Le Traité de Kiev sur la sécurité ou la constitution sous l’égide de l’OTAN et de l’UE d’une alliance militaire contre la Russie
mercredi 14 septembre 2022
Le site de la présidence ukrainienne a publié hier le texte du Traité de Kiev sur la sécurité, dont les travaux ont été conduits très discrètement par Anders Rasmussen, ancien Secrétaire général de l’OTAN avec la contribution d’anciens Premiers ministres, de anciens ministres, de hautes responsables et d’universitaires occidentaux, prévoyant la mise en place d’un mécanisme obligatoire d’implication militaire des pays de l’OTAN et amis dans le conflit ukrainien. Le but affiché est non seulement de permettre de transformer toute l’Ukraine en plateforme de combat contre la Russie, mais surtout d’arriver à l’anéantissement de la Russie elle-même, dernier obstacle véritable à l’avènement de ce pouvoir. Les pays européens, vont-ils in fine se laisser entraîner dans cette guerre globale par leur faiblesse et le fanatisme de leurs élites dirigeantes ?
Le texte de ce Traité de Kiev (disponible ici en anglais) prévoit différentes dispositions, qui devraient faire sérieusement réfléchir les populations en Occident. Car finalement, l’OTAN va faire reposer le prix de sa guerre sur les épaules de l’Europe, qui est déjà la plus exposée au coût des sanctions et de l’aide militaire apportée à l’Ukraine.
Les pays garants de la sécurité de l’Ukraine sont la zone atlantiste, la fidélité idéologique étant le critère:
«Les garanties de sécurité doivent être codifiées dans un document de partenariat stratégique conjoint appelé le Pacte de sécurité de Kiev, cosigné par un groupe central de partenaires qui agiraient en tant que garants de l’autodéfense de l’Ukraine. Cela pourrait inclure, mais sans s’y limiter, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Pologne, l’Italie, l’Allemagne, la France, l’Australie, la Turquie et les pays nordiques, baltes et d’Europe centrale. Outre le document de partenariat stratégique, l’Ukraine et certains États garants peuvent signer des accords bilatéraux portant sur des questions spécifiques liées aux garanties de sécurité entre l’Ukraine et les États garants. En plus des principaux garants, divers niveaux de pays pourraient se joindre à des questions supplémentaires ou spécifiques liées aux garanties de sécurité.»
Autrement dit, il s’agit d’une coalition à différents degrés d’implication, comprenant un groupe stable de pays totalement impliqués. Le but général de cette coalition est ainsi formulé — la défense de l’Ukraine, qui devient donc le nouvel intérêt global de ces pays, l’intérêt national étant dépassé dans le monde global :
«Le format Rammstein (également connu sous le nom de Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine), composé d’environ 50 pays, pourrait constituer la base de ce groupe plus large, qui pourrait se formaliser en une coalition de volontaires. Des dispositions devraient être appliquées pour que l’Ukraine puisse à la fois dissuader et – si nécessaire – se défendre contre une autre attaque armée ou des actes d’agression. Pour cela, Kyiv aura besoin de grandes forces de défense, de capacités robustes et d’une industrie de la défense forte et réformée. Cela doit être étayé par des investissements soutenus dans sa base industrielle de défense, des transferts d’armes importants et un soutien en matière de renseignement de la part des alliés, ainsi que des forces bien entraînées et exercées.»
En lisant entre les lignes, il ne s’agit pas formellement de défense, mais l’attaque est également prévue. Et pour que l’Ukraine, ruinée, soit à même de devenir le champ de bataille de cette guerre globale, un effort de guerre est demandé aux pays cités, dont la France fait partie, afin de remonter les capacités économiques et industrielles du pays, autant que militaires. La France en a-t-elle les moyens aujourd’hui, sans elle-même tomber en ruine, nous pouvons en douter. Ce dont nous pouvons, en revanche, être certains, c’est du fanatisme de nos dirigeants et du peu d’attention qu’ils portent justement à l’intérêt de notre pays.
Il y a donc deux domaines. L’un très concret — militaire, l’autre économique.
L’Ukraine, selon ce document établi par Rasmussen, doit faire partie des exercices de l’OTAN et de l’UE, bénéficier de formation de son armée, de transfert gratuit de technologie, de la reconstruction de son industrie militaire, bénéficier de livraisons d’armes, etc. Rappelons, que ce pays est en faillite, elle ne pourra donc pas payer. Et en cas d’attaque, or l’Ukraine est en état de guerre contre la Russie et est déjà considérée par les pays de l’OTAN comme agressée, les pays garants doivent réagir — un peu sur le modèle de l’art. 5 du traité de l’OTAN, dont l’Ukraine ne bénéficie pas :
«Le processus décisionnel devrait reposer sur le principe de consultations collectives suivies de contributions individuelles. À la demande de l’Ukraine, les garants se réunissent pour des consultations collectives dans un délai très court (par exemple 24 heures) et décident d’amplifier les garanties sur la base d’une coalition de volontaires (par exemple 72 heures).»
Donc, les «garants» ont 72h pour passer du statut de garant à celui de partie belligérante, dès la signature de ces accords, puisqu’ils reconnaissent déjà «l’agression russe». Autrement dit, aucune consultation nationale n’aura lieu et les populations européennes, notamment, se retrouveront en guerre, sans qu’elles n’aient leur mot à dire. Le texte précise par ailleurs, que cela n’est pas une alternative à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Une prémisse peut-être … Car si ce texte est adopté, la dernière barrière psychologique sera brisée et il ne restera qu’un pas à faire, symbolique, qui sera fait.
