Ukraine, Russie, monde global : que veut finalement ce «bel-ami» la Chine ?

La Chine est entrée au centre de toutes les conversations, est l’objet de tous les fantasmes, faisant d’elle autant l’Ennemi N°1 des Etats-Unis et du monde global, que son plus grand soutien, tout en étant l'»ami» de la Russie et de l’intégrité territoriale de tous les pays, dont l’Ukraine. La seule certitude est qu’elle est le pays, qui prend un poids incontournable dans ce monde encore Ô combien global sur bien des aspects. Si l’on oublie les «amis», qui n’existent pas en géopolitique, avec l’activisme chinois dans le cas du conflit ukrainien, il serait urgent d’analyser un peu plus froidement cette poussée géopolitique d’un pays, qui n’a pas de conflit idéologique avec la globalisation. Bien au contraire …

L’image attribuée à la Chine ces derniers temps sort totalement du champ du rationnel. L’on veut nous la montrer comme le plus grand danger du monde global, d’ailleurs le discours des Etats-Unis eux-mêmes conduit à cette conclusion. Mais de quelle globalisation parle-t-on?

Rappelons-nous que, lors de la tentative de coup d’état global covidien, tout a commencé en Chine, c’est en Chine que le contrôle et la répression furent les plus violents contre la population et c’est en Chine que ce délire totalitaire a duré le plus longtemps. Et Schwab a toujours félicité la Chine pour son travail exemplaire et persévérant dans l’écrasement covidien de leur population nationale. Avant que finalement en janvier seulement, le Gouvernement chinois ne cède et ne revienne, en partie, à la vie normale.

Rappelons aussi, que c’est bien la Chine, qui est à la pointe du contrôle social, que personne n’a annulé et qui sert de modèle pour le monde global.

Rappelons encore en passant, que c’est bien la Chine qui produit tout ce dont le monde global a besoin, en soutenant et formant cette vision d’un monde technologisé et déshumanisé.

En ce sens, la Chine n’est pas un opposant au monde global, elle est en le coeur. Mais pas forcément l’esprit.

Ainsi, le rapprochement de la Chine avec la Russie est intéressant, mais n’est pas univoque. Il serait bon que se défaisant lentement et difficilement d’une dépendance politico-psychologique occidentale, la Russie ne tombe pas avec les mêmes erreurs dans les bras de la Chine. Il est toujours surprenant, dans les différents événements politico-analytiques auxquels je peux assister ici, d’entendre régulièrement parler «d’amis». Avec qui pouvons-nous être amis est la question, qui revient le plus souvent.

Avec personne. Un Etat, qui se veut souverain et influent sur la scène internationale, n’a pas d’amis. Il a des partenaires et il a des concurrents. Lorsqu’il est en guerre, il a des ennemis et des alliés. Mais il n’a jamais d’amis. Les relations entre les Etats ne peuvent être à ce point subjectives et affectives, sans le mettre stratégiquement en danger. La Russie ne peut quitter ses «amis» européens pour trouver un «ami» en Chine. Ce serait illusoire et dangereux.

La Chine est alliée avec la Russie sur certains points, mais elle suit son propre jeu, qui n’est pas celui de la Russie. Elle a effectivement besoin de casser la domination américaine dans le jeu global, afin d’asseoir sa propre place. Et ici, il est important de garder à l’esprit la dichotomie entre les élites et les pays. Ainsi, c’est son intérêt de voir sa monnaie nationale devenir une monnaie concurrente au dollar dans les échanges internationaux. Mais ce n’est pas l’intérêt de la Russie de simplement transférer sa dépendance et d’offrir une place dominante à la Chine.

D’autant plus que l’économique et le politique sont intimement liés. L’avancée de la Chine sur l’échiquier mondial entraîne une avancée de la vision du monde actuellement en vigueur dans ce pays — je n’ai personnellement pas envie de voir réaliser la fantasmagorie du contrôle total par le pouvoir des populations, qui fait certes rêver beaucoup d’élites politiques dans le monde. Je n’ai pas non plus envie de voir réaliser la dystopie d’un monde déshumanisé.

