Guerre en Ukraine : l’UE se prépare à adopter des sanctions symboliques contre la Russie

Comme l’Histoire n’existe pas en Ukraine antérieurement au 24 février 2022 pour l’Occident, l’UE se prépare à adopter un nouveau train de sanctions à l’occasion des deux années «du début» du conflit, c’est-à-dire de la réponse militaire russe. Les possibilités étant déjà largement épuisées, ces sanctions devraient surtout toucher des questions politiques hautement symboliques : le déplacement des diplomates russes à l’intérieur de l’Europe et l’utilisation des fonds russes gelés pour leur guerre en Ukraine.

Deux ans, ça se fête ! C’est manifestement le point de vue de l’UE, qui veut aller encore plus loin dans sa guerre politico-financière avec la Russie. Manifestement l’explosion des prix à la consommation et de l’énergie, suite aux sanctions atlantistes ne sont manifestement pas suffisantes. Rien n’arrête cette fuite en avant, puisque ces organes régionaux de gouvernance globale ne peuvent de toute manière reconnaître l’échec politique de leur ligne : la Russie n’est pas tombée, alors qu’une crise systémique s’installe en Europe.

Au passage, il est manifestement prévu de continuer à «diversifier» l’approvisionnement énergétique des pays européens, c’est-à-dire à favoriser le marché américain. Plus cher, mais ô combien plus démocratique. Pourtant, ici aussi, les limites semblent être atteintes, puisque le vote doit se faire (encore) à l’unanimité :

«Bruxelles estime qu’il reste peu de choses sur lesquelles les pays de l’UE pourraient trouver un accord unanime, les sanctions russes sur le combustible nucléaire et le gaz naturel liquéfié étant considérées comme hors de propos pour l’instant.»

Au-delà des quelques sanctions individuelles ou concernant des entreprises, cela n’ira pas beaucoup plus loin. Même l’interdiction de l’importation de l’aluminium ne sera probablement pas abordée, car elle nécessiterait une véritable campagne préalable de pression sur les Etats pour qu’ils acceptent, pardon je voulais dire une séance de discussion libre, ouverte et démocratique les laissant prendre librement la décision en tenant compte de leur intérêt national. Et cela prend du temps. Un mois, manifestement, n’est pas suffisant … On ne peut pas quand même décemment, enfin pas encore, leur mettre un pistolet sur la tempe … 

Deux idées de génie font alors leur chemin. 

La première concerne la restriction de la liberté de circulation des diplomates russes à l’intérieur de la zone Schengen. Cette proposition a été formulée en 2023 encore par la République Tchèque. Elle n’a pas été retenue immédiatement, car en effet ce serait une limitation difficilement légitime en temps de paix. Or, les pays de l’UE, au moins formellement, ne sont pas en guerre contre la Russie. Les temps changent, manifestement, et nous apprenons par Politico que l’interdiction faite aux diplomates russes de sortir des frontières de l’Etat européen, qui les a accrédité, pourrait être justement inclue dans ce train de sanctions. 

Du coup, l’on apprend aussi qu’il existe des frontières, nationales et étatiques de surplus, à l’intérieur de l’Union européenne. C’est une grande nouvelle dans ce monde globaliste par définition No Borders. Il est amusant de noter au passage, que la résurgence du discours guerrier s’accompagne d’une résurgence des attributs étatiques. L’UE est une fiction, seuls les Etats existent réellement. Qu’ils se le rappellent …

La deuxième idée est celle de l’utilisation des fonds russes gelés :

«L’UE va également bientôt adopter une première loi visant à mettre de côté les recettes exceptionnelles des 300 milliards d’euros d’actifs immobilisés de la Russie, détenus pour la plupart en Europe. L’UE espère utiliser ces revenus pour financer la reconstruction de l’Ukraine. Cela pourrait représenter quelque 15 milliards d’euros sur 4 ans.»

Qu’il s’agisse des actifs eux-mêmes ou de leurs recettes, cela ne change rien au fait que la démarche va soulever de très sérieuses questions, et juridiques, et politiques. Car si techniquement cela peut en effet être résolu par l’adoption d’une loi, reste la question de la légitimité de l’atteinte portée au droit de propriété et du précédent ainsi créé (voir notre chronique sur RT France à ce sujet ici). Les pays européens entreraient en légalisant la spoliation des actifs russes dans la logique du droit de l’ennemi, qui est une logique de guerre. Détruisant au passage ce qu’il reste du libéralisme, déjà bien mis à mal.

Bref, l’UE continue à tirer à boulets rouges, et sur les pays membres, et sur le libéralisme qui les a fondés. Rien d’étonnant à cela : elle a été créée justement dans ce but et remplit parfaitement sa mission, avec l’aide des élites nationales. Seule la sortie de ce système de l’UE permettra de redonner vie à l’Europe et aux pays européens.

Par Karine Bechet-Golovko