Russie : retrait du pouvoir central et «QR Coming out»

Mercredi 10 novembre 2021

De plus en plus de signaux circulent quant à une sorte de coming out globaliste de la Russie. Sur Telegram, des voix «proches du Gouvernement» annoncent l’installation ad vitam des QR Codes, indépendamment ou non de la vaccination. Le Kremlin renvoie sur le QG de campagne covidienne la décision des QR Codes dans les transports et les transports, justement, s’y préparent. La naïveté, ou l’insolence présomptueuse, d’une irresponsabilité politique suite à des mécanismes communicationnels de transfert risquent de renvoyer le pouvoir aux erreurs de ses prédécesseurs, les mêmes causes entraînant les mêmes effets. Il est toujours très dangereux de nier la dimension politique de la gouvernance.

Le pouvoir a pour corollaire la responsabilité, il n’y a pas moyen d’y échapper, pas moyen de se défausser à long terme et systématiquement sur un autre sujet. Car la question se pose alors de savoir qui gouverne — et gouverne celui qui assume la responsabilité des décisions qu’il prend.

Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, annonce encore une fois, cette fois-ci au sujet des QR Codes dans les transports (ferrovières, aériens, etc.), que le Kremlin n’examine pas cette question. Non pas parce que le Kremlin ne soutient pas l’introduction des QR Codes dans les transports, cela n’est pas dit, mais parce que cela ressort de la compétence, soi-disant exclusive, du QG de campagne pro-covid et/ou des commissions gouvernementales. Bref, le porte-parole du Kremlin botte en touche sur cette question politiquement désastreuse, comme cela a été fait sur celle de la vaccination de facto obligatoire. 

Et de dangereux bruits courent quant à l’installation des mesures covidiennes au-delà du covid. Une «source haut placée proche du Gouvernement» explique gentiment que le covid va passer, il va devenir une grippette comme une autre, la vaccination sera acceptée par tout le monde et les QR Codes et masques pourront rester dans la société «post-covidienne». Les gens en ont pris l’habitude, se sont adaptés, et à la chaque poussée virale demanderont, mais non exigeront, que les restrictions soient à nouveau appliquées. Pour cela, il convient de garder le contrôle sur la circulation des gens et les QR Codes sont un instrument idéal.

Certes, c’est Telegram, donc à prendre avec des pincettes, mais les affirmations sont confirmées par des tendances, elles, bien implantées dans la vie réelle. Je ne parle pas du fantasmagorique consentement de la population, l’ampleur de la résistance montre bien le contraire, même si, il est vrai que le temps joue en faveur des covidistes, l’être humain étant conservateur, il finit par s’adapter à tout — pour survivre.

Les tendances qui sont visibles, sont celles venant des compagnies de transport, compagnies publiques. Ainsi, le PDG de la SNCF russe (RGD) a déclaré qua la compagnie est techniquement prête à introduire les QR Codes dans les trains si le Gouvernement le demande. Le patron d’Aéroflot explique sa mansuétude envers les passagers et s’il ne soutient pas le QR Code lors de l’achat du billet (ça pourrait bloquer les envies, quand même …), ils devraient être obligatoires lors de l’embarquement. En effet, ça change tout … 

Saint-Pétersbourg, l’on n’arrête plus le progrès. La ville prévoit un système étrange de QR Code pour les transports, qui ne serait pas lié au QR Code de vaccination, mais qui serait une sorte de billet codé valable trois jours. Il existe déjà dans la ville des titres de transport virtuels, manifestement le culte du QR Code a remporté la manche — et des marchés publics juteux.

La position du pouvoir central dans cette guerre de civilisation, qui se joue en Russie, est extrêmement dangereuse, pour lui-même et pour le pays. 

Pour lui-même tout d’abord, car à reporter la responsabilité politique, et donc la prise de décision politique, sur des sujets de société aussi importants et clivants, il renonce in fine à l’exercice du pouvoir réel. Et la population le sent parfaitement. Or, les populations suivent les forces, pas les faibles imitations déguisées et fardées. Sa capacité réelle de gouvernance va donc descendant dans les autres domaines aussi, puisque c’est la croyance qui fonde tout exercice efficace du pouvoir qui est fragilisée par cette ligne de renoncement.

Pour le pays, les conséquences ne sont pas plus reluisantes. Tout pays, qui est un acteur fort sur la scène internationale, a besoin d’un centre décisionnel fort et identifié, sinon c’est toute la chaîne de gouvernance qui saute. Et comme nous l’avons déjà écrit, c’est l’unité politique qui est en jeu, avant que son unité territoriale ne le soit.