Billet indépendant : De la partialité volontaire de la CEDH, qui ne pourrait exister autrement

L’indépendance et l’impartialité sont les deux fondements de toute justice, si elle se veut légitime. Alors qu’ils sont largement instrumentalisés sur la scène internationale pour faire pression sur les justices nationales et les Etats, lorsque cela est nécessaire, les organes dits de justice internationale, comme la CEDH, semblent parfaitement s’en passer. C’est en tout cas ce qui ressort du deuxième rapport sur le sujet, préparé par l’European Centre for Law and Justice, intitulé «L’impartialité de la CEDH, problèmes et recommandations». Mais ne soyons pas naïfs, l’existence de la CEDH perdrait tout son intérêt si jamais elle se défaisait de ses chaînes idéologiques.

En 2020, l’ECLJ mettait en lumière les collusions entre les juges de la CEDH et le réseau droit-de-l’hommiste des grandes ONG, principalement celles de Soros ou financées par lui. En analysant la situation depuis 2020, le nouveau rapport n’est pas optimiste : le niveau de collusion s’est aggravé, malgré les promesses de réformes, suite au scandale.

L’indépendance est toujours relative, le fantasme de l’indépendance absolue prenant fin avec la fin de l’adolescence. Lorsque l’on parle de l’indépendance de la justice, l’important est finalement de comprendre quelle dépendance fut choisie. Si les juges de la CEDH se doivent d’être indépendants des Etats, afin de ne pas y défendre les intérêts nationaux, ils ne sont manifestement pas indépendants des grandes ONG. La chaîne d’implication est claire : une partie des juges de la CEDH est issue de ces grandes ONG — ils jugent des affaires initiées par ces ONG ou dans lesquelles ces ONG interviennent — les décisions ainsi adoptées exercent une pression idéologique sur les législations nationales. Quel est le rapport avec la justice ? Aucun, cela est de la stratégique judiciaire, en tout cas un moyen d’influencer matériellement les systèmes juridiques nationaux, pour leur faire adopter les réformes idéologiques, dont le monde global a besoin, en contournant les mécanismes démocratiques nationaux. 

Les ONG  principalement visées — la nébuleuse de Soros 

Je cite : 

«Les organisations identifiées dans le rapport de 2020 sont A.I.R.E. Centre, Amnesty International, la Commission Internationale des Juristes (CIJ), le réseau des comités et fondations Helsinki, Human Rights Watch27 et Interights et l’Open Society Foundation (OSF) et ses diverses branches. Parmi ces organisations, la fondation Open Society de George Soros se distingue par le fait que douze de ses collaborateurs ont été juges à la CEDH au cours de la période étudiée (2009-2019), et qu’elle finance les six autres organisations. Interights a cessé ses activités depuis, faute de financements.»

Une augmentation double de l’activité de ces ONG auprès de la CEDH 

Je cite :

«Parmi les affaires jugées entre janvier 2009 et octobre 2019, l’ECLJ en a identifié 185 dans lesquelles au moins l’une des sept ONG était officiellement impliquée dans la procédure, ce qui fait une moyenne de 17 affaires par an. Pour les affaires jugées entre 2020 et 2022, c’est le cas de 114 affaires, soit 38 par an en moyenne, c’est-à-dire plus du double. Cette forte augmentation se constate alors même que le nombre de requêtes jugées par an a diminué d’environ 35 % entre ces deux périodes. Les chiffres des années 2020 à 2022 révèlent donc un renforcement de l’action de ces ONG auprès de la Cour durant les dernières années.» 

La collusion des juges impliqués dans ces ONG — violation du procès équitable

Je cite :

«Parmi les 114 affaires dans lesquelles au moins l’une des six ONG est intervenue visiblement, des juges ont siégé en situation de conflit d’intérêts direct à 54 reprises dans 34 affaires29 . Ces juges ont siégé alors que « leur » ancienne ONG défendait les requérants ou intervenait comme tierce-partie. Le conflit d’intérêts était alors dû au lien significatif entre le ou les juges et l’une des parties à l’affaire. Ainsi, en cas d’intervention d’une des ONG considérées dans la procédure, l’impartialité de la CEDH n’est pas garantie dans 30 % des cas. (…) Dans la grande majorité de ces 34 affaires entachées de conflits d’intérêts, la Cour a donné raison à la partie qui était soutenue par l’ONG. Autrement dit, la Cour a suivi le positionnement défendu par l’ONG. Les juges concernés par les conflits d’intérêts des trois dernières années sont Grozev (12 cas), Yudkivska (9), Schukking (9), Eicke (6), Kucsko-Stadlmayer (4), Motoc (3), Felici (3), Mits (2), Pavli (2), Pinto de Albuquerque (2), Kūris (1) et Turković (1). (…) Parmi ces 34 affaires, 7 concernent des arrêts de Grande Chambre.»

