De la France à la Chine : contrôle social et faiblesse des Etats dans la globalisation
De l’abaya aux vêtements heurtant l’âme chinoise, l’interdiction vestimentaire devient un levier de gestion sociale dans de nombreux pays. Et dans tous les cas, il est le signe d’un échec de la politique sociale nationale à entretenir sa culture vivante : on interdit ce que l’on ne peut empêcher, car on en a ni la force, ni souvent la volonté de traiter le problème à la source. Le vêtement est aussi une revendication, il est l’expression extériorisée d’un message, islamiste en France, «dégenderisé» en Chine. Qu’il s’agisse du résultat d’une vague de fond ou d’une provocation, les gouvernements ne peuvent éviter ces dérives civilisationnelles, qu’en revenant aux fondements de la société — l’harmonie, la culture, le respect de son peuple.
Alors que la France est en plein faux débats sur l’interdiction de l’abaya à l’école (voir notre texte ici), la Chine prépare des amendements à un texte de loi visant à interdire le port de certains vêtements, sans préciser lesquels, dans une formulation des plus vagues :
«Le gouvernement propose désormais des amendements à une loi qui pourraient entraîner des détentions et des amendes pour « port de vêtements ou de symboles en public préjudiciables à l’esprit du peuple chinois et blessant les sentiments du peuple chinois ».»
Plusieurs cas ont déjà été relevés. L’on note le port de vêtements japonais, qui en raison notamment de l’agression par le Japon (dans le camp nazi) de la Chine lors de la Seconde Guerre mondiale, est particulièrement mal perçu par la population. Mais il s’agit surtout de la tendance à normaliser, par certaines actions ciblées, les normes globalistes du «gender», en fait «dégenderisé» — qu’il s’agisse des LGBT d’exposition urbaine, des hommes s’habillant ouvertement en femme ou avec des vêtements féminisés. Et ces derniers temps, la Chine est de plus en plus confrontée à ces situations, qui semblent assez bien organisées.
La France et la Chine sont toutes deux, à leur manière, confrontées aux résultats du même phénomène, les effets collatéraux de la globalisation, bien qu’elles aient réagi de manière diamétralement opposée. La France et la Chine sont dans la globalisation : la France surtout socialement, la Chine surtout économiquement. La France donne le la des «nouvelles valeurs», la Chine produit pour les sociétés post-industrialisées. Elles sont toutes deux soumises aux soubresauts de mouvements, qu’elles ne contrôlent plus vraiment, même si elles le veulent — parfois.
La France a joué la carte du libertarisme, à la place du libéralisme. Il est interdit d’interdire (sauf les valeurs traditionnelles) et il faut même imposer aux enfants la négation de l’existence de leur sexe, de codes sociaux liés au sexe. Ils sont incités à jouer à l’autre, pour ensuite être tentés de le devenir sous la pression d’une influence sociale diffuse et non pas en raison d’une pulsion personnelle naturelle. Cela permet de totalement déstabiliser la société et de mieux la contrôler. Car tel est bien le but, le contrôle social. Non pas pour les autorités nationales, dont tout le monde se moque, mais pour le pouvoir global. Ce pouvoir global n’est pas une fantasmagorie «conservatrice», il s’agit d’une structure très rationnelle avec ses organes internationaux, ses antennes locales avec notamment les ONG et les groupes de pression, l’imposition des normes internationales conditionnant le droit interne, etc.
La France a bien suivi les règles, or le pendant de la déstructuration de la population nationale passe aussi par l’immigration de masse, notamment de pays musulmans, dont on ne récupère pas le meilleur. Et les autorités se réveillent avec une situation explosive, de communautés incompatibles. Interdire l’abaya sans prendre le problème à la racine, c’est-à-dire «déglobaliser» la France, mettre fin à cette occupation politique et idéologique, n’a aucun sens et permet seulement de mettre de l’huile sur le feu.
La Chine est elle aussi parfaitement implantée dans la globalisation, elle en est l’usine de production matérielle et le laboratoire d’expérimentation sociale. Elle a poussé le contrôle social à son paroxysme et maintient l’équilibre entre ces deux forces centripètes, que sont la globalisation et les traditions nationales, par une politique répressive, par une chappe de plomb devant écraser l’homme et le maintenir dans un cadre serré. Et elle utilise ce cadre répressif également contre les éléments de la globalisation, qu’elle considère (par ailleurs à juste titre) comme pouvant porter atteinte à l’équilibre social ou allant à l’encontre de sa culture. Or, la globalisation est un tout, aucun pays ne peut faire le choix des éléments qui lui conviennent et de ceux qui le dérangent. Il y a toujours des effets collatéraux à la globalisation et ce sont ces effets qui sont importants pour le pouvoir global, car ce sont eux qui doivent affaiblir le pouvoir national.
Comme l’écrit le NYT :
«La Chine a construit un État de surveillance doté de technologies modernes, censurant largement les médias d’information et les réseaux sociaux, interdisant même l’affichage de tatouages et d’hommes portant des boucles d’oreilles sur les écrans de téléphone et de télévision. Le carcan idéologique se resserre sur la sphère privée. Les choix personnels, comme la tenue vestimentaire, sont de plus en plus soumis au contrôle de la police ou des piétons trop zélés.»
Les amendements proposés pour sanctionner les comportements vestimentaires, in fine considérés comme déviants, entraînent une condamnation sévère :
«Si les amendements proposés, qui sont ouverts aux commentaires du public jusqu’au 30 septembre, sont approuvés par le corps législatif national, de tels incidents pourraient entraîner des amendes allant jusqu’à 680 dollars et jusqu’à 15 jours de garde à vue.»
Les vêtements, oui, peuvent être un symbole, peuvent être une revendication, et devenir un moyen de faire bouger les lignes sociales. C’est le cas lorsqu’ils matérialisent un culte : qu’il soit religieux, culturel, civilisationnel.
Pas plus que la France, la Chine n’est capable de remettre en cause le cours global, suivi par les dirigeants nationaux. Une élite est toujours en place dans un certain cadre idéologique, elle ne tient que par lui. Pour remettre en cause le cours idéologique d’un pays, il faut changer d’élites. Aucun pouvoir ne choisit de se suicider politiquement … pour le bien de son pays.
Par Karine Bechet-Golovko