Russie : le front intérieur ou l’envole d’une soixantaine d’avions

Le FSB a organisé le 7 février une perquisition dans les bureaux de Rosaviatsia, l’Agence fédérale en charge de l’aviation civile en Russie, après qu’un contrôle du ministère des Transports ait démontré la vente illégale de près d’une soixantaine d’avions et hélicoptères, dont certains se sont retrouvés sur la ligne de front du côté ukrainien. L’on ne négligera jamais trop le front intérieur dans un conflit de ce type.

Le ministère russe des Transports a jeté un oeil cet été sur l’activité de l’Agence fédérale de l’aviation civile, Rosaviatsia. Et de nombreuses violations ont été relevées concernant l’enregistrement et la radiation d’avions et la tenue des registres : il se trouve que, depuis le début de l’Opération militaire, des employés ont retiré des registres des avions et des hélicoptères, en violation des normes en vigueur.

«En particulier, des employés de Rosaviatsia ont retiré des avions du registre national des aéronefs civils sans un ensemble complet de documents et ont fourni des informations contradictoires et peu fiables sur l’emplacement des avions en dehors de la Russie.»

Et cela a été effectué, sans les documents d’autorisation. Suite à quoi, le dirigeant de Rosaviatsia a été démis de ses fonctions. Même s’il fut confortablement replacé dans une corporation de Nickel. D’où il vient de partir … pour conflit d’intérêts. 

Or, le montant du détournement n’est pas anecdotique :

«À la suite des violations, de mars 2022 à juin 2023 (au cours de cette période, l’Agence fédérale du transport aérien était dirigée par Alexandre Neradko), 59 avions ont quitté illégalement la juridiction russe, a établi le ministère des Transports. Parmi eux, Rosaviatsia a radié 36 avions en raison de ventes à l’étranger. Les acheteurs de 21 avions étaient des résidents d’États extérieurs à l’UEE, dont huit ont été vendus à des pays hostiles.»

Et plus concrètement, certains avions et hélicoptères sont apparus en Ukraine, sur le front contre la Russie.

«Nous parlons d’avions Il-76 et d’hélicoptères Mi-8. Trois hélicoptères ont participé à la défense aérienne du côté ennemi, et les Il-76 ont effectué des vols avec les transpondeurs éteints, a indiqué une autre source proche des forces de l’ordre. La pratique de désactivation des transpondeurs permet de masquer les informations sur les itinéraires le long desquels l’avion transporte du fret : ces vols ne sont pas visibles, par exemple, sur FlightRadar24.» 

Suite à cela, le FSB a perquisitionné le 7 février dans les bureaux de Rosaviatsia et saisi un certain nombre de documents, prouvant l’activité illégale de plusieurs personnes. Ces perquisitions ont principalement visé les bureaux de deux personnes : Kristina Byvalina, la responsable par intérim du Département de l’inspection de la sécurité des vols, et Piotr Kozyriev, le vice-directeur de la section de l’enregistrement public des avions civils, des questions juridiques et des contrats.

L’on notera, qu’une affaire pénale pour négligence a été ouverte contre ces personnes et l’assistante de Kristina Byvalina, qui a été démise de leurs fonctions cet été après qu’une pancarte contre l’Opération militaire ait été trouvée sur sa table de travail. Il n’est pas impossible que l’ancien directeur de Rosaviatsia finisse par être atteint par cette enquête …

Il s’agit de bien plus que de négligence. Ces avions se sont retrouvés sur le front, contre la Russie. En période de guerre, cela s’appelle autrement. Le front intérieur n’est jamais à négliger.

Par Karine Bechet-Golovko