Billet souverainiste : Le Forum financier de Moscou et les élites économiques en perdition

Au Forum financier de Moscou, l’élite économique russe acte le virage oriental de l’économie russe … et se demande pourquoi le marché asiatique n’est pas prêt à lui faire de cadeaux. Cadeau des technologies qu’elle ne peut plus trouver en Occident et que l’Orient ne veut pas lui offrir. Etrange, non ? Non pas étrange qu’il n’y ait rien de gratuit en politique, mais étrange que ces élites économiques russes soient toujours incapables de tirer les leçons, même de l’histoire récente, et qu’elles n’envisagent toujours pas de réellement développer la recherche nationale technologique. Au-delà du discours et du surfinancement du culte numérique, bien sûr.

S’il y a bien une certitude ressortant de cet énième Forum, c’est le virage opéré par l’économie russe vers l’Orient, le marché occidental lui étant fermé. Il est vrai, qu’il n’était pas nécessaire d’organiser un Forum pour arriver à ce constat, mais il semblerait qu’ils soient devenus un business en soi. Autant que l’on puisse en juger, ce virage s’est accompagné d’une naïveté, feinte ou pas, des élites russes, qui pensaient manifestement recueillir une dote de choix pour cette nouvelle alliance. Que nenni, business is business et c’est bien la Russie qui est demanderesse — surtout de technologies. Comme le reconnaît Sobianine, dans un élan de sincérité :

«Après s’être tournée vers l’Est en raison des sanctions imposées par l’Ouest, l’économie russe est confrontée à de nouvelles difficultés, a déclaré le maire de la capitale Sergueï Sobianine lors du Forum financier de Moscou.

« Les marchés de l’Est, il faut comprendre qu’ils sont encore plus durs. Il y a déjà une guerre sérieuse contre nous là-bas, une guerre économique », a déclaré Sobianine.»

Les pays orientaux ont parfaitement compris qu’il ne s’agit pas d’un mariage d’amour, mais de raison. Par ailleurs, la démarche russe n’a pas changé : il ne s’agit pas réellement de développer la souveraineté technologique du pays, au-delà des délires numériques idéologiques, mais de chercher quelqu’un qui pourrait en faire cadeau. Dixit Sobianine — et ces salauds ne veulent pas nous faire de cadeaux … Ben ça alors … 

«En introduisant des sanctions, l’Occident a coupé l’accès de la Russie aux technologies modernes, mais à l’Est, «personne ne veut donner de technologie — ni dans le domaine de la construction automobile, ni dans le domaine de la construction aéronautique, ni dans le domaine de la microélectronique». (…) 

«Personne ne le fera. De plus, ils nous disent ouvertement : si vous souhaitez acquérir de la technologie, achetez le produit en entier. Nous disons : non, nous avons besoin, au mieux, de composants que nous remplacerons prochainement. Ils nous disent : nous comprenons cela, donc nous n’allons pas le faire, du moins pas aux prix normaux. Voici le double du prix — je vous en prie».»

Et pourquoi ces pays devraient faire des cadeaux à la Russie ? Ce ne sont pas des alliés, ce ne sont pas les membres d’un même centre de pouvoir, ce sont au mieux des partenaires. Parallèlement, comme le déclare le Premier ministre Michousitine, ces sanctions ont fait comprendre à beaucoup de pays que, sans maîtriser leurs propres technologies, ils peuvent se retrouver sur le bas-côté. Il est regrettable, que parallèlement, il n’y ait pas de prise de conscience de l’impératif d’une remise en cause totale et rapide du Processus de Bologne en Russie. Car pour produire réellement une technologie, qui aille au-delà du nécessaire pour assouvir le culte globaliste numérique, il faut rétablir un véritable enseignement scolaire, rétablir l’enseignement théorique supérieur, restaurer la recherche fondamentale. Or, nous sommes toujours réduit à l’utilitarisme le plus primaire dans ce domaine. Ce qui est, en revanche, parfait, dans le cadre globaliste.

D’une manière générale, les médias sont assez sceptiques quant aux résultats de ce Forum en particulier, mais également quant à la capacité in fine de ces élites à faire face aux enjeux sans précédent de la situation. Dans Vedomosti (qui n’est pas un média d’opposition»), l’on peut lire comme titre sur ce Forum :

«Les autorités économiques ont discuté de la façon de vivre après la victoire sur les sanctions

Les participants à la discussion ont essayé de décider comment gérer le taux de change et l’inflation, mais n’y sont pas parvenus.»

Traduction :  ayant survécu presque par hasard, en tout cas avec surprise, ils sont incapables de penser souverainement comment gérer le pays en dehors du cadre globaliste, de ses institutions et de ses recettes, qui leur est naturel.  Kostine, à la tête de la banque VTB, a soulevé les contradictions des autorités financières et prédit des temps difficiles pour le business russe.

Nous sommes assez loin de la première euphorie des survivants. Désormais, il faut passer de la survie à la vie et il faut l’organiser. Ces élites, en sont-elles capables ? Sont-elles capables de sortir des cadres préétablis de gestion globalisée ? Elles vont devoir faire leur preuve, et rapidement. L’histoire ne va pas les attendre.