Le dilemme de la fourniture du F16 pour l’Ukraine ou de tout autre avion de combat 

Pour Cyrille de Lattre, intégrer dans l’armée de l’air ukrainienne des avions modernes, que ce soit des F16, 15, 18, des Typhoon, des Mirage 2000 voire des Rafales en poussant à l’extrême, n’est pas chose facile. Cela pose de multiples questions, notamment où les baser, pour en faire quoi et dans quelles conditions, qu’il s’agisse de l’exploitation ou de la maintenance. Que dire du paiement de ces avions, sans oublier quelques considérations politiques et stratégiques. Analyse de toutes ces questions pour Russie Politics.

Depuis le début de l’opération militaire spéciale, l’Ukraine aurait, selon ses propres chiffres, perdu 50% de ses avions de combat SU24, 25, 27 et MIG29, sans parler de tous autres objets volant tels que ses hélicoptères, ainsi que la quasi-totalité de toutes ses capacités de défense anti aérienne, assurant ainsi aux forces aérospatiales russes la maîtrise presque totale de l’espace aérien ukrainien. Considérant la vétusté des avions de combat ukrainiens restant encore en état de vol face à l’écrasante supériorité aérienne russe, tant par la modernité de ses avions avec de bien meilleurs radars et munitions à longue portée, que par leur nombre très largement supérieur,  chaque sortie d’un avion ukrainien signifie au minimum, soit une opération suicide, soit dans le meilleur des cas la perte de l’avion si son pilote parvient à s’éjecter, ce qui est rare vu que leurs radars embarqués ne sont pas capables de détecter si l’avion est accroché radar ou par un missile russe. Au moment où cet article est écrit, nous apprenons que depuis le 2 juillet, les forces armées russes (systèmes de défense aérien) ont descendu 4 avions ukrainiens en 4 jours : un SU25 près d’Orekovo aujourd’hui, un SU25 et un SU27 le 2 juillet et un SU25 le 3 juillet). Il n’en fallait donc pas plus pour que l’Ukraine continue de réclamer à cor et à cri auprès des pays soutenant son effort de guerre des chasseurs capables de rivaliser avec les forces aérospatiales russes. L’Ukraine ne les a pas encore obtenus, et, ce, depuis plusieurs mois.

En ce qui concerne le cas précis du F-16, dont il est ici question, voici quelques considérations à prendre en compte.

Pour qu’un avion vole, il lui faut d’abord un pilote. Or, on ne passe pas d’un SU25/27 ou d’un MIG 29 sur un F-16 comme si on passait d’une Lada à une Ferrari. Donc Il faut sélectionner des pilotes, les envoyer en formation, cette formation comportant au minimum trois modules : une partie théorique, une partie simulateur et la formation sur l’avion lui-même.

Si l’on se réfère au BPA (Baseline Pilot Assessment), fuité des américains, nous savons d’ores et déjà que 2 pilotes Ukrainiens ont été évalués aux USA au mois de mars 2023 au sein de l’Air National Guard Wing 162 par 3 Major et 1 lieutenant-colonel. Il était prévu 11h de simu sur 9 séances. L’objectif était d’observer et d’évaluer la transformation de ces pilotes sur avion de 4ème génération afin d’ajuster cette formation, ainsi que d’évaluer leur niveau d’anglais.

Il en ressort que ces pilotes savent poser le F-16 moteur coupé, sachant que c’est un avion mono réacteur, ce n’est donc pas une procédure standard mais d’urgence. S’ils sont guidés en temps réel, ils peuvent réaliser une attaque Air/sol et voler en basse altitude. Pour le pilote de SU25, c’est franchement un minimum, vu que cet avion est un avion d’attaque au sol…

L’analyse de ce document permet aussi de se rendre compte que les Américains n’ont pas l’intention :

  • de former les Ukrainiens sur l’ensemble du domaine du F-16 ;
  • d’assurer une formation de défense Air/Air, encore appelée Fox3 shoot and Forget ;
  • d’assurer de ravitaillement en vol.

En tout état de cause, l’Ukraine n’est pas équipé pour cela. Il n’est pas non plus prévu de les former aux procédures aux instruments, telles que nous les connaissons en Europe ou aux USA. Il semble que la seule utilisation de cet avion par les Ukrainiens soit l’attaque Air/Sol basse altitude.