Le volet économique est également intéressant, car les pays «garants-belligérants» perdent le pouvoir de décision en ce qui concerne les sanctions adoptées contre la Russie. Or, nous voyons aujourd’hui à quel point les pays sont divisés, autant en ce qui concerne le gaz, que les visas. Sous couvert de l’Ukraine, c’est l’OTAN, qui va alors pouvoir déterminer des politiques étrangères des pays signataires. Et cela va très loin :
«Nonobstant le mécanisme de sanctions décrit ci-dessous, les garants doivent s’abstenir de lever les sanctions contre la Russie convenues depuis 2014, jusqu’à ce que Moscou : a) cesse son agression contre l’Ukraine ; b) garantit qu’il n’attaquera pas l’Ukraine à l’avenir ; c) indemnise l’Ukraine pour les dommages causés lors de l’invasion. Toute décision de levée ou de suspension temporaire des sanctions, dans le cadre d’un accord de paix négocié, doit être prise en étroite coordination avec l’Ukraine. L’accord de garantie de sécurité devrait contenir une disposition selon laquelle les sanctions seront réimposées (dispositions de relance) en cas de nouvelles attaques ou agressions. Les sanctions doivent être maintenues jusqu’à ce que la Russie ne soit plus une menace pour la souveraineté ukrainienne.
L’ensemble de sanctions doit être initié et mis en œuvre par les garants de la sécurité de l’Ukraine, en étroite coordination avec d’autres organismes internationaux tels que le G7 et l’UE. D’autres pays partageant les mêmes idées et soutenant les sanctions (par exemple, la Suisse, la Norvège, Singapour, la Corée du Sud, l’Australie et d’autres) devraient également être invités à se joindre.»
Et pour aider financièrement, il est proposé de saisir les biens et les fonds russes, afin de contribuer à la reconstruction de l’Ukraine. Et ainsi d’achever ce qu’il reste de l’Etat de droit.
Le but de ce texte est très clairement exprimé par Rasmussen.
«Lorsque cette guerre sera terminée, nous devons veiller à ce que la Russie ne puisse plus jamais envahir l’Ukraine. La meilleure façon d’y parvenir est que l’Ukraine dispose d’une force militaire importante capable de résister à toute future attaque russe », a-t-il (Rasmussen) souligné. Comme l’a noté Anders Fogh Rasmussen, la constitution et le maintien d’une telle force exigera des décennies d’engagement de la part des alliés de l’Ukraine. «
C’est bien la mise à mort politique et économique des pays membres de cette coalition belligérante, constituée directement par l’OTAN au nom de l’Ukraine. Et la porte-parole russe du Ministère des Affaires étrangères l’a souligné en ces termes :
«»Mettre les pays occidentaux dans une dépendance totale, les obliger à continuer une telle assistance au régime de Kiev, c’est les incinérer. Imaginez, il est proposé de faire cela aux États, qui réfléchissent maintenant à la façon dont ils peuvent survivre à l’hiver. (…) Et maintenant, les pays développés ont instantanément chuté au niveau des pays sous-développés, qui ne savent pas se chauffer», a déclaré Zakharova. Elle a ajouté que les pays se trouvant déjà dans cette situation «se voient également offrir une servitude si terrible, qu’il faille le signer de tout leur sang, ce qui ce sera une horreur sans fin».
Mais pour l’OTAN, la fin en vaut les moyens (surtout lorsque ce sont les autres qui paient), puisqu’il s’agit de l’anéantissement de la Russie comme puissance. Or, la Russie ne peut exister que comme puissance, sinon elle disparaît, comme l’avait à juste titre rappelé Vladimir Poutine il y a encore quelques années. Yermak, le chef du Bureau du Président ukrainien de déclarer :
«Nous devons faire en sorte que le slogan «Nous pouvons le refaire» provoque des crises de panique et de mauvais souvenirs chez les Russes, qu’ils ne répondent que «Plus jamais ça !». Pour cela, nous avons besoin d’une puissance militaire suffisamment forte pour décourager la volonté des Russes de désirer se venger. Et capable de causer des dommages irréparables à l’agresseur, si ce désir s’avère irrésistible. Les garanties de sécurité visent à nous aider à créer un tel pouvoir », a déclaré Andriy Yermak.
Deux remarques finales :
Tout d’abord, à la différence des deux guerres mondiales précédentes, il s’agit ici d’une guerre globale et non, à ce jour, mondiale. Les guerres mondiales étaient des guerres d’Etats pour recouvrer ou agrandir leur souvenraineté et leur puissance. Cette guerre globale est une guerre dirigée par des instances de gouvernance globale contre la souveraineté et la puissance étatique, avec l’aide de structures formellement étatiques parfaitement contrôlées. Ce n’est donc pas une guerre d’Etats, mais une guerre contre l’Etat, puisqu’elle dévore autant les structures étatiques qu’elle instrumentalise.
Ensuite, à la différence des deux dernières guerres mondiales, cette fois-ci, il y a une tentative de limiter le champ de bataille principal à l’Ukraine principalement, et dans la mesure du possible de l’étendre à la Russie. Il existe bien des sursauts dans le Haut-Karabakh ou à Taïwan, mais la logique est (encore) quelque peu différente, même si affairante. Le manque objectif d’alliés militaires de la Russie est ici utilisé par l’OTAN, pour impliquer les pays membres à travers une sorte de Traité de Kiev, doutant de la capacité militaire de la Russie de mener un combat sur un front aussi large et surtout de sa volonté politique. Et l’on en revient toujours au fait, que les armes inédites et superpuissantes ne sont dissuasives, que si l’adversaire est persuadé que vous pouvez les utiliser.