De la laïcité et de la censure

Pour Jean-François Geneste, le RN, la droite zemmourienne et d’autres sont entrés dans une sorte de compétition à la laïcité, qui confère à lui donner un statut, et c’est un comble, quasi religieux ! Elle serait l’Alpha et l’Omega de notre société et ne souffrirait d’être remise en cause. Retour pour Russie Politics sur une question sensible, qui a conduit à une certaine censure.

Je lis un peu tout comme sources d’information ; des sites considérés comme de droite, de gauche d’extrême droite ou extrême gauche. C’est sûrement une des meilleures façons de se faire une idée. J’ai donc consulté cet article sur Boulevard Voltaire. C’est un site à sensibilité RN, qui parle d’immigration. J’invite chacun à le parcourir. J’ai voulu faire un commentaire qui a été censuré alors qu’il n’avait rien d’insultant, mais, bien sûr, ne suivait pas la « ligne du parti ». Pour redresser ce tort qui m’est fait, je publie par conséquent ceci en espérant qu’il touchera quelques lecteurs de ce journal qui ne verront dans les critiques, hélas, que des approbations.

Je ne traite pas le détail de ce qui est écrit, mais me concentre, d’abord, sur un point de vue général. Je constate que le RN, la droite zemmourienne et d’autres sont entrés dans une sorte de compétition à la laïcité qui confère à lui donner un statut, et c’est un comble, quasi religieux ! Elle serait l’Alpha et l’Omega de notre société et ne souffrirait d’être remise en cause. Nous glissons dès lors vers une espèce d’extrémisme laïque, de laïcisme pourrait-on peut-être dire qui confine à ce que je qualifierai ici de radicalisme au même titre que celui des islamistes. Cela n’a certes pas les mêmes conséquences, mais je constate quand même que l’on interdit aujourd’hui les crèches dans les lieux publics et l’on ne comprend guère pourquoi puisque Jésus est un prophète pour les musulmans, ces derniers ne devant pas se sentir étrangers en notre pays, comme le disent et le pensent certains. Ce sont donc bien des laïcards forcenés qui veulent empêcher une forme de concorde civile entre diverses communautés qui ont des divergences, mais aussi des points communs. Et, devrais-je dire, bien des points communs, notamment en matière de mœurs.

Il y encore dans l’article incriminé la confusion entre immigration et islam. Rappelons qu’il y a une immigration légale en notre pays et qu’il serait quand même douteux de discriminer les candidats au prétexte qu’ils auraient telle ou telle religion. C’est d’ailleurs tout simplement interdit, même si, avec le cas ukrainien, on a eu l’impression que certains étaient mieux venus que d’autres.

Remémorons-nous que la situation sur le radicalisme islamiste n’est pas aussi claire qu’il n’y paraît. Les Frères musulmans ont été créés par l’Empire britannique et sont encore contrôlés par eux a priori. La fondation de Daesh, Al-Qaeda et d’autres organisations comme Al Nosra, semble ne pas être étrangère aux laïcards qui nous gouvernent et on est en droit de se demander quels sont les buts finaux qu’ils poursuivent. De là à penser que certains veulent diviser la société civile pour  régner, il n’y a qu’un pas que nous franchirons ici allègrement. Le laxisme de la justice en est probablement la pierre angulaire. Quoi de mieux en effet pour monter les populations les unes contre les autres que d’instaurer l’injustice ?

Mais revenons pour finir sur la toute fin de l’article qui est reproduite ci-dessous.

Tous les sondages le démontrent : 56 % des jeunes musulmans estiment que Samuel Paty a eu tort de montrer à sa classe les caricatures du prophète ; 65 % déclarent que l’islam « est la seule vraie religion » (contre seulement 27 % des catholiques) ; 78 % sont opposés au droit au blasphème… Mois après mois, sondage après sondage, la dérive obscurantiste expresse de certains de nos compatriotes se confirme. L’idéologie prônée par les Frères musulmans gagne en popularité à chaque attentat, tandis que les tenants d’un islam modéré semblent malheureusement condamnés à ne constituer bientôt plus qu’une « infime minorité ». Il serait temps que nos médias subventionnés en prennent acte.

