La présidence par la Russie du Conseil de sécurité : de la dérive finale du système issu de la Seconde Guerre mondiale

La présidence de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU s’achève, mais l’hystérie politico-médiatique qui l’a accompagnée souligne à quel point ces organes internationaux sont devenus des organes de gouvernance globale. Ils ne peuvent normalement fonctionner qu’en période de relations internationales pacifiées, c’est-à-dire d’acceptation d’une domination ou d’une répartition du pouvoir. Comme ce système est justement contesté, leur fonctionnement — et leur légitimité — sont objectivement remis en cause.

Chaque mois, la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU passe à un autre des 15 pays, qui le compose (dont 5 pays membres permanents ayant le droit de veto, que sont la Russie, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Chine). Conformément aux statuts, la Russie a pris la présidence en avril.

Et les médias se sont emballés, comme cet article du Monde, qui est loin d’être le seul, l’illustre parfaitement en commençant ainsi, dans toute l’objectivité analytique de l’AFP :

«Reconnue coupable d’avoir violé la Charte de l’ONU en envahissant l’Ukraine, la Russie a officiellement pris les rênes du Conseil de sécurité, lundi 3 avril. La voir assurer cette présidence tournante, qui revient à chaque membre du Conseil tous les quinze mois, conformément aux règles du droit international, est une absurdité de trop pour certains, au moment où les appels à une refonte des institutions multilatérales sont fréquents – du fait, notamment, du travail de sape des institutions onusiennes par Moscou.»

L’histoire n’a commencé qu’en février dernier pour le monde global et ses organes de propagande. Ceci n’est pas nouveau. Ce qui est une tendance intéressante est la volonté d’aligner les institutions internationales sur cette ligne. Et elles s’alignent, dans les déclarations. L’ONU a été mise au pied du mur : violer ses propres règles de fonctionnement pour satisfaire les besoins politiques stratégiques du monde atlantiste et priver la Russie de la présidence tournante du Conseil de sécurité de l’ONU ou bien suivre les règles, qui garantissent l’existence même de cette institution et attribuer comme de droit la présidence à la Russie.

L’ONU a sursis au suicide collectif et la Russie a exercé en avril la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU. Malgré quelques tentatives de sabotages, finalement tout a été calme. C’est d’ailleurs ce qui rappelle Nebenzia, le représentant de la Russie à l’ONU :

» Comme l’a souligné Nebenzia, la présidence s’est déroulée normalement — tous les événements prévus ont eu lieu.

«L’essentiel est que la présidence se soit passée sans excès, malgré les tentatives ridicules de certains pays de nous accuser de pouvoir abuser de la présidence et qu’il faut que notre présidence soit transférée à quelqu’un d’autre, car, disent-ils, la Russie n’est pas digne de diriger le Conseil de sécurité «, — a-t-il dit.

De tels appels, a noté le diplomate, «contredisent toutes les règles imaginables et impensables».

Ces appels marquent surtout la fin du système des institutions internationales, tel qu’issu de la Seconde Guerre mondiale, car il repose formellement sur une répartition des forces géopolitiques qui a disparu. Tout d’abord avec la chute de l’URSS, le monde est devenu global. Faute d’adversaire idéologique, ce système s’est tout naturellement transformé en système d’organes de gouvernance atlantiste, en organes du monde global. Dans la mesure où il n’y avait pas de conflit de pouvoir, la domination étant acceptée, il a pu continuer à fonctionner.

Aujourd’hui, une nouvelle phase géopolitique est en place : ce système global atlantico-centré est contesté, donc ces plateformes, qui assuraient la gouvernance globalisée, deviennent elles-même contestées. L’engagement idéologique de ces institutions apparaît alors au grand jour, même s’il a toujours existé.

Une nouvelle institutionnalisation des relations internationales découlera de conflit, il dépendra de la fixation du rapport des forces politiques entre les acteurs. Si cela concerne quelques grands acteurs, l’on peut s’inquiéter de l’absence totale des pays européens dans ce jeu : auront-ils seulement une place alors, qui ne soit pas dans les dépendances ?

Karine Bechet-Golovko