L’Azerbaïdjan agresse le Haut-Karabakh : trahison finale de Pachinian

Hier, l’Azerbaïdjan a décidé d’attaquer le Haut-Karabakh. Malgré les déclarations occidentales condamnant cette agression, chacun sait parfaitement que personne n’interviendra, le scénario est déjà ficelé et Pachinian joue le dernier acte. Désormais, l’Arménie tente d’en faire porter la responsabilité à la Russie et les médias commencent à s’engager dans cette ligne. Mais juste une question : pourquoi la Russie, devrait-elle défendre Pachinian ? Et contre qui, contre ses mentors atlantistes ? Doit-elle alors intégrer une région, avec laquelle elle n’a aucune frontière ? Non, évidemment. Les Arméniens ont élu Pachinian, à eux aussi de réagir. Et à Pachinian de prendre ses responsabilités : soit il est avec les Arméniens, soit il est avec les Atlantistes.

Les négociations de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan durent depuis 2020, principalement sous l’égide de la Russie, qui a mandat pour la présence de ses forces de paix dans le Haut-Karabakh, région majoritairement peuplée d’Arméniens et réclamée par l’Azerbaïdjan. Mais les Etats-Unis ont fortement travaillé dans la région, notamment par l’intermédiaire des structures européennes, à quoi s’ajoute leur allié de poids dans la place, en la personne du Premier ministre arménien Pachinian. Ainsi, en mai, ils reprennent la main dans le jeu diplomatique et conduisent Pachinian à abandonner à l’Azerbaïdjan cette région (voir notre texte ici).

Depuis lors, à plusieurs reprises, Pachinian s’est prononcé en faveur de la conclusion de cet accord de paix, appelons les choses par leur nom — de cette capitulation de l’Arménie. Ceci avait provoqué de fortes réactions dans la région du Haut-Karabakh, dont les habitants ont peur pour leur survie physique s’il passe sous régime azéri. Le Premier ministre arménien, sans remettre en cause le principe de l’abandon de la région et reconnaissant le risque de génocide, a avancé la proposition d’un mécanisme de garantie internationale de la sécurité des habitants, sous contrôle de l’Azerbaïdjan. Je cite :

«Pachinian a de nouveau souligné la nécessité de « créer des mécanismes internationaux » pour de tels pourparlers entre le gouvernement azerbaïdjanais et les dirigeants du Karabakh. Erevan, a-t-il expliqué, recherche spécifiquement des garanties internationales contre le « nettoyage ethnique » dans la région à population arménienne qui, selon lui, est planifié par Bakou.»

Le risque de génocide des Arméniens du Haut-Karabakh ne l’empêche pas pour autant de reconnaître la capitulation.  Ce mécanisme international est justement refusé par l’Azerbaïdjan, qui ne veut pas d’une troisième force sur son territoire. Alors que l’armée azérie se renforçait aux frontières, Pachinian déclarait, il y a encore quelques jours de cela, qu’il était persuadé que la capitulation, pardon l’accord de paix, serait signé d’ici la fin de l’année.

Tandis que la situation se dégradait, Pachinian n’a eu de cesse de critiquer la Russie pour sa non-intervention, son absence de réaction et ainsi tenter de lui faire porter la responsabilité de ses propres décisions politiques. Etait-ce à la Russie de prendre les armes pour défendre les Arméniens du Karabakh et ainsi défendre Pachinian, alors qu’il veut abandonner la région et qu’il a reconnu la souveraineté de l’Azerbaïdjan ? Etranges considérations …

Hier, l’Azerbaïdjan a lancé une «opération anti-terroriste» contre le Haut-Karabakh, autrement dit la guerre est réouverte. Immédiatement, Pachinian a déclaré qu’il n’y avait pas troupes arméniennes dans la zone et qu’il n’allait pas se battre. Il appelait à négocier. Macron aussi appelle à négocier et condamne — et évidemment tout s’arrête avec des paroles. 