Il faut bien comprendre qu’une formation standard et complète sur F-16 s’étend entre 12 et 18 mois : formation sur le vecteur lui-même, le simple pilotage, la formation au combat en vol, la formation sur l’utilisation des systèmes d’armes ainsi que l’utilisation de l’IHS (interface Homme Système).

Cockpit du F-16 Retrofit Elbit System

Aux USA, une bonne partie des pilotes de chasse est formée sur d’anciens avions rétrofités, comme le T45C dont le cockpit est équipé d’écrans LCD multifonctions, d’écrans EFIS, (Engine and Flight Instrument System et où les horizons artificiels sur avions ancienne génération soviétique, comme sur les modernes, fonctionnent différemment des nôtres et nécessitent une adaptation). Il est à noter que les pilotes ukrainiens de SU25/27 et Mig29 ne sont absolument pas habitués à ces cockpits modernes et à cette interface.

Etant commandant de bord moi-même et ayant participé à la formation d’un certain nombre de pilotes dans cette configuration, sans oublier ma propre formation, le facteur humain sous stress fait que l’on a toujours la mauvaise habitude de se raccrocher à ce que l’on connait, ce qui génère une perte de temps et, dans le cas d’un combat aérien, c’est la seconde d’écart entre l’un des deux pilotes qui fera que l’un ou l’autre ne rentrera pas à sa base.

Ils font aussi l’impasse sur les 3 ou 4 semaines de formation au combat Air/Air à deux, ce qui va à l’encontre de tout ce que l’on peut faire en terme de shoot and forget, et de sorties à deux avions pour le support mutuel. Le combat Air/Air tout seul n’est pas pour le F-16 et encore moins avec des pilotes sans expérience sur la machine.

Ils ont, par contre, prévu une formation à deux avions pour faire de l’interception, ce qui là encore en temps de guerre va à l’encontre de tout ce que l’on fait, sauf pour aller intercepter des drones. En Syrie, les Rafales français en vol avaient pour consigne de ne pas aller là, où ils risquaient de rencontrer des avions russes. Ici, le mot d’ordre serait d’épargner le matériel et de rentrer. Enfin, ils ont aussi supprimé le « close air support »,  pour lequel le F-16 aurait certainement pu jouer un rôle.

Quant au combat rapproché, soyons clair, ce n’est pas le domaine du F-16, face aux SU35 et 57 russes, il n’a absolument aucune chance.

On comprend donc, à l’analyse de ce BPA, que l’objectif du F-16 sera de rester à très basse altitude pour éviter les systèmes de défense Air/Sol russes particulièrement performant tout comme leurs tirs très longue distance, puisqu’aujourd’hui les SU35 et 57 russes sont capables de shooter un avion ukrainien sans rentrer dans son espace aérien et sans que cet avion ne se rende compte qu’il est accroché radar et shooté, à nouveau le principe du Fox 3 shoot and Forget.

Dernier point, mais non des moindres, concernant la formation des pilotes sur F-16, qui bien que passé sous un absolu silence pour toute la partie maintenance, et je ne parle pas de toute la logistique à mettre en place, c’est le très faible niveau d’anglais des pilotes ukrainien. Toute la documentation du F-16 est en anglais, les instruments en pieds (Ft) et nœuds marins pour la vitesse (knot ou Kt). Il en est de même pour les altimètres du F-16, qui sont en inches of Hg (Mercury 29.92), ou en millibars (1013 hectopascals), ou les deux comme sur la plus part des avions modernes. Les SU25/27 et MIG 29 sont en kilomètres par heure, en mètres, donc les varios en mètres par seconde et l’altimètre en hectopascal…. Il faudra, avant même de commencer la formation, qu’il s’agisse soit de celle des pilotes, soit de celle des mécanos, une très sérieuse remise à niveau de l’anglais. Je doute que les Américains se mettent à traduire les manuels F-16 en ukrainien, bien que je sois à peu près certain qu’on puisse les trouver en Russie et en russe… Ce serait cocasse… Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une remise à niveau sur 2 semaines, nous parlons en mois.

Si l’on se base sur ce fameux rapport, nous sommes déjà rendus à 6 mois pour une formation non complète sur l’avion, deux mois pour l’anglais, donc pas de F-16 avec pilotes ukrainiens avant au mieux janvier 2024. On peut donc se poser deux questions sur la base de ce rapport : quel est l’objectif de formation et quel message veut-on faire passer.