Rappelons que la stature de Mahomet est sacrée en Islam. Quoi de plus normal que des musulmans sincères s’offusquent de ce que l’école diffusât des caricatures de leur prophète ? Après tout, bien des chrétiens ont été choqués, à l’école ou non, par la mise en exergue d’œuvres objectivement antichrétiennes sinon satanistes. Où est le danger ? Il y a là un amalgame ! Tuer Samuel Patti était simplement un crime de la pire espèce, mais ce n’est pas parce qu’on désapprouve ce qu’il a fait que l’on est pour autant meurtrier. Boulevard Voltaire veut faire ici l’amalgame que 56 % des musulmans seraient de potentiels assassins. C’est tout bonnement abject !

Passons au sondage suivant : 65 % des musulmans pensent que la seule vraie religion est l’islam. Où est le problème ? Il est plutôt chez les catholiques qui paraissent ne pas être bien fermes sur leurs fondements. Ils ont l’excuse d’avoir un clergé quasiment eunuque sinon perverti et c’est, semble-t-il, contagieux jusque parmi les fidèles !

Poursuivons avec 78 % opposés au blasphème. Et alors ? Rappelons ici que les croyants, musulmans, juifs ou chrétiens ont pour essence de leur conviction la transcendance. Cela n’a rien à voir avec la laïcité qui n’a pour modèle que l’exploitation de l’homme par l’homme, que sont le capitalisme et le communisme. Peut-être d’ailleurs, cette transcendance effraie-t-elle certains laïques puisqu’un jour, il faudra bien qu’ils rendent des comptes… Là-haut !

Faisons un tour par la Russie. S’il y eut, historiquement, un pays laïque, ce fut bien l’URSS puisque la religion y était interdite sinon sous strict contrôle. C’est  encore le cas en Chine. Le communisme, nous l’avons évoqué de façon subliminale plus haut, est une version quelque peu « quintessente » de la laïcité. Or que fait Vladimir Poutine ? Il n’a de cesse que de ramener en Russie la religion ! Lui-même est chrétien et, a priori, la cohabitation avec les musulmans se passe bien, comme quoi il est possible de vivre dans une société apaisée et multiconfessionnelle. Rappelons que le personnage a connu la faillite de son pays et, semble-t-il, il n’a pas trouvé mieux pour le redresser. Et ça marche ! Avis à ceux qui nous effondrent aujourd’hui… !

Abordons la question du voile et l’abaya. Je commencerai par dire qu’en 1985 et 1986 j’ai donné des cours de mathématiques au niveau universitaire à des  indonésiens, dont une jeune femme qui portait le tchador. Non seulement cela ne me gêna jamais, mais c’était ma meilleure élève ! Guina, si tu me lis, sache que je garde toujours un excellent souvenir de toi. Je rappelle aussi que l’histoire du voile à l’école est née d’une polémique où deux jeunes filles refusaient de le retirer en cours d’éducation physique alors que le professeur l’exigeait pour des raisons de sécurité. Cela a été monté en épingle et s’est transformé en l’interdiction  en toute occasion. Ma grand-mère maternelle, catholique pratiquante qui ne sortait jamais sans se couvrir la tête, doit se retourner dans sa tombe. Enfin, pour ceux à qui cela aurait échappé, l’abaya est un vêtement décent que je préférerais, si je professais, avoir face à moi plutôt que certaines tenues que la pudeur me proscrit ici de décrire, mais qui devraient être prohibées comme étant une offense aux bonnes mœurs.

Je terminerai par un retour sur le sondage faisant état de la désapprobation de Samuel Patti. Chaque parent souhaite le meilleur pour ses enfants. Chaque géniteur, de quelque religion qu’il soit, du fait de la transcendance même qui est en jeu, veut que l’école ne contrevienne pas aux croyances familiales. Je ne parle pas ici de sectes marginales, mais des trois confessions dites du livre. Depuis maintenant des décennies l’institution inculque comme vérités des choses qui ne le sont pas. Pour éviter toute polémique stérile dans les commentaires, je ne vais prendre qu’un exemple. La théorie du Big Bang a été présentée pour un fait scientifique aux élèves pendant des années. Or le télescope spatial James Web est en train de montrer que cela est très probablement faux. Vous chercherez et trouverez facilement des informations à ce sujet sur Internet. Et il en est de même de bien d’autres sujets qui doivent être récités comme du catéchisme lors du BAC par exemple quand des arguments logiques et scientifiques pourraient leur être opposés. Il est donc légitime que certains parents soient en désaccord avec le contenu de l’enseignement. J’en ai fait partie en son temps, bien que fils de professeurs laïques. Comme quoi…

Par Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique du groupe EADS/Airbus Group, PDG de WARPA.