La position azérie est claire : ils iront jusqu’au bout. L’Administration présidentielle de la République l’a déclaré :

«L’Administration présidentielle de la République d’Azerbaïdjan est prête à une rencontre à Yevlakh avec les représentants des résidents arméniens vivant dans la région du Karabakh de notre pays. Néanmoins, pour que les mesures antiterroristes cessent, les formations militaires arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, toutes les armes doivent être remises et le régime illégal doit être dissous.

Dans le cas contraire, les mesures antiterroristes seront poursuivies jusqu’au bout.»

Il s’agit bien d’une exigence de capitulation : désarmement des forces armées et dissolution des organes étatiques. Bien que l’Azerbaïdjan n’affirme tirer que sur des cibles militaires, l’on compte déjà plus de 27 morts, dont deux civils, et plus de 200 blessés. Ce matin, les tirs continuent et le nombre de civils touchés augmente.

Cette décision soudaine de l’Azerbaïdjan pourrait sembler surprenante : pourquoi prendre par la force, ce que pourtant Pachinian était prêt à céder par la diplomatie ? Il n’y a rien d’étonnant à cela, le but est politique — il faut un responsable, il doit y avoir du sang et la Russie est déjà ciblée. Non seulement par Pachinian lui-même, qui tente ainsi, et de se déresponsabiliser aux yeux de la population arménienne mécontente et inquiète, et de remplir la mission, qui lui est octroyée, à savoir de rompre le lien historique très fort liant la Russie et l’Arménie. Avec en perspective, pourquoi pas, un processus d’entrée de l’Arménie dans l’OTAN, ce qui permettrait de continuer à provoquer la Russie et d’élargir le front. 

Des manifestations sont déjà organisées devant l’ambassade de Russie. De son côté, le Figaro commence déjà le travail de sape pour le public français, à qui l’on veut faire avaler une couleuvre de plus.

Le ministère russe des Affaires étrangères  a mis les points sur les i  : à partir du moment où l’Arménie a reconnu le Haut-Karabakh comme territoire appartenant à l’Azerbaïdjan, la position du contingent russe des forces de paix a changé ; pour revenir à une solution diplomatique, il faut revenir au processus mis en place entre 2020 et 2022, hors de l’influence américano-européenne.

«Le sort du règlement du Haut-Karabakh a été radicalement influencé par la reconnaissance officielle du Haut-Karabakh par Erevan, en octobre 2022 et en mai 2023 lors des sommets sous les auspices de l’Union européenne, comme faisant partie du territoire de l’Azerbaïdjan. Cela a modifié les conditions fondamentales dans lesquelles la Déclaration des dirigeants de la Russie, de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie du 9 novembre 2020 a été signée, ainsi que la position du contingent russe de maintien de la paix (CRP). (…) L’essentiel est maintenant de revenir de toute urgence à la mise en œuvre de l’ensemble des accords trilatéraux au plus haut niveau de 2020-2022, qui définissent toutes les étapes d’une solution pacifique au problème du Karabakh, de mettre fin à la confrontation armée et de faire tout son possible pour garantir les droits et la sécurité de la population du Haut-Karabakh.»

Si le contingent russe des forces de paix continue à apporter une aide humanitaire à la population, c’est notamment à Pachinian de faire son choix politique et de l’assumer : soit il est avec les Atlantistes et abandonne le Karabakh et les Arméniens de la région, afin de jouer la carte anti-russe ; soit il est avec les Arméniens et il revient aux accords antérieurs à mai 2022, qui contiennent une carte de route diplomatique. En attendant, l’Azerbaïdjan, qui est l’avant-poste de la Turquie dans la région, voit ses appétits grandir rapidement. 

PS : Bizarrement, les manoeuvres militaires communes avec les Etats-Unis se déroulent actuellement en Arménie. N’ayons aucun doute que cela n’est pas un hasard du calendrier — la sécurité de Pachinian doit être assurée.

Par Karine Bechet-Golovko