S’agit-il d’essayer de nous faire croire que le F-16 ne sera utilisé que pour de la basse altitude Air/Sol, et, au bout du compte, qui mettre dans ces avions et qui fera la maintenance ?

En effet, si le programme porte sur 12 avions et 12 pilotes, à l’issue de cette formation non complète et pour connaitre les standards français et européens en terme de formation de pilotes de combat, jamais ces pilotes ne pourraient partir au combat, tant il est à peu près certain qu’aucun ne rentrerait dès la première mission.

Si c’est pour faire de la basse altitude Air/Sol, pourquoi le F-16, alors que dans ce cas le A-10 Thunderbolt (surnommé le tueur de chars) serait bien plus avantageux et efficace, comme le KA52 russe ou le SU 25, qui est un très bon avion rustique d’attaque au sol ancienne génération.

Enfin, et pour être très direct, ce ne sont pas 12 F-16 qui vont changer dans ces circonstances le cours des opérations, ils finiront comme la plus part des matériels fournis aux Ukrainiens : détruits.

Les Ukrainiens ne devront pas compter sur ce que l’on fait quand un nouveau type d’avion est introduit dans une compagnie aérienne, ou dans une armée, à savoir entrainer des instructeurs de façon à ce que ces instructeurs en entrainent d’autres, qui eux-mêmes entraineront d’autres pilotes. Ceci est par contre, envisageable pour la maintenance.

On constate donc, que juste pour la partie formation, ce n’est pas gagné. Mais supposons que nous soyons dans un monde parfait, la question suivante est de savoir qui fournirait ces F-16 ?

À première vue, et connaissant les Américains et leur façon de procéder, ce ne seront pas des F-16 de dernière génération, pour lesquels, dans un tel système d’exploitation et avec le résultat déjà connu d’avance, cela ressemblerait plus à une contre publicité qu’autre chose. L’Ukraine ne toucherait que des F-16 anciens blocs, en provenance d’Europe.

Nous savons que des pays limitrophes de l’Ukraine en possèdent, comme la Pologne et la Roumanie (cette dernière a déjà fait savoir qu’elle ouvrait son espace aérien à la formation des pilotes ukrainiens sur F-16 et que la Moldavie acceptait le transit par ses frontières des matériels militaires à destination de l’Ukraine). La Pologne, quant à elle, joue en Europe le rôle que le Honduras jouait dans les années 80 pour la politique des USA en Amérique du Sud, surtout quand on sait aujourd’hui qui était ambassadeur des USA au Honduras à cette époque (John Negroponté), quelles étaient ses relations avec  Zbigniew Brzezinski, et surtout qui est aujourd’hui ambassadeur des USA en Pologne : le fils de Brzezinski.

Cependant il  y en a ailleurs, que ce soit au Portugal, en Croatie, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et en Grèce. À ce jour seuls les Pays-Bas et le Danemark ont fait savoir qu’ils étaient prêts à en fournir, la Pologne étant certainement entrain d’essayer de négocier avec les Américains pour se débarrasser des leurs contre la fourniture d’avions neufs avec une belle réduction. Il est beaucoup plus économique d’envoyer de l’armement se faire détruire en Ukraine, que de le démanteler avant d’en toucher du neuf. C’est donc une aubaine pour le complexe militaro-industriel américain, au détriment de la France, puisque nous n’achetons pas d’armement US, et, au regard des pertes en vies humaines.

Il ne faut pas oublier non plus que pour une heure de vol en F-16, il faut compter 18.5 heures hommes pour la maintenance. Les personnels travaillant sur la machine après chaque heure de vol représentent l’équivalent de 18h30 de travail. Cela nécessite donc de pouvoir effectuer cette maintenance. Or, nous pouvons constater que l’Ukraine ne dispose en rien de ce qu’il faut pour effectuer ces opérations. Soit il faudra tout importer en Ukraine, soit compter sur un pays allié pour effectuer cette maintenance.

Mais il y a un autre problème encore plus ennuyeux pour l’Ukraine, c’est celui de savoir où baser ces avions.

