Plafonnement des prix du gaz russe : les pays européens rechignent à se suicider

Sur injonction américaine, l’UE continue à vouloir imposer aux pays européens un plafond au prix du gaz et du pétrole russes. Manifestement, le jeu du marché, si cher aux pays soi-disant libéraux dont nous faisons partie, n’est pas si sacré que cela dans le monde atlantiste, surtout lorsqu’il s’agit d’affaiblir les Etats européens, déjà totalement soumis politiquement, et de les rendre encore plus dépendants des décisions atlantistes. La Russie a encore répété ne pas vendre du gaz aux pays pratiquant le plafonnement. Mais les pays européens ont du mal à faire le dernier pas et à sacrifier ce qui reste de leur économie nationale au dieu Atlan. Pourtant, tous les cultes exigent des sacrifices réguliers, ne serait-ce que pour calmer la colère des dieux.

Le Trésor américain l’a déclaré, et s’il le déclare, c’est qu’il faut l’exécuter : 

«La coalition des États souhaitant imposer un plafonnement du prix du pétrole russe, qui regroupe le G7, l’Union européenne et l’Australie, devrait annoncer la limite envisagée «dans les prochains jours», selon un responsable du Trésor, le ministère américain des Finances. «Dans les prochains jours, notre coalition annoncera le niveau de prix pour le pétrole et le gaz» produits par la Russie, «nous travaillons avec nos partenaires afin de finaliser cela», a expliqué ce responsable lors d’un point presse téléphonique.»

Ainsi, les Etats-Unis expriment «la volonté» des Etats de leur coalition, et ils travaillent à constituer cette «volonté», désirant évidemment souverainement imposer un prix à l’importation du gaz et du pétrole russes.  Cette volonté libre des pays européens n’est pas si évidente que cela, surtout lorsque l’on voit l’échec de la réunion, qui s’est tenue jeudi à Bruxelles. L’Allemagne et les Pays-Bas se sont opposés sur le principe d’une intervention sur les marchés, ayant à juste titre peur des conséquences néfastes sur l’approvisionnement, déjà difficile.

«Il y a un grand risque de nuire à la sécurité de l’approvisionnement énergétique et à la stabilité du marché financier. Je suis donc aussi très critique à l’égard de cette proposition, mais pour une autre raison que celle de certains de mes collègues«, explique Rob Jetten, ministre néerlandais en charge du Climat.

D’autres Etats européens ne sont pas d’accord sur le prix lui-même, dont la fourchette a été fixée par le Trésor américain — puisque les Européens sont souverains, certains ont le droit d’être plus royalistes que le roi …

«Le Trésor américain a évoqué une fourchette comprise entre 65 et 70 dollars. Mais, un plafond trop bas dissuadera la Russie de vendre aux pays qui l’appliquent, ce qui n’est pas l’objectif. Le prix fixé doit donc rester supérieur au prix de production pour inciter la Russie à continuer à en vendre. De fait, selon les pays, les hypothèses de travail proposaient des prix allant de 30 à 75 dollars. La Pologne, soutenue par la Lituanie et l’Estonie, proposait 30 dollars le baril, justifié par les coûts de production en Russie, qui tournent autour de 20 dollars le baril.»

La question n’est pas tant celle de la régulation des prix intérieurs, dans ce cas ces pays n’auraient pas adopté de sanctions dans le domaine énergétique contre la Russie, que de vouloir réduire les revenus russes de la vente du gaz.

«Plafonner le prix du pétrole vendu par la Russie doit permettre de réduire ses ressources financières et ainsi sa capacité à poursuivre la guerre en Ukraine, mais également de contenir la hausse des prix de l’énergie.»

La Russie, également pour une question de principe, a déclaré ne pas vendre de gaz aux pays pratiquant le plafonnement des prix, puisque c’est une violation directe des principes libéraux de la liberté du marché. Ainsi, si les pays européens passent le pas, ce sera le second, qui les rendra encore plus fragiles et donc plus dépendants des Etats-Unis. Le premier pas a conduit la Russie à imposer le paiement en roubles et en Russie, ce qui a mis un terme à la pratique coloniale européenne, visant à garder dans l’économie européenne l’essentiel des ressources russes de la vente de son gaz. Dans le même temps, les Etats-Unis vendent le gaz liquéfié à prix d’or et ils auraient tort de s’en priver, puisque les Européens n’ont pas le choix pour compenser leur «indépendance» du gaz russe. 

Mais comme l’a déclaré Ursula Von Leyen, l’UE ira jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à épuisement des pays européens, dans son combat contre la Russie et contre Poutine. Non seulement, les Européens doivent se priver de gaz, mais bientôt aussi de pétrole :

«Nous travaillons dur pour frapper la Russie là où ça fait mal afin d’émousser encore plus sa capacité à faire la guerre à l’Ukraine et je peux annoncer aujourd’hui que nous travaillons à plein régime sur un 9e paquet de sanctions. (…) Et je suis convaincue que nous approuverons très bientôt un plafonnement mondial des prix du pétrole russe avec le G7 et d’autres grands partenaires. Nous n’aurons pas de repos tant que l’Ukraine n’aura pas vaincu Poutine et sa guerre illégale et barbare»

Le fanatisme mêlé à la soumission de ces personnes présentent un danger existentiel pour nos pays. Car ils sont prêts à sacrifier nos économies, nos conditions de vie — voire nos vies si nécessaire. Et la machine intrusive de propagande marche à plein régime pour empêcher les gens de se réveiller. Aucun système totalitaire n’est éternel, celui-ci pas plus qu’un autre. La question étant : que restera-t-il de nos sociétés et nous-même au moment de sa chute ?

Karine Bechet-Golovko