Il faut donc prendre avec des pincettes cette dernière poussée «diplomatique» de la Chine en Ukraine, initiative par ailleurs saluée par la Maison Blanche américaine. L’on se souviendra, que lors de la visite du Président chinois en Russie, beaucoup de questions avaient tourné autour d’une discussion entre Xi Jinping et Zelensky, puis entre Poutine et Zelensky. 

Finalement, cette première conversation a eu lieu hier et la Chine a voulu se présenter comme un partenaire stratégique de l’Ukraine — «quelles que soient les circonstances internationales» (à noter). Le Président chinois insiste sur les négociations, unique voie pour arriver à la paix. Mais, il ne précise pas, puisqu’il s’agit d’un conflit armé, pour qui il s’agira d’une paix de victoire et pour qui d’une paix de défaite. Il tend à poser son pays presque comme un émissaire de la Russie, ce dont il n’a pas reçu mandat, et annonce envoyer un Haut-représentant en tournée mondiale :

«Pékin enverra un représentant spécial de la Chine pour les affaires eurasiennes en visite en Ukraine et dans d’autres pays, pour des consultations sur la résolution de la crise ukrainienne.»

Les Ukrainiens sont aux anges, ils soutiennent la politique chinoise d’une Chine unique, veulent développer leurs relations avec elle. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, rappelle toutefois quelques vérités premières : les plans de paix ne manquent pas, chacun y va du sien ; ce qu’il manque, c’est la volonté de paix. Ce que Vladimir Poutine avait déjà à Xi Jinping, qui continue de toute manière sur cette voie. 

A ce moment, il est bon de se demander pourquoi ? 

Tout le monde veut la paix, mais elle est différente pour chacun. Certains, comme Dmitri Medvedev, estiment par exemple, qu’un partage territorial de l’Ukraine serait une solution. Pourtant, il est évident, comme le rappelle l’historien Vladimir Kiknadze, que cela est une fausse-bonne idée. En effet, l’expérience avec les accords de Minsk a montré que l’Axe atlantiste est incapable de déjà reconnaître la Crimée, sans même parler des nouveaux territoires russes. Il ne s’agirait que d’une manière de gagner du temps pour mieux relancer la guerre ensuite, voire dans une dimension autrement importante, directement sur le territoire russe, puisque celle-ci aura fait preuve de faiblesse politique.

Et les déclarations de Zelensky suite à la conversation avec le Président chinois vont dans ce sens :

«Zelensky, après sa conversation avec Xi Jinping, a déclaré que la paix ne sera pas atteinte par des compromis territoriaux.» 

Et de préciser, pour que les choses soient claires :

«L’intégrité territoriale de l’Ukraine doit être restaurée à l’intérieur des frontières de 1991» 

L’Ukraine et l’Axe atlantiste n’attendent bien qu’une chose de la Russie : sa capitulation. Peu importe que la défaite soit le fruit d’une déroute militaire ou politique, la Russie ne peut et ne doit survivre à ce conflit. 

La question qui reste est : qu’en attend la Chine ? 

Elle porte avec elle sa vision de la globalisation et n’oublions que si elle est — au moins formellement — en conflit avec les Etats-Unis, les élites globalistes sont apatrides, elles ne sont pas géographiquement localisées.

Alors n’oublions pas de nous poser la question de savoir ce que veut la Chine et comment éviter de lui offrir sur un plateau d’argent une place sur l’échiquier mondial, qui ne sera pas une bonne chose pour la préservation de nos civilisations, ni pour l’avenir de la Russie qui est en train de contribuer à créer un concurrent, qu’il lui sera difficile de contenir.

Karine Bechet-Golovko