L’Axe atlantiste diversifie sa stratégie en Ukraine : de l’implication de l’UE et de l’OTAN directement contre la Russie

Tous les médias occidentaux le reconnaissent, l’offensive atlantico-ukrainienne s’essouffle et pour atteindre les résultats envisagés, à savoir un refoulement significatif de la Russie, il faut injecter sur le front ukrainien des forces humaines et des armes, que ces pays soit n’ont pas, soit ne sont pas prêts à introduire ici. Face à cet enlisement, l’Axe atlantiste teste une autre option de combat, celle de mettre l’Ukraine, sans trop en préciser les frontières, sous protection de l’OTAN et de l’UE, en l’intégrant. Non pas comme «plan de paix», mais pour libérer des forces aux frontières de la Russie. Ce qui la conduirait à devoir formellement répondre contre ces organes. Pourtant, ce scénario non plus n’est pas sans faille. Analyse.

Au-delà de l’incantation pieusement répétée dans certains milieux d’un épuisement total en armes et en hommes de l’armée atlantico-ukrainienne, ce qui soulèverait (si ces gens réfléchissaient un peu) la question évidente de la très faible et difficile avancée de l’armée russe, il existe un véritable problème pour l’Axe atlantiste sur le front ukrainien.

Les élites, et américaines et européennes, n’ont absolument pas l’intention d’abandonner l’Ukraine. Même si elles le voulaient, de toute manière, elles ne le peuvent pas. Et les déclarations politiques venues de part et d’autres le confirme bien. Mais il existe des limites objectives aux possibilités d’armement et de formation de cette armée globaliste et elles envisagent une diversification du mode de combat contre la Russie. 

Une publication dans France Info, l’organe du Parti, l’exprime parfaitement :

«La contre-offensive de l’Ukraine semble piétiner, avec une ligne de front qui est figée et l’armée russe qui augmente le nombre de ses assauts.»

L’aide à l’Ukraine passe donc, non seulement par cette aide militaire directe, mais aussi par la relance de la production d’armement en Europe, qui a été systématiquement décimée depuis plusieurs dizaines d’années. Je cite :

«L’Union européenne ne va pas aussi vite qu’elle l’avait espéré, en particulier sur la fourniture de munitions. Il y a déjà deux plans d’un milliard d’euros chacun : le premier pour rembourser la moitié des munitions fournies à l’Ukraine ; le deuxième pour financer des achats communs de munitions. En outre, depuis mai, la Commission européenne est chargée d’un plan pour relancer la production mais aussi, à plus long terme, les capacités de l’industrie européenne d’armement.»

Et l’UE reconnaît qu’elle ne peut pas fournir sur le front ukrainien, ce qui est nécessaire :

«Mais l’objectif de fournir un million de munitions pour l’artillerie ukrainienne d’ici mars ne sera pas atteint. Les Européens ont fourni jusqu’ici 300 000 obus alors que l’Ukraine en a besoin d’un million par an, ce qui est d’ailleurs aussi l’objectif de production des Européens.»

Pour autant, il n’est pas question de «laisser tomber l’Ukraine», comme le déclare l’Allemagne :

«En Allemagne, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé le doublement de l’aide versée à l’Ukraine. L’enveloppe ne sera donc pas de quatre milliards d’euros comme prévu initialement, mais de huit milliards. (…) L’Allemagne réaffirme qu’elle reste aux côtés de l’Ukraine. La ministre des Affaires étrangères a envoyé un message, indirectement à Vladimir Poutine, en lui conseillant de ne pas se réjouir trop tôt d’un hypothétique ralentissement de l’aide occidentale versée à Kiev. «Nous allons continuer à augmenter et développer notre soutien à l’Ukraine» a déclaré la ministre.»

L’apparition du Deus ex Machina assez naïvement attendu n’est donc pas pour demain, le front ne tombera pas de lui-même par disparition magique de l’armée atlantico-ukrainienne, suite à l’arrêt d’approvisionnement du front. Ce qui n’empêche pas les pays de l’Axe de réfléchir à une diversification de leur stratégie.

Pour comprendre cela, il faut bien saisir que l’Ukraine n’est plus un pays, elle est un front.

Parallèlement, deux déclarations importantes ont donc eu lieu. La première concernant une possible entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, faite par Rasmussen. La seconde consiste en la recommandation par la Commission européenne de lancer officiellement la procédure d’intégration de la Moldavie et de l’Ukraine, au niveau du Conseil européen.