Le F-16 est un avion fragile, qui est fait pour être opéré à partir de pistes propres. Il ne faut pas compter le faire décoller d’une autoroute sans que celle-ci ait été nettoyée avant, ou d’une piste non préparée :  ceci est possible avec des avions Russes comme le Mig 29 pour ne citer que lui, ce qui donne à ces avions la possibilité d’être opérés proche de la ligne de front et ainsi pouvoir mener une guérilla aérienne efficace et éviter les frappes saturantes sur les bases aériennes connues si besoin. En effet, le F-16 a une entrée d’air relativement basse, et lors de la mise en puissance pour le décollage, l’ingestion de débris, même petits, peut avoir des conséquences dramatiques. De plus, pour le F-16, des pistes de 2500 mètres (8000ft) sont nécessaires.

Des F-16 basés en Pologne ou en Roumanie, je n’en parle même pas, tant on sait politiquement parlant ce que cela voudrait dire. Les baser dans l’Ouest de l’Ukraine, pose un problème de distance franchissable. Le F-16 ne pourra pas voler à haute altitude sans se faire repérer par les systèmes de défense anti-aériens russes, il faudrait donc traverser d’ouest en est l’Ukraine à basse altitude, voire très basse altitude, effectuer la mission, puis rentrer à sa base sur le trajet inverse. Sans ravitaillement, cela semble peu probable. Il faut donc faire un choix entre voler haut et consommer moins, mais se faire systématiquement attraper par les systèmes de détections russes, ou essayer de ne pas se faire voir, donc voler vite et bas, et ainsi largement augmenter sa consommation. Bien évidemment, il est toujours possible d’emporter des bidons supplémentaires, sauf que, qui dit bidons supplémentaires, dit augmentation de la consommation par augmentation du poids et de la trainée induite (par ces mêmes bidons). Le F-16 n’est pas équipé pour effectuer du « buddy-buddy », comme c’est le cas pour le F-18 et pour le Rafale français (du fait que ce sont certainement des anciens modèles sans perches de ravitaillement à l’inverse des derniers modèles, mais par un orifice pour le F-16 qui se situe en arrière de la verrière). Le « buddy buddy » consiste en un ravitaillement en vol de F-18 à F-18 ou de Rafale à Rafale ou de F-18 à F-16 ou encore de Rafale à F-16. Cela va poser un problème. Le F-16 ancienne génération est quand même ravitaillable en vol, mais seulement à partir d’un tanker.

Ravitaillement F-16 ancienne génération versus nouvelle génération

Si l’objectif d’utiliser cet avion est toujours de faire de la très basse altitude et du bombardement Air/Sol, il faudra baser cet avion près de la ligne de front, ce qui n’est pas très intéressant, car si aujourd’hui les forces aériennes russes ne bombardent pas systématiquement les bases aériennes ukrainiennes, du fait de la quasi-totale maitrise du ciel Ukrainien, il ne fait aucun doute que cela ne sera plus le cas lorsque l’Ukraine touchera ces avions.

L’autre stratégie consisterait à bombarder rapidement les pistes des bases aériennes ukrainiennes et de regarder quelles et où sont les pistes et les réparations qui seront effectuées, cela donnerait une bonne indication d’où ces F-16 pourraient être basés. Idem pour la construction des infrastructures de maintenance, qu’il faudrait mettre en place avant l’arrivée des avions. Cela s’applique aussi aux infrastructures de réparation des tanks étrangers en Ukraine.

 Il ne faut jamais perdre de vue que l’exploitation d’un avion de ligne ou de chasse, c’est comme un iceberg. Ce que tout le monde voit, c’est la partie émergée, à savoir le vol en lui-même, mais il n’en est pas de même de la partie immergée, la principale, à savoir la maintenance et toute l’infrastructure y afférente.

Le F-16 est un avion fragile, qui n’est absolument pas fait pour évoluer dans un environnement hostile rustique comme tous les avions russes sont capables de le faire, même les avions de cinquième génération ultra modernes.

Enfin, dernier aspect à prendre en compte : nous savons que des mercenaires étrangers, des instructeurs étrangers opèrent sous passeport et uniforme ukrainiens, même si certains d’entre eux, quoiqu’en disent la France et d’autres pays, sont issus des rangs de « l’active » en rupture de contrats au cas où ils seraient pris ou tués. Il est à noter que des SMP, Sociétés Militaires Privées, possèdent des F-16, une partie de la maintenance et les pilotes opérationnels.

