Démission du conseiller Arestovich : quand le régime ukrainien dévore ses enfants
Alexeï Arestovich, né dans la République soviétique de Géorgie, ancien militaire, devenu influenceur et conseiller du Chef du Bureau de la présidence ukrainienne, a été conduit à la démission pour avoir osé affirmer devant les caméras que les 44 morts et 77 blessés lors de l’écroulement de l’immeuble à Dniepropetrovsk ne seraient pas dus au missile tiré par la Russie, mais bien au système ukrainien de défense aérienne, qui a détourné ce missile. Tous les régimes fanatiques dévorent leurs enfants, Arestovich vient de tomber.
Le 14 janvier, lors des tirs de missiles de la Russie contre les infrastructures stratégiques et les cibles militaires ukrainiennes, un immeuble s’effondre à Dniepropetrovsk. Tout de suite, la Russie est accusée, notamment par l’UE, de crime de guerre, comme si elle visait exprès cette cible civile. Comme si pour les Européens, il ne pouvait en être autrement.
«Cette frappe russe très meurtrière est un « crime de guerre » dont les responsables devront être poursuivis, a affirmé lundi 16 janvier la présidence suédoise de l’Union européenne. Lors d’une conférence commune avec le président du Conseil européen Charles Michel, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a condamné une « attaque horrible ». « Les attaques intentionnelles contre des civils sont des crimes de guerre et ceux qui en sont responsables doivent être poursuivis aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-il ajouté.»
Zelensky en profite pour rappeler qu’il faut toujours plus d’armes. Berlin se dit favorable à un Tribunal international pour «juger» les dirigeants russes.
Bref tout se passe à merveille dans ce si petit monde. Sauf l’intervention désastreuse du Conseiller très médiatisé du Chef du Bureau de la présidence ukrainienne, Alexeï Arestovich, qui lance alors un pavé de taille dans cette mare stagnante, en déclarant que la responsabilité de la défense aérienne ukrainienne est à envisager. Ecouter ici :
Après cette reconnaissance de la responsabilité directe du système de défense aérien ukrainien dans la tragédie de l’immeuble de Dniepropetrovsk, Arestovich a été l’objet d’une attaque de très grande ampleur. Le Commandement militaire ukrainien a démenti, affirmant au passage que de toute manière leur défense aérienne est incapable de protéger contre ces missiles russes … Arestovich a tenté de revenir sur ses paroles, puis s’est excusé auprès des victimes et finalement a démissionné ce 17 janvier : j’ai commis une erreur grave, je pars.
Cette erreur est double en fait. Tout d’abord, il a conduit l’armée ukrainienne à reconnaître publiquement la faillibilité du système de défense aérienne ukrainien, qui était pourtant présenté comme infaillible. Ensuite, il met en cause le discours atlantiste dominent, selon lequel la Russie vise des cibles civiles. En période de fanatisme guerrier, c’est impardonnable et cela ne lui a pas été pardonné. Le Bureau de la présidence ukrainienne a accepté sa démission.
Dans tous les cas, cette sortie a provoqué un malaise : cette Ukraine si démocrate, si belle, si pure, «on nous aurait menti» ?
Cette fausse naïveté mal à l’aise est reprise par RFI, qui ne sait pas très bien comment traiter et les parole d’Arestovich, et sa mise à la porte. L’on notera en particulier ce passage :
«L’omniprésent Oleksiy Arestovych paye surtout ses imprudences, sa personnalité ainsi qu’un ego démesuré. Mais sa démission souligne aussi la difficulté de l’Ukraine à mettre les bons mots sur les cibles réelles des bombardements russes – souvent les infrastructures – et sur les dégâts collatéraux des frappes sur la population, tout aussi dramatiques et révoltants qu’ils soient.»
Ainsi, la Russie n’est pas un criminel de guerre, s’il s’agit de terribles «dégâts collatéraux» … Quand RFI reconnaît que les «cibles réelles» de la Russie sont des cibles légitimes, «aussi dramatiques et révoltants qu’ils soient». Ce n’est pas qu’une question de «bons mots», mais de volonté politique : tout ne se dit pas en temps de guerre, car il faut construire la figure de l’ennemi, figure sans nuances. Il a été imprudent, en se croyant au-dessus des règles générales de survie dans ces régimes fantoches. Et ce n’est pas la première fois — ces jours-ci, Arestovich s’est également mis à critiquer les répressions du SBU (le KGB ukrainien) contre l’Eglise orthodoxe ukrainienne, qui fait les gros titres de Fox News.
Mais ici comme ailleurs et comme avant, la «révolution dévore ses enfants». La «Révolution de la dignité» à connotation néonazie en Ukraine vient de faire une victime de choix et ce ne sera pas la dernière, mais elle va servir à calmer ceux, qui auraient des doutes quant à l’intérêt de l’Ukraine d’aller au bout de ce suicide atlantiste.
Karine Bechet-Golovko