Le refus de la récusation des juges impliqués dans ces ONG — le cas flagrant du juge bulgare Grozev 

Je cite :

«Yonko Grozev est le fondateur du Comité Helsinki bulgare et en a été un dirigeant de 1992 à 2013. Il a été en situation de conflits d’intérêts dans des affaires introduites ou soutenues par ce Comité. (…) Depuis 2020, à notre connaissance, le Gouvernement de Bulgarie a demandé dans quatre affaires au moins la récusation du juge Grozev, car l’avocat des requérants appartenait au Comité Helsinki bulgare et agissait en son nom. Il convient de noter que, contrairement à d’autres affaires, le lien entre l’avocat et le Comité Helsinki est explicitement mentionné dans les quatre arrêts.»

La demande de récusation du juge a été refusée. Et dans les quatre affaires où il a siégé, la CEDH a soutenu la position du Comité Helsinky bulgare. Comme il n’y a pas d’obligation de récusation en cas de collusion, la décision reste à l’appréciation — à l’opportunisme — du magistrat. Ainsi, le juge Grozev s’est déporté quelques fois, mais sans qu’aucun critère objectif juridique ne soit applicable. Ces décisions sont donc purement politiques.

Les recours stratégiques et l’action idéologique de la CEDH par ses juges-militants

L’indépendance face à la politique retient toute l’attention, lorsqu’il s’agit de l’indépendance de la justice. Pourtant, la question à laquelle la doctrine ne se presse pas de répondre est : la justice, peut-elle être indépendante de l’idéologie ? L’on voit bien à quel point la jurisprudence traduit une certaine vision de la société et de l’homme, et à quel point elle l’influence en retour.

Certaines barrières statutaires, concernant principalement le parcours des magistrats (les règles d’incompatibilité) et la qualité de leur formation, doivent permettre de limiter cette influence, sans toutefois pouvoir l’annuler totalement. Pour cela, il faudrait annuler l’homme, mais alors il n’y aurait plus de justice, car elle est profondément humaine — avec tous ses défauts.

Dans ce contexte, le rapport met en lumière des conflits thématiques, liés à certains domaines particulièrement sensibles du contentieux de la CEDH. L’ancienne appartenance des magistrats à des mouvements activistes, appartenance qui n’est pas toujours ouvertement indiquée, met en cause la possibilité même de l’objectivité de la CEDH dans ces cas-là.

Je cite :

«Les ONG dont sont issus des juges agissent auprès de la Cour dans des affaires importantes susceptibles de poser un précédent jurisprudentiel, et ayant trait le plus souvent à la liberté d’expression, au droit d’asile, aux droits sexuels, aux conditions de détention, et aux droits des minorités. Elles agissent notamment par le biais de contentieux stratégiques»

Cela pose avant tout le problème de la sélection des juges. Je cite :

«Un autre cas similaire de proximité entre candidat et membre du comité national de sélection s’est posé s’agissant de M. Yonko Grozev. Le comité national l’ayant choisi comme candidat pour la CEDH comportait trois personnes appartenant à deux ONG dont il a été fondateur ou administrateur (Fondation des avocats bulgares pour les droits de l’homme et Comité Helsinki Bulgare). Une plainte dénonçant l’irrégularité de cette procédure de sélection, adressée au Conseil de l’Europe par une organisation locale, fut classée sans suite.» 

A la lumière de ces faits, l’on comprend que la collusion n’est pas un accident, donc pouvant être corrigée, mais bien la ligne de conduite de la CEDH. Ce qui remet en cause le rôle qu’elle doit jouer : cela la fait sortir du champ judiciaire, pour en faire un organe de gouvernance globale.

Enfin, sans entrer dans plus de détails, il semble important de souligner encore un problème, lui-même lié au mode de recrutement et aux buts réels poursuivis par cette juridiction : la qualification réelle des candidats pour exercer des fonctions judiciaires. Les CV ressemblent parfois à des exercices de composition libre, qui ne sont pas véritablement vérifiés, surtout lorsqu’il s’agit du «bon» candidat. Mais si l’on n’attend pas de ces personnes un véritable travail juridique, leur implication dans les ONG est une garantie suffisante, et en réalité nécessaire, pour qu’elles soient recrutées.

Heureusement pour la Russie, elle est sortie de cela. A quand le tour de la France ? Nous aurions tout à y gagner ! Cette organisation n’est pas réformable, car elle fonctionne justement de la manière dont elle est utile. Et un état de droit n’a rien à y faire. 

Karine Bechet-Golovko