Israël et la normalisation de la rhétorique nazie : n’aurait-on pas enfanté d’un monstre ?

L’accélération du conflit entre Israël et Gaza s’accompagne d’un retournement du paradigme nazi : bien que les hauts responsables israéliens traitent les autres peuples d’animaux ou de sous-hommes, qu’il s’agisse des Palestiniens ou des Bouriates (en Russie), bien qu’ils considèrent normal de les écraser physiquement, ils continuent à utiliser la victimisation nazie, payée très cher par les aïeux de leurs familles (mais non par eux-mêmes) pour justifier leurs crimes. Et quand on leur rappelle, à l’ONU, qu’ils ne sont pas au-dessus du droit international, l’enfant-roi se révolte : comment ça, il n’y aurait plus d’impunité totale, nous n’aurions plus le monopole de l’humanité ? Il semblerait que la communauté internationale, en faisant d’Israël une victime éternelle et intouchable sous peine d’antisémitisme, ait enfanté d’un monstre. Qui est entré en guerre et se croit au-dessus de tout … et de tous.

Ces derniers temps, Israël a changé de rhétorique et semble s’enfoncer dans les méandres de la justification de ses crimes par le recours à la déshumanisation de l’Autre et de tous les autres êtres humains. 

Ainsi, il n’est pas condamnable d’effacer de la surface de la Terre Gaza, puisque ce ne sont pas des Humains, qui y habitent. Mais, je cite, des «animaux humanoïdes» (voir notre article ici). Dixit le ministre israélien de la Défense.

«J’ai ordonné un blocus complet de Gaza. Il n’y aura pas d’électricité. Pas de nourriture. Pas de carburant. Pas d’eau. Tout est fermé. Nous luttons contre les animaux humanoïdes et agirons en conséquence

Aucune réaction internationale. Aucune critique.

Plus tard, toujours sur cette même ligne, ce sont les Bouriates, peuple oriental de Russie, qui ne sont que des sous-hommes psychopathes, des animaux, je cite Arkady Milman, ancien ambassadeur d’Israël en Russie :

«des animaux avec des instincts psychopathes complètement malsains de destruction de tout ce qui les entoure«

Voici la vidéo, tirée de cette interview.  Même si vous ne comprenez pas le russe, portez attention à sa gestuelle, elle est éloquante :

Aucun mot dans les médias occidentaux. Le Gouverneur de Bouriatie, Alexeï Tsydenov, n’a pas laissé passer :

«Un ancien ambassadeur d’Israël en Russie. Une personne, qui devrait bien connaître notre pays multinational et nos peuples, a parlé des Bouriates. D’après ses paroles, il ressort clairement que ses connaissances sont médiocres et que son éducation et ses valeurs humaines sont encore pires. C’est une période difficile pour Israël et dans la bande de Gaza : des gens meurent. Mais les propos de l’ancien ambassadeur sentent clairement le nazisme et le racisme. Il est peu probable qu’une telle attitude contribue à résoudre la situation actuelle. De qui sinon des Juifs — des gens qui ont eux-mêmes souffert plus que d’autres du racisme et du nazisme — il est pour le moins étrange d’entendre cela. Nous ne jugerons pas le peuple juif tout entier sur la base d’un seul malade. Israël semble posséder l’un des meilleurs système médical au monde. Je suggère qu’ils acceptent ce patient pour un traitement obligatoire.»

L’on voit ici un dérapage linguistique, qui est significatif d’une chute morale. La rhétorique nazie des sous-hommes est devenue une norme linguistique et politique. Tout est permis. La fuite en avant est terrible. Et le dernier scandal à l’ONU en est une illustration inquiétante.

Le Secrétaire général de l’ONU a simplement rappelé certaines vérités : les Palestiniens ont attaqué, car cela fait des années qu’ils sont agressés par Israël ; le droit à la défense ne justifie pas les atrocités et les crimes de guerre commis actuellement par l’armée israélienne contre les habitants de Gaza ; personne n’est au-dessus du droit international.

La réaction d’Israël ne s’est pas faite attendre ; ces propos sont inacceptables et déconnectés de la réalité, le Secrétaire général de l’ONU doit démissionner. Rien de moins.

De quelle réalité, s’agit-il ? De la réalité construite patiemment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. De l’acceptation des violations systématiques du droit international par Israël dans ses guerres de conquête, puis d’occupation des territoires. De la réalité d’un Etat, qui est au-dessus du droit international, parce que ses aïeux ont souffert d’un génocide. L’impunité totale ne produit qu’une amoralité. Et nous le voyons aujourd’hui. Nous avons fait grandir un monstre, qui ne comprend pas qu’il doit respecter le droit international, qu’en-dehors des Juifs il y a aussi des Humains et qu’ils ont le droit à la vie — parce que, justement, ils sont humains. L’enfant-roi refuse de devenir adulte, il ne peut être qu’un tyran domestique. Mais avec une armée puissante, il est capable de faire beaucoup de dégâts. Et l’histoire ne l’en absoudra pas. Avoir été victime d’un génocide ne donne pas le droit d’en commettre un.

Par Karine Bechet-Golovko