Conflit en Ukraine : les F16 et la tentative des Atlantistes de faire sortir la guerre des tranchées
Après une mise en scène européenne, où la Grande-Bretagne présente «son» initiative d’une coalition internationale devant constituer une flotte aérienne militaire en Ukraine, les Etats-Unis donnent leur accord pour livrer des F16 et participer avec les Européens à la formation des pilotes. Mais aucune date n’est fixée. Peut-on dire qu’il y a une «escalade» du conflit ? Non, il y a une guerre. Et dans une guerre, les parties combattantes mettent en jeu tous les moyens qu’elles jugent opportuns pour remporter la victoire. Les avions de chasse sont logiquement de ces moyens. Ce qui ne veut pas dire que leur envoie, pas plus que les tanks, ne changeront le cours de la guerre, ne lui donneront une autre dynamique.
Lors du sommet du Conseil de l’Europe en Islande, les Premier ministres britannique et néerlandais sont convenus de mettre en place une coalition internationale, devant permettre de fournir en Ukraine des avions de chasse, comme cela fut annoncé par Down Street le 16 mai au soir.
Réunis à l’occasion d’un sommet du Conseil de l’Europe en Islande, les deux hommes «sont convenus qu’ils allaient travailler ensemble pour bâtir une coalition internationale pour fournir à l’Ukraine des capacités aériennes de combat […], en allant de la formation à la livraison d’avions F16», a précisé Downing Street dans un communiqué.
A ce moment-là, les Etats-Unis ne se disaient pas encore prêts à fournir des F16 à l’Ukraine et la France et l’Allemagne avaient eu le bon goût de refuser à Zelensky lors de sa tournée européenne de livrer des avions de combat.
Avec l’accord donné par Biden lors du G7, les Européens s’engagent à participer avec les Américains à la formation des pilotes ukrainiens. Pourtant, la tâche ne sera pas simple. Il faut une formation accélérée d’au moins 3 mois et une maîtrise de l’anglais. Certains doivent bien comprendre, que dans ce cas, il faudra en réalité envoyer des ressortissants européens ou américains, sous autre drapeau. Difficile de dire que l’on sente l’euphorie dans ces déclarations, particulièrement prudentes :
«Dans un premier temps, il s’agira d’une formation de base, au sol, mais qui pourrait évoluer par la suite», commente auprès de franceinfo une source proche du dossier. «Mais l’objectif, tout de même, est d’être opérationnel à la fin.» Aucun détail n’a été communiqué sur les effectifs et les bases militaires concernés. Les candidats pilotes devront, en tout cas, avoir «une aptitude physique, un niveau d’ingénieur et parler un très bon anglais», estime Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale»
Le but de cette décision est de relancer un conflit, qui évolue très lentement au sol et ressemble de plus en plus à une guerre de tranchées. Pourtant, il serait naïf de croire que les avions de chasse changeront radicalement la donne. Les Atlantistes avaient déjà attendu avec les chars une grande offensive victorieuse de leur armée. Ensuite, les drones devaient la faire gagner miraculeusement. Enfin, les Patriots et autres systèmes de défense aérienne devaient protéger leur zone et réduire les capacités de la Russie. Rien n’a produit les effets attendus. Rien ne remplace les hommes. En tout cas, ceux qui se battent pour leur terre.
Même France Info a des doutes.
«La livraison d’avions de combat F-16 signera-t-elle le tournant militaire de la guerre en Ukraine ? Symboliquement, Volodymyr Zelensky a obtenu gain de cause sur ces aéronefs de fabrication américaine, réclamés par Kiev avec insistance depuis plusieurs semaines.»
Victoire plus symbolique que militaire. Car il va falloir encore réaliser ces paroles et cela reste très floue. Toujours dixit France Info :
«Pendant que l’entraînement se déroulera ces prochains mois, notre coalition de pays participant à cet effort décidera quand fournir des avions, combien, et qui les fournira», a déclaré vendredi un haut responsable de la Maison Blanche, au moment où Joe Biden participait au sommet du G7 au Japon. Une phrase qui résume les zones de flou autour de l’annonce du président américain.
En plus de l’inconnu sur le temps de réalisation, reste également en suspens toute l’infrastructure de gestion de cette opération :
Puisque l’autorisation n’a pas été officiellement signée, la date de livraison fait aussi figure d’inconnue. A cela s’ajoute le délai de formation des soldats ukrainiens. «Les Etats-Unis ont fait une expérience sur simulateur avec deux pilotes ukrainiens. Ils les ont formés en quatre mois au lieu de 18. On va certainement compresser les durées de formation», anticipe Jean-Claude Allard. Mais le général prévient : «Il ne faut pas oublier que derrière, il y a aussi les maintenanciers (…) qui vont entretenir ces aéronefs. Il faut également préparer le matériel qu’on va livrer aux Ukrainiens».
La Russie a réagi en rappelant aux Atlantistes leur responsabilité, même si cela reste purement théorique:
“Nous voyons que les pays occidentaux adhèrent toujours au scénario de l’escalade. Cela comporte des risques colossaux pour eux”, a réagi le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Alexandre Grouchko. “En tout cas, cela sera pris en compte dans tous nos plans, et nous avons tous les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.”
Les Atlantistes, comme les Russie d’ailleurs, ne veulent pas entrer dans une guerre traditionnelle lourde, une guerre d’hommes, qui est pourtant à ce jour la seule manière de remporter les territoires. Alors, ils comblent et compensent, chacun à sa manière. Les Russes avec l’utilisation régulière des tirs de précision à distance, les Atlantistes en faisant la guerre par procuration à travers les Ukrainiens, le but étant de s’investir en homme au minimum. Cette configuration retenue conduit à un enlisement au sol du conflit, à une sorte de guerre de tranchées, qui demanderaient une autre volonté politique pour en sortir.
Par Karine Bechet-Golovko