 prisonniers ukrainiens, qui devaient être échangés en fin de journée. Il n’y a a pas de survivants. Comme le déclare le ministère de la Défense :
«Les dirigeants ukrainiens savaient très bien que, selon la pratique établie, les militaires ukrainiens seraient aujourd’hui transportés par avion de transport militaire jusqu’à l’aérodrome de Belgorod pour être échangés.»
Et pourtant, ils ont tiré. Deux missiles. Selon le président du Comité de la Douma pour la défense, le tir a été effectué, soit par un Patriot américain, soit par un IRIS-T allemand. La Douma a décidé de s’adresser officiellement aux Parlement de ces pays.
Le second avion transportant lui aussi des prisonniers a pu faire demi-tour et tous sont sauf. Le premier s’est écrasé et grâce à l’héroïsme des pilotes, qui ne se sont pas éjectés et sont restés jusqu’au bout aux commandes pour écarter l’avion de la zone d’habitation, il n’y a pas eu d’autres victimes civiles.
L’hésitation politico-médiatique en Occident
La communication autour de cette tragédie est particulièrement hésitante en Occident. Dans un premier temps, les sources ukrainiennes se sont précipitées pour reconnaître leur responsabilité dans le tir d’un avion militaire russe. Puis, lorsqu’il a été su publiquement que des prisonniers ukrainiens se trouvaient à bord, les publications furent modifiées. Dans les médias anglo-saxons également, l’on n’en trouve plus beaucoup de traces aujourd’hui.
Le discours s’est initialement articulé autour de deux axes contradictoires : c’est le travail de l’armée ukrainienne, mais l’avion ne transportait pas des prisonniers ukrainiens, il transportait des missiles pour les S 300 russes ; l’avion transportait des prisonniers ukrainiens, mais pas autant et il s’est écrasé — on ne sait pas par la faute de qui, c’est impossible à vérifier.
La Russie a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité hier soir, qui a été refusée par la France, en assurant depuis janvier la présidence. Elle n’aura lieu que ce soir, ce qui doit donner le temps aux Occidentaux de mettre au point leur position commune. Pour l’instant, les Etats-Unis ne se prononcent pas, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas encore fixé la ligne à suivre par les satellites. Ceux-ci sont dans l’attente.
Hier soir, l’état-major ukrainien a publié un communiqué à la formulation trouble, dont il ressort qu’ils contrôlent parfaitement le ciel :
«Pour réduire la menace des missiles, les forces armées ukrainiennes contrôlent non seulement l’espace aérien, mais surveillent également en détail les points de lancement des missiles et la logistique de leurs livraisons, notamment en utilisant des avions de transport militaire.»
Ainsi, l’Ukraine reconnaît avoir tiré, mais pour l’instant refuse de reconnaître avoir tiré sur des prisonniers ukrainiens.
Cette position est difficilement tenable. L’ONU reconnaît la mort d’Ukrainiens et le déplore — sans évidemment accuser personne. Ce qui exclut donc la responsabilité de la Russie, sinon elle aurait déjà été pointée.
Ce matin, le NYT commence à établir la version adoptée par l’Occident, à savoir celle de l’erreur de tir.
«Mais plus tard mercredi, les services de renseignement militaires ukrainiens ont laissé entendre que cet épisode aurait pu être une erreur tragique, affirmant que la Russie ne l’avait pas informée que les prisonniers seraient transportés par avion vers l’aéroport de Belgorod, comme cela avait été le cas lors d’échanges précédents. L’aéroport est à portée des drones et des missiles ukrainiens.»
Cette version pose des sérieuses difficultés politiques :
«Si l’Ukraine abattait un avion avec ses propres soldats à bord, même involontairement, ce serait un revers douloureux à un moment difficile pour son effort de guerre, qui est gravement mis à mal par le manque de munitions et de personnel et par la crainte d’une érosion du soutien occidental.»
Mais elle ouvre également des possibilités, celle de forcer comme avec le MH17 une parodie d’enquête internationale, ce qui permettrait de rentabiliser politiquement l’erreur commise :
«Dans sa diffusion vidéo nocturne, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré mercredi : « Il est clair que les Russes jouent avec la vie des prisonniers ukrainiens, les sentiments de leurs proches et les émotions de notre société. » Il a également demandé une enquête internationale sur cet épisode.»
La question du tir volontaire atlantiste contre les Ukrainiens
Reste toutefois encore une possibilité. Les Ukrainiens, mais aussi leurs curateurs atlantistes, étaient non seulement parfaitement au courant de l’échange de prisonniers, mais également du transport. Ils affirment contrôler le ciel. Le tir peut être volontaire. Et comme ce ne sont pas forcément les Ukrainiens eux-mêmes, qui manient les missiles, le message peut parfaitement leur être adressé : ce n’est pas le moment des échanges, c’est le moment de l’ennemi absolu ; on se moque de vos petites histoires domestiques, Zelensky ou Zaloujny, quelle différence, il faut se battre avec ce qu’il y a et ne pas perdre de temps avec le reste.
Et les Ukrainiens sont plutôt en état de choc. Ils viennent de prendre une violente leçon : les Atlantistes, non seulement, se battent en Ukraine, mais ils se battent aussi contre l’Ukraine.
Par Karine Bechet-Golovko