Il n’est pas à exclure, compte tenu de l’échec de la contre-offensive Ukrainienne, que l’on puisse voir un changement de stratégie, et que ces F-16 soient opérés par des SMP, avec des pilotes déjà formés et opérationnels sur la machine, qui seraient intégrés à la Légion des volontaires étrangers en Ukraine, avec une maintenance effectuée, pour la partie la plus lourde, en Pologne ou en Roumanie.

En conclusion et pour passer sur un plan plus politico diplomatique, nous ne sommes pas sans ignorer que le gouvernement ukrainien n’a que faire des populations russophones du Donbass qu’il a, depuis 2014, toujours considérées comme une sous-catégorie humaine à éradiquer, ce qui, entre autre, conduit d’une part à la situation actuelle avec l’aide des occidentaux (OTAN, USA, UE), et d’autre part à ne pas hésiter à bombarder des cibles civiles à coup de « 155 Macron », d’HIMARS et autres joyeusetés, sans oublier que Zelinsky était prêt à utiliser des munitions à l’uranium appauvri sur ce qu’il revendique comme son propre territoire, et nous n’ignorons pas non plus les dégâts dus à ces types de munitions.

Il ne serait donc absolument pas surprenant qu’ils utilisent ces avions F-16 pour bombarder des cibles sur le territoire de la Fédération de Russie, notamment la Crimée et le Donbass qui sont juridiquement territoires russes. Ceci constituerait objectivment un franchissement de ligne qu’il semble qu’aucun pays, dit de l’Ouest ou Otano-Européen, ne semble encore prêt à franchir.

Contrairement à ce que pense Jean Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques), la Russie n’ignore pas devant quoi elle se trouve. Elle a parfaitement compris et acté cette possibilité, ce qui ne change absolument rien.

Ces matériels seront détruits comme les autres, et le fossé entre les partenaires de la Russie sur son flanc ouest ne fera que de continuer à se creuser, et le refermer ne sera certainement pas la priorité de la Russie avant longtemps.

Cela ne marque pas une implication forte des Occidentaux auprès des Ukrainiens et le message politique lancé au Président de la Fédération de Russie n’est ni celui de l’unité des Américains et des Européens à soutenir l’Ukraine, ni celui de la pérennité de cet engagement, malgré les déclarations médiatiques en ce sens. Cette unité risque de s’effondrer tout d’abord côté américain, en raison du coût que cela représente, de l’échec de la contre-offensive ukrainienne et surtout de l’impact très négatif que cela aura sur l’Administration américaine de Biden et des élections de l’année prochaine.

L’UE, quant à elle et comme d’habitude, suivra sur sa lancée avant de s’apercevoir, bien trop tard, du tort que cela lui a causé et de celui que cela lui causera.

Il ne reste qu’à espérer que dans un sursaut de lucidité les Occidentaux comprendront que de se battre jusqu’au dernier Ukrainien vivant ne fera en rien changer la ligne de conduite que s’est fixée la Russie, et qu’à moins d’une confrontation directe des Occidentaux contre la Russie, ce que recherche désespérément l’Ukraine, cette ligne n’amènera aucune victoire dans aucun camps. Militairement la Russie ne peut pas perdre, et les territoires inclus dans la Fédération de Russie ne seront jamais rendus. D’une part parce que la Constitution russe ne le permet pas, d’autre part, parce que ceux qui espéraient, il y a encore deux semaines, voir la Russie imploser de l’intérieur en sont pour leurs frais. La Russie est plus forte, à tous points de vue, et plus unie que jamais.  Ce ne sont donc pas une douzaine d’avions, qui vont changer quoi que ce soit. Par contre il est à douter de la capacité de l’Occident à fournir comme l’Ukraine l’a demandé, une centaine d’avions dont il existe plusieurs variantes et d’équipements différents, dont l’Ukraine n’a ni les capacités d’utilisation, ni en fait l’utilité.

Pour autant, ils en auront une dizaine qui, encore une fois, finira comme le reste du matériel OTAN fourni à l’Ukraine avec les impôts des Européens et des Américains. À aucun moment les gouvernements respectifs de ces pays, à commencer par la France et ceux représentés au sein de la Commission européenne, n’ont posé la question à leur peuple. Il s’agit là de décisions strictement unilatérales.

Cyrille de Lattre, ex commandant de bord, consultant aéraunautique, expert en réglementation aérienne et formation chef d’entreprise à Moscou.