Le Serpent de mer de l’impossible réforme de l’ONU
La question de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU revient souvent à l’ordre du jour ces derniers temps. En effet, sans l’annoncer ouvertement, car ce serait un suicide politique, l’enjeu fondamental de ce discours est d’acter la fin de l’existence des Etats sur la scène internationale, puisque les conflits pourraient alors être réglés par un organe supérieur à ces Etats. Mais pour cela, il faut soit expulser la Russie de ce mécanisme, soit lui faire perdre son droit de veto. L’UE et l’Ukraine y travaillent, entraînant dans leur chute l’ONU. Finalement, ce ne serait pas une mauvaise chose de redéfinir l’arcane des relations internationales.
De nombreuses déclarations s’accumulent dans le sens d’une réforme de l’ONU, qui ne serait pas suffisamment efficace. Que lui est-il reproché ? De ne pas pouvoir résoudre des conflits ouverts. Et comment le pourrait-elle? Uniquement en niant l’existence politique et juridique des Etats et en ayant un pouvoir supérieur à eux, qui permettrait de leur imposer une solution, à suivre impérativement. Cela s’appelle le gouvernement mondial. Et je ne suis pas certaine, qu’il sera plus pacifique que celui-ci, contrairement au comming out globaliste de Mélenchon sur le sujet.
En effet, dans tous les cas, il s’agit d’un enjeu de pouvoir : le pouvoir global se bat et se battra contre les pouvoirs nationaux, comme les pouvoirs nationaux se battent entre eux. Dès qu’un centre de pouvoir met fin à son combat, il cesse d’exister — comme pouvoir.
Si l’on tient compte du contexte actuel, il est reproché à la Russie de ne pas céder face au pouvoir atlantiste, qui a investi les organes internationaux, devenus des organes de gouvernance globale, comme l’illustre le Conseil de sécurité de l’ONU. En utilisant son droit de veto, qu’elle détient légalement et légitimement en qualité de successeur juridique sur la scène internationale de l’URSS, la Russie entend défendre ses intérêts nationaux, contre les intérêts globalistes, lorsqu’elle estime qu’ils divergent. Donc, pour les tenants du monde global, l’exercice de son droit de veto par la Russie ne permet pas de résoudre les conflits dans un sens favorable au monde global. Ces divergences devenant irréductibles, le fonctionnement des institutions internationales est objectivement dans une impasse.
Pour sortir de cette impasse, il est donc proposé de «gommer» la Russie, puisque ce nouveau monde global ne peut pas objectivement et ouvertement mettre en place des institutions prévoyant la gouvernance globale atlantiste contre l’intérêt des Etats, sans provoquer beaucoup de remous.
Ainsi faut-il comprendre les déclarations de Charles Michel, le président du Conseil européen, qui demande de réfléchir à un mécanisme, aujourd’hui inexistant, pouvant «gommer» la Russie, tout en préservant les apparences :
« À mon avis, il faudrait mettre en place un mécanisme de suspension de l’adhésion. Je ne parle pas d’expulser définitivement la Russie, mais au moins de suspendre l’adhésion russe au Conseil de sécurité. Ce n’est pas possible pour le moment, cela conduirait à une impasse le concept de sécurité des Nations unies »
Ce qui est également formulé, certes de manière plus primitive, par le ministre ukrainien des Affaires étrangères :
«L’Ukraine appelle les États membres de l’ONU […] à priver la Fédération de Russie de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et à l’exclure de l’ONU dans son ensemble », a indiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, dans un communiqué.»
Karine Bechet-Golovko