Rasmussen, l’ancien Secrétaire général de l’OTAN en charge de la tutelle de l’Ukraine, a très intelligemment formulé sa proposition — afin de toucher la Russie. Il a délicatement ôté la question territoriale et proposé d’intégrer l’Ukraine, telle que de facto contrôlée par l’Axe. A priori, la Russie aurait ainsi pu penser, qu’il s’agit de la reconnaissance de la perte de territoire, qu’il s’agit presque d’un plan de paix. En réalité, il s’agit d’un nouveau plan de guerre. Je cite Rasmussen :

«La crédibilité absolue des garanties de l’article 5 dissuaderait la Russie de multiplier les attaques à l’intérieur du territoire ukrainien au sein de l’Otan et libérerait ainsi les forces ukrainiennes pour qu’elles puissent se rendre sur la ligne de front«

Il ne s’agit pas de mettre fin au conflit contre la Russie, mais de libérer des forces actives grâce à l’effet de dissuasion de l’art. 5, afin de renforcer militairement, justement, le combat contre la Russie à sa frontière.

De son côté, la Russie a déclaré qu’elle n’accepterait aucune formule, conduisant à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN.

Parallèlement à la proposition de Rasmussen, Ursula von der Leyen a annoncé l’accord de la Commission pour lancer au niveau du Conseil européen les pourparlers en vue d’intégrer rapidement l’Ukraine et la Moldavie. 

Certains pays ne voient pas cela d’un bon oeil. Orban estime qu’il ne faut pas entamer les négociations avec l’Ukraine. Or, cette décision ne peut être prise qu’à l’unanimité des 27. D’une manière générale, cette déclaration ne provoque pas toujours une joie sans fin. La critique étant interdite, les acteurs politiques s’expriment «entre les lignes», comme ici le président du premier syndicat agricole français la FNSEA, Arnaud Rousseau :

«Dans le contexte de guerre, il est très difficile de se prononcer sur ce sujet car on vous accuse tout de suite de ne pas soutenir l’Ukraine. Mais du seul point de vue agricole, une entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne serait une catastrophe pour l’agriculture européenne»

A l’inverse, l’Allemagne toujours à la pointe du combat atlantiste, annonce ici aussi son soutien sans faille, pour lancer l’Europe dans une nouvelle phase.

L’élargissement vers l’Est est néanmoins considéré par plusieurs pays comme un élément fondamental de la sécurité en Europe face aux appétits russes. « Une Union européenne plus forte, plus grande et unie est la réponse géopolitique à la guerre d’agression de la Russie », a déclaré la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock.

L’obstacle principal à l’adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE est celui de l’existence du conflit armé. Même si les procédures peuvent être accélérées, toute proportion gardée, tant que le conflit est actif, intégrer l’Ukraine va être extrêmement difficile — politiquement, car cela implique une intégration du conflit militaire actif contre la Russie dans la zone de l’UE. Ce qui signifie donc à terme une implication militaire directe des pays européens dans ce conflit globaliste.

Il est fortement possible que cette ligne soit celle tenue par l’Axe atlantiste. Les Etats-Unis sont loin, ils pourront continuer à affaiblir l’Europe, déjà totalement anéantie par l’UE, et la maintenir sous contrôle, en vendant leur gaz à la place du gaz russe, en fragilisant l’économie et donc les sociétés, mais aussi en vendant leurs armes. Pourtant, il serait trop réducteur de tout appréhender par le prisme d’un commerçant : le but n’est pas de faire durer le conflit pour faire du bénéfice, mais de faire tomber la Russie pour gouverner. Et il est fort possible que les structures de gouvernance de la globalisation, telles que l’UE ou l’OTAN soient mises directement à contribution pour faire passer le conflit à un stade supérieur. Ou pour forcer la Russie à négocier, puisqu’elle aussi va devoir injecter sur le front ukrainien plus de ressources, si elle veut remporter une victoire, qui ne soit pas à un leurre permettant à l’armée atlantico-ukrainienne de reprendre des forces pour mieux attaquer. Comme ce fut déjà le cas deux fois, avec les Accords de Minsk, qui ont donner le temps à l’OTAN de renforcer l’armée, puis lors des Accords d’Istambul dès les premiers jours de l’Opération militaire, qui ont conduit au recul sans condition de l’armée russe et à l’abandon des populations aux mesures de rétorsion, dont elles furent la cible par l’armée atlantico-ukrainienne.