Haut-Karabakh : Les Etats-Unis reprennent la main en Arménie
Le conflit dans le Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui prend ses racines il y bien longtemps de cela, était traditionnellement géré par la Russie, depuis l’époque impériale. Il s’agissait de sa zone d’influence et de compétence, puisque jusqu’à la fin de la période soviétique, et l’Arménie, et l’Azerbaïdjan en faisait partie. Or, l’on voit aujourd’hui cette zone lui échapper et être décisivement reprise par les Etats-Unis, qui ont obtenu de leur créature Pachinian un renoncement au Haut-Karabakh, cette région contestée d’Azerbaïdjan majoritairement peuplée d’Arméniens. Pour autant, nous nous éloignons ainsi de la paix et cette région risque alors d’être sérieusement et longuement déstabilisée.
La Haut-Karabakh est une enclave arménienne au milieu des terres d’Azerbaïdjan, qui a toujours été l’objet d’un conflit sanglant entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. A l’affaiblissement de l’Empire russe, au début du 20e siècle, deux guerres marquent cette région. Jusqu’à ce que le pouvoir soviétique s’affirme et qu’en 1921 les frontières soient posées entre les républiques soviétiques d’Arménie et d’Azerbaïdjan, attribuant le Haut-Karabakh à ce dernier, bénéficiant toutefois d’un statut particulier. La situation dégénère à nouveau à la fin des années 80 avec l’affaiblissement de l’URSS. La république soviétique d’Arménie et les institutions du Haut-Karabakh décident alors le 1er décembre 1989 de l’intégration de la région en Arménie, ce qui provoque une escalade du conflit armé avec la république soviétique d’Azerbaïdjan. A la chute de l’URSS et avec le retrait de l’armée soviétique, la situation dégénère progressivement et conduit à un véritable conflit armé de décembre 1993 à mai 1994. C’est la première guerre du Haut-Karabakh, qui a permis à l’Arménie de désenclaver le Haut-Karabakh. A l’initiative de l’assemblée parlementaire de la CEI un cessez-le-feu est signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de la Russie. En 2020, la situation explose et un nouveau conflit armé sanglant touche le Haut-Karabakh en septembre et octobre, face à l’attaque de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, qui reprend des terres. Le 10 novembre 2020, une déclaration commune est faite par le Premier ministre arménien, le Président azéri et le Président russe sur un cessez-le-feu, le retrait des troupes azéries du Haut-Karabakh et la présence de forces militaires russes de la paix.
Le 31 octobre 2022, le Premier ministre arménien, le Président azéri et le Président russe font une déclaration commune dont l’idée principale est la volonté des parties de normaliser les relations dans la région, sous l’égide de la Russie, comme force de paix.
Le temps passe et la situation ne se normalise pas vraiment. Le 4 mai 2023, le Secrétaire d’Etat américain Blinken déclare que les délégations arméniennes et azéries ont largement progressé vers la stabilisation de la situation autour du Haut-Karabakh.
Le 14 mai 2023, Pachinian est à Bruxelles et rencontre Aliyev sous l’égide des institutions européennes en la personne de Charles Michel. Le but de la rencontre est de préparer un accord de paix.
Comme l’écrit le Figaro :
La Russie étant de plus en plus isolée sur la scène internationale depuis le début de son offensive en Ukraine, les États-Unis et l’Union européenne jouent désormais un rôle majeur de médiateurs dans le processus de normalisation entre Bakou et Erevan.
Et Pachinian vient d’annoncer qu’il est prêt à abandonner le Haut-Karabakh, si l’Azerbaïdjan promet de protéger les populations arméniennes, qu’il a par ailleurs allègrement persécutées depuis le début du 20e siècle.
«»Le retrait réciproque des troupes de la frontière, à notre avis, servira à assurer la stabilité. Le retrait réciproque des troupes arméniennes et azerbaïdjanaises doit être effectué conformément aux cartes approuvées en 1975 par l’état-major de l’URSS», a déclaré Pashinyan. a dit.
Pour cela, il serait mal venu de signer cet «Accord de paix» à Moscou le 25 mai, en revanche il est tout à fait possible de le signer le 1er juin à Chisinau.
«(Pachinian) a ajouté qu’il allait également rencontrer Aliyev le 1er juin à Chisinau. Ces négociations se dérouleront avec la participation du président du Conseil européen Charles Michel, du président français Emmanuel Macron et du chancelier allemand Olaf Scholz.»
Et les Européens couvrent les Américains. Sortie de jeu de la Russie, largage du Haut-Karabakh et d’autres conséquences, notamment à l’intérieur et de l’Arménie et du Haut-Karabakh sont à attendre.
Parallèlement, en toute logique, Pachinian déclare la non-efficacité de l’Organisation du traité de sécurité collective, dont l’Arménie serait prête à sortir si le Parlement reconnaît que cette Organisation «est sortie d’Arménie», c’est-à-dire n’est pas effective en Arménie. Tout cela se déroule sur le mode du «quand on ne veut plus de son chien, on dit qu’il mord».
Et évidemment, le Premier ministre arménien explique que l’Occident n’a en rien influencer cette décision, prise de manière totalement autonome. Amen!
L’on rappellera que depuis une année, les Etats-Unis puis l’UE menacent l’Arménie de sanctions, puisqu’elle continue à développer ses échanges commerciaux avec la Russie, ce qui est alors qualifié d’aide à contourner les sanctions atlantistes. Je cite toujours Pachinian:
«Les sanctions sont nos lignes rouges. Et nous le disons clairement aux Russes : nous ne voulons pas vous offenser, mais nous ne pouvons nous-mêmes nous permettre de tomber sous le coup de sanctions. Il n’y a pas de secret ici.»
Si l’Arménie signe cet «Accord de paix», l’on peut s’attendre à de sérieux changements dans les rapports avec la Russie. L’arménie passée sous «protection» militaire américaine, l’occupation pourra alors commencer physiquement. Pourtant, il n’est pas certain que cela ne conduise pas à une longue et profonde déstabilisation de la région, bien au contraire. En guise de conclusion, je vous laisse réfléchir les paroles de cet ancien ministre arménien des Affaires étrangères :
«La communauté internationale et l’Azerbaïdjan doivent être conscients que la décision de Pachinian (sur la reconnaissance du Karabakh comme faisant partie de l’Azerbaïdjan) n’apportera pas la paix entre les deux peuples. Même si le Premier ministre signe le document, ce ne sera qu’une déviation temporaire du cours naturel de l’histoire», — l’ancien ministre arménien des Affaires étrangères (1998-2008), Vardan Oskanyan.
À son avis, Pachinian non seulement «rend définitivement le Karabakh à l’Azerbaïdjan», mais aussi, sous prétexte d'»enclaves», transfère des territoires supplémentaires de l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mettant en péril les communications stratégiques avec la Géorgie et l’Iran.
Par Karine Bechet-Golovko
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