Stoltenberg — Patrushev : Quand l’OTAN pousse in fine la Russie à sortir de la globalisation

Lors d’une conférence de presse, le 7 septembre, le Secrétaire général de l’OTAN a reconnu qu’il aurait suffit d’accepter les propositions de la Russie sur une non-extansion et un retrait des forces d’occupations atlantistes aux zones antérieures à 1997 pour éviter de lancer le Continent européen dans un conflit en Ukraine, qui, selon lui, garantit parfaitement les intérêts de l’OTAN dans la région. Patrushev, le président du Conseil de sécurité russe, a répondu en montrant à juste titre que la politique de l’OTAN se fait à la fois au détriment des pays membres et grâce à la trahison des élites nationales. Il ne me reste qu’une question : où en sont nos oppositions de poche, dont le seul but est de se faire élire pour participer à ce système — et bouffer au râtelier ?

Il suffit d’écouter les déclarations de Jens Stoltenberg, le Secrétaire général de l’OTAN, pour comprendre à quel point tout a été fait pour que ce conflit en Ukraine entre dans une phase militaire active :

Poutine avait demandé à l’OTAN de se retirer des territoires occupés après 1997, ce qui concerne l’Est de l’Europe, et ainsi de respecter les promesses de non-expansion, qui avaient été verbalement antérieurement données. Mais les promesses politiques ne sont tenues que tant que l’adversaire est en mesure d’en imposer leur respect, la Russie dans les années 90, elle-même occupée par la globalisation, elle-même trahie par ses élites, n’était manifestement pas en mesure. L’OTAN a en toute logique refusé et se vante ainsi d’avoir provoqué le conflit armé en Ukraine.

Aujourd’hui, la situation est plus complexe : l’intérêt de l’OTAN est de maintenir cette occupation des pays occidentaux et de l’Est-européen, afin de les instrumentaliser dans le combat géopolitique, qui se mène contre la puissance potentielle de la Russie. Pour l’Occident globalisé, la Russie est beaucoup plus dangereuse que la Chine. La Chine est parfaitement alignée sur toutes les mesures de contrôle social et le fanatisme qui l’accompagne, elle produit par ailleurs tout ce que les pays désindustrialisés et évidés en Europe ne sont plus capables de produire. Mais elle est incapable de produire un modèle politique et civilisationnel, acceptable en Europe. La Russie, elle, le peut et l’a déjà démontré. Et c’est en cela qu’elle présente un danger existentiel — si elle se libère.

En ce sens, les déclarations de Stoltenberg sont à prendre avec des pincettes. Oui, l’OTAN a tout fait pour que cette guerre en Ukraine s’enclenche ; pour qu’elle engloutisse, et l’Ukraine, et les pays européens ; pour que l’OTAN et les Etats-Unis soient légitimes, sur le principe du pompier pyromane, à renforcer leur présence militaire en Europe et le contrôle politico-idéologique de la région.

C’est ce qu’a d’ailleurs parfaitement signalé Nikolaï Patrushev, le président du Conseil de sécurité russe :

«L’expansion continue de l’Alliance de l’Atlantique Nord offre en réalité aux États-Unis la possibilité d’absorber des États et de les priver de leur indépendance tout en défendant leurs intérêts nationaux.»

Et d’ajouter :

«l’Occident, au nom de sa domination mondiale, recourt à la fois à l’influence militaire directe et aux menaces de recours à la force, à la « privatisation » des élites et aux révolutions de couleur. De plus, les Occidentaux, sans vraiment se cacher, encouragent le terrorisme et l’extrémisme. (…) presque tous les grands groupes terroristes modernes ont été créés, alimentés et financés par les services de renseignement occidentaux.» 

Si l’on peut penser que, à première vue, le confit en Ukraine est bénéfique à l’OTAN, il ne l’est que dans le cas d’une victoire militaire rapide et incontestable sur le front, conduisant à la perte par la Russie des nouveaux territoires et de la Crimée. Or, cette victoire militaire rapide, si elle est impérative, n’est pas suffisante pour garantir une victoire stratégique du clan globaliste. Elle doit impérativement s’accompagner d’une capitulation des élites politiques russes souverainistes, pour que le territoire russe perde son caractère étatique et soit dirigé de l’extérieur, comme l’Europe et de nombreux pays sur la planète.

Que voyons-nous ? 

D’un côté, si la Russie n’avance pas sur le front, elle bloque les offensives de l’armée atlantico-ukrainienne et le mirage d’une victoire militaire rapide et écrasante est en train de sérieusement s’estomper. Les Etats-Unis vont donc devoir de plus en plus mettre à contribution les pays européens, dont les populations émasculées ne sont prêtes, ni au sacrifice socio-économique, ni au sacrifice corporel — quel que soit le leitmotiv devant les éblouir. Le temps joue donc contre l’OTAN.

D’un autre côté, face au discrédit des élites globalistes occidentales, il n’est pas de bon ton de s’afficher ouvertement comme tel en Russie aujourd’hui. Si quelques têtes de pont ont dû se retirer (comme Koudrine ou Tchoubaïs), l’essentiel des élites globalistes sont bien toujours en place (comme Gref, par exemple) et l’on voit même des oligarques sous contrôle direct du DoJ américain (voir Deripaska) faire les paons dans les Forums et transmettre les consignes globalistes. Pour autant, ces élites globalistes toujours en place, et au pouvoir, doivent baisser la tête et montrer patte blanche. Et ici aussi, le temps joue contre le pouvoir globaliste. 

La plupart de ces gens ne sont pas convaincus, la globalisation fut un moyen de pouvoir et de richesse pour les uns, pour les autres ils travaillent et refusent de trop se poser de question sur le sens de leur activité. S’ils peuvent maintenir leur travail, leur pouvoir ou leur richesse dans un autre cadre idéologique, ils s’adapteront. Même au forum juridique de Saint-Pétersbourg, qui est un événement globaliste s’il en est, il a bien fallu mettre en avant le thème de la souveraineté. Les élites souverainistes relèvent la tête et leur voix commence à se faire entendre quant à l’établissement de l’ordre du jour.

Il n’est donc pas certain que la Russie ait obtenu l’inverse, de ce qui correspond à son intérêt national. Si l’OTAN se répand géographiquement aux frontières russes, les forces globalistes ne peuvent plus jouer ouvertement à l’intérieur du pays, certains de leurs pions sont obligés de partir, des courroies de retransmission ont été coupées. Donc, politiquement, les forces globalistes sont en train de perdre le territoire russe, qui doit se réindustrialiser, relancer la production nationale et l’agriculture, réfléchir à son système d’enseignement, reprendre en main la recherche, soutenir le business russe, etc. C’est une ligne politique profondément anti-globaliste. Et c’est l’effet direct de la décision atlantiste de forcer le conflit en Ukraine.

Par Karine Bechet-Golovko