Géorgie : les enjeux de pouvoir de l’hystérie globaliste contre la loi adoptée sur les agents étrangers
Malgré les pressions internationales et l’activation des mécanismes d’ingénierie sociale, le 14 mai Parlement géorgien a adopté la loi sur les agents étrangers. Immédiatement, la présidente géorgienne annonce son veto, les Etats-Unis parlent de sanctions personnelles contre ces salauds de souverainistes et d’une possible «aide militaire» contre la Russie. Personne ne cache les motifs réels de cette condamnation globaliste : dans le cadre du conflit de mode de gouvernance, qui se déroule aujourd’hui, il faut contrôler le pays de l’intérieur, surtout avant les prochaines élections d’octobre. Et sans le contrôle non affiché des ONG et des médias, cela sera beaucoup plus difficile.
Le 14 mai, alors que les occidentaux mettent leurs activistes dans les rues de Tbilissi avec des drapeaux européens, parfois même ukrainiens mais rarement géorgiens, les parlementaires ont adopté la loi sur les agents étrangers, qui oblige les ONG et les médias recevant plus de 20% de financement étranger à se déclarer comme agent étranger, sans pour autant entraver ni interdire leur activité. Simplement ils devront agir en toute transparence.
Et c’est ici le problème fondamental : si ces ONG et ces médias agissent ouvertement au nom de leurs sponsors américains ou européens, ils perdront de leur influence sur la population — et les USA et l’UE leur soft power — car les gens verront quels intérêts ces organes défendent. En plus de ce problème stratégique, un autre, plus tactique, est celui de la garantie des «bons résultats» aux prochaines élections du 26 octobre.
La présidente franco-géorgienne Zourabichvilli a déposé le 18 mai son veto contre le texte de loi, qui pourra être dépassé par un vote à la majorité simple des parlementaires. L’acte est donc symbolique, comme elle le reconnaît elle-même.
De leur côté, les Etats-Unis prévoient d’adopter des sanctions individuelles :
Les États-Unis imposeront des sanctions personnelles aux dirigeants de la Géorgie si la démocratie est sapée dans le pays.
C’est ce qu’a déclaré le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires européennes et eurasiennes, James O’Brien, lors d’une conférence de presse à Tbilissi.
Quelle atteinte à la démocratie peut-il y avoir par le simple fait d’exiger une transparence financière des acteurs de la société civile ? Aucune, puisque justement la transparence financière garantit la sincérité de la vie politique d’un pays, elle est une des garanties de l’état de droit et de la démocratie. Mais elle va à l’encontre de la gouvernance globale, qui est, comme chacun le sait, au-dessus des principes démocratiques — et incompatible avec eux.
La présidente géorgienne a donné une interview d’une honnêteté étonnante au média européiste Euractiv, que je vous enjoins à lire — entre les lignes, bien sûr.
Nous apprenons ainsi, qu’il s’agit de, je cite :
«une tentative évidente d’intimider les organisations non gouvernementales de la société civile à un moment très sensible pour nous, juste avant les élections du 26 octobre.
L’objectif est d’autant plus clair lorsque l’on sait que ces organisations non gouvernementales seront impliquées dans l’observation des prochaines élections.»
Donc, le premier problème est celui de la préparation des élections. Manifestement, sur le mode ukrainien de 2004 (celui de la Révolution orange sous l’égide de l’OSCE), les ONG étrangères devaient délégitimer les élections si les résultats reportaient au pouvoir les forces souverainistes géorgiennes et ouvrir grande les portes d’une énième «révolution nationale», cette forme classique d’ingérence globaliste pour reprendre les rênes du pouvoir dans un pays, quand les mécanismes institutionnels ne sont pas suffisants et qu’il faut donc briser dans la rue les institutions politiques.
C’est d’ailleurs, ce qui est précisé à la phrase suivante :
Ce projet de loi modifie les termes de notre relation avec nos partenaires et amis occidentaux, car il les considère comme des agents subversifs et des révolutionnaires qui tentent de renverser le gouvernement actuel. Il vise ces mêmes organisations qui ont construit ce pays depuis notre indépendance, en soutenant le processus démocratique, l’agriculture, l’éducation et la santé.
L’histoire a montré le rôle joué par les ONG dans les mécanismes de renversement de pouvoir dans l’espace post-soviétique. Mais allant plus loin, la présidente géorgienne reconnaît que tout le système géorgien actuel a été constitué à l’étranger … Un peu plus loin, elle déclare d’ailleurs que presque tous les politiciens géorgiens ont, d’une manière ou d’une autre, collaboré avec les organisations américaines ou européennes …
Quelle belle indépendance … La Géorgie est ainsi devenue en trente ans indépendante … de son peuple. Ce peuple, qui tente grâce à ses députés, de reprendre les rênes du pouvoir. Ce qui effectivement est inacceptable dans ce système globaliste et, comme le dit cette fois-ci avec justesse Zourabichvilli, cette volonté de souveraineté éloigne la Géorgie de l’UE. Ces deux systèmes sont incompatibles, car aucun pays ne peut garder sa souveraineté au sein de l’UE.
Les Etats-Unis jouent d’ailleurs cartes sur table : si la Géorgie abandonne cette ligne étatiste, les autorités américaines sont prêtes à discuter d’un programme d’aide économique … et militaire. Il s’agit bien sûr de reprendre en main la Géorgie et de la diriger contre la Russie, sous le slogan de la «protection contre l’agression russe».
«Il mandaterait également les responsables pour développer un programme de soutien militaire à la Géorgie comprenant « la fourniture d’équipements de sécurité et de défense parfaitement adaptés à la défense territoriale contre l’agression russe et des éléments concomitants de formation, de maintenance et de soutien aux opérations ».»
L’intérêt serait alors d’ouvrir de nouveaux fronts, dans ce combat des Atlantistes contre la Russie, en développant la présence militaire américaine en Géorgie sous prétexte de la fameuse «agression russe».
L’enjeu est clair : soit la Géorgie arrive à défendre sa souveraineté et elle a une chance d’éviter d’être une nouvelle Ukraine, soit elle abandonne et elle disparaît selon le même processus ukrainien de transformation du pays en front.
PS : Nous apprenons également que depuis quelque temps, la Slovaquie préparait elle aussi un projet de loi sur les agents étrangers. Sera-t-il encore d’actualité après la tentative d’assassinat de son Premier ministre ?
Par Karine Bechet-Golovko