Billet du jour : non, l’aide américaine à l’Ukraine ne faiblit pas

Il a suffi d’une déclaration de Kirby quant aux difficultés financières — habituelles — des Etats-Unis pour que le fantasme du Deus ex Machina revienne, encore une fois, sur le devant de la scène des «experts» : le conflit en Ukraine va se résoudre «tout seul», car les Etats-Unis vont cesser de financer l’Ukraine et d’un coup d’un seul la Russie va gagner en restant sur la défensive. Difficile de trouver un raisonnement plus magique : cette guerre est une aubaine pour les globalistes, qui sont au pouvoir, et confortent ainsi leur pouvoir. Aucun signe sérieux ne tend à soutenir la réduction de l’aide américaine, ni européenne, à l’armée atlantico-ukrainienne. Et bien loin d’un mat, c’est plutôt un pat qui s’installe.

John Kirby a déclaré il y a peu, que si le Congrès ne vote pas les fonds nécessaires, il ne reste que pour quelques semaines d’aide à l’Ukraine. Comme le Congrès a systématiquement repoussé le montant de la dette, qu’il a toujours octroyé les fonds nécessaires, en les négociant certes, il faut beaucoup de volonté et d’aveuglement pour trouver ici un quelconque suspens.

D’autant plus que, par ailleurs, les signes de la volonté d’un maintien et d’une intensification du soutien à l’armée atlantico-ukrainienne, eux, ne manquent pas.

La première partie des tanks américains Abrams est arrivée en Ukraine, dixit le NYT et de nouveaux envois vont suivre :

«D’autres chars M1 Abrams seront envoyés dans les mois à venir, selon deux responsables américains de la défense, qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat, car ils n’étaient pas autorisés à s’exprimer publiquement. Ils ont déclaré que ceux expédiés en Ukraine samedi étaient les premiers des 31 que l’administration Biden a promis de fournir.»

Par ailleurs, l’on apprend que le Congrès américain vient de refuser deux propositions de réduction de l’aide militaire à l’Ukraine, qui auraient pu d’autant réduire le montant du budget. 

«Le député Matt Gaetz (républicain de Floride) a demandé la fin complète de l’allocation de fonds budgétaires à l’assistance militaire à Kiev. L’amendement correspondant a été soutenu par 93 membres de la chambre basse du Congrès, 339 ont voté contre. (…) La proposition du député Andy Biggs (républicain de l’Arizona) d’exclure du projet de budget de la défense la clause sur l’allocation de 300 millions de dollars d’aide à Kiev dans le cadre de l’Initiative d’assistance à la sécurité a également été rejetée. Le programme implique que le ministère américain de la Défense conclue des contrats avec des fabricants, plutôt que de fournir tel ou tel équipement directement à partir des stocks du Pentagone. La proposition a été soutenue par 104 législateurs, 330 ont voté contre.»

Finalement, l’aide militaire à l’Ukraine et le financement de la politique d’endiguement de la Russie ont été votés. Le budget de la Défense s’élève pour l’année prochaine à  886,3 milliards de dollars. Il n’y a aucune raison, en tout cas financière, pour que le conflit prenne fin, miraculeusement, par un arrêt des aides atlantistes.

Ceux qui propagent le discours sur la «fatigue» des pays occidentaux à aider l’Ukraine, sur l’épuisement des ressources occidentales commettent deux erreurs fondamentales, s’ils sont honnêtes. Premièrement, ils raisonnent comme si l’Ukraine était un Etat autonome, qui prenait souverainement ses décisions, comme si c’était l’Ukraine qui avait décidé d’attaquer la Russie, comme si elle n’était pas un pion, qui faisait ce qui lui était indiqué. Deuxièmement, la guerre qui se déroule en Ukraine, et notamment contre l’Ukraine, menée par les pays de l’OTAN, est leur guerre, pas celle de l’Ukraine. Elle, elle en ressort affaiblie, exsangue, démembrée. Comme on le voit, l’Axe atlantiste ne peut se permettre une défaite, car ils jouent leur pouvoir et ont lancé la grande offensive contre la Russie. Cette guerre, comme toutes les guerres, devra se gagner, notamment, sur le champ de bataille.

Par Karine Bechet-Golovko