Après le bombardement américain, certaines options de l’Iran

Israël avait déjà violé la loi internationale, mais c’est une coutume récurrente et assumée dans ce pays voyou. Les États-Unis, eux aussi routiniers du fait, mais, de par leur statut, garants de cet ordre, viennent de le bafouer unilatéralement au profit d’un confetti sur le globe. Nous savions que cela allait arriver, car cela avait été annoncé à l’avance par Douglas McGregor. Il a même dit beaucoup mieux, puisqu’il a affirmé que le vrai président des États-Unis n’est pas Donald Trump, mais bien Benyamin Netanyahu. Et on ne peut que constater que ce qu’il anticipe est exact. Jean-François Geneste analyse la situation pour Russie Politics.
Ainsi, pour un lambeau de terrain en bord de méditerranée, les États-Unis viennent d’abattre d’un grand coup de poignard dans le dos et une nouvelle fois, après la Serbie et la Lybie, le droit international. La situation mondiale n’est cependant plus la même. La Chine est devenue la première puissance industrielle et la Russie la première militaire. Et ces États sont très mécontents puisque l’Iran est un membre adoubé des BRICS qui se veulent une alternative à l’Occident.
Toutefois, si la multipolarité sauce début 2025 visait son développement harmonieux de façon indépendante du camp adverse tout en laissant la porte ouverte à des collaborations et en espérant, à terme, un retour à des relations normales et équilibrées, l’événement du bombardement américain du 21 juin 2025 sur l’Iran via des B2, va imposer au bloc multipolaire de revoir ses positions jusque-là neutres. Il faut bien comprendre que le système américain vit de la guerre permanente. Sans doute le Sud global a-t-il sincèrement pensé qu’en prospérant pacifiquement et en évitant les conflits, cela contribuerait à l’affaiblissement et au changement de régime en face. Mais tel ne sera jamais le cas. Il va ainsi falloir trouver une tactique alternative et imposer, ce qui est déjà en cours à cause des événements ukrainiens, une course aux armements pour que l’OTAN et ses séides la perdent comme l’a fait l’URSS en un autre temps. Cela sera inéluctable, car, dans la société occidentale, ce n’est pas la technique qui prime, mais l’argent et un droit frelaté. Cela ne conduit donc pas à gagner une compétition de ce genre.
Voilà pour le moyen terme et en général. Passons alors à l’Iran et au court terme.
Tout d’abord, répétons-nous, l’Iran est dans son droit total actuellement et est la victime de deux États voyous, Israël et les États-Unis, a priori gouvernés par le même homme. Une première solution douce, peut-être en concertation au sein des BRICS, pourrait être de jouer, justement, sur le droit international, de mettre au ban des nations les deux malfaiteurs récurrents et ainsi réclamer une réforme fondamentale de l’ONU avec un conseil de sécurité renouvelé, équilibré, avec décision à la majorité et suppression du droit de veto. S’il est peu probable que cela se produise, et si les choses n’avancent pas assez, il restera à faire comme pour les jeux des BRICS en opposition aux Jeux olympiques : créer une structure spécifique qui statuera pour la zone qui la concerne et qui interdira toute ingérence de l’autre camp avec menace atomique à la clé s’il insiste trop.
Ainsi, l’Iran, qui a déjà commencé, va porter plainte au niveau de l’ONU et devrait demander de lourdes compensations en réparation des dommages causés. Cela n’aboutira pas avant longtemps, mais fera peser sur les générations futures un poids non négligeable qui sera toujours présent dans les discussions.
Pour passer au militaire, qui est quand même le sujet brûlant du moment, il faut constater assez amèrement que tout le monde fiche la paix à la Corée du Nord depuis qu’elle a la bombe.

Cela va donc inciter à une prolifération nucléaire, laquelle aura ipso facto lieu, car la technologie se diffusant, il devient de plus en plus facile de s’équiper. Et encore ne disons-nous cela qu’à l’ancienne, soit via des centrifugeuses. Les progrès de la physique quantique aidant, il ne serait pas étonnant de voir naître, sous peu, des techniques beaucoup plus productives, demandant moins de surface et de complexité d’installation, pour enrichir l’uranium. Dès lors, les bandits actuels seraient dans l’obligation de réellement négocier avec des gens qu’ils ne considèrent même pas comme des êtres humains aujourd’hui. L’Iran, dont, peut-être, toutes les implantations ne sont pas détruites, pourrait très bien changer son fusil d’épaule et se doter de l’arme nucléaire et ainsi imposer le respect qui lui est sans conteste dû.
Poursuivons notre réflexion en sortant de l’épure atomique et en supposant une continuité dans la politique iranienne. Les États-Unis n’ont pas juste violé le droit international en bombardant unilatéralement. Ils ont attaqué des sites nucléaires ! En symétrie, a priori légitime en termes de droit international (à confirmer), l’Iran pourrait anéantir la centrale de Dimona, hypothéquant par-là même l’avenir du pays tout entier. C’est techniquement facile à faire, et cela avec des armes conventionnelles.
Rappelons-nous aussi la menace qui consiste à bloquer le détroit d’Ormuz. Là encore, l’addition sera salée pour l’Occident, puisqu’y transitent 20 % de la production pétrolière mondiale, et donc entre 30 et 40 % des exportations.
Mais il y a un point, connexe de celui que nous venons de traiter, qui est dans un angle mort. Nous savons très bien que le CGRI a une marine légère assez puissante. Nous avons vu aussi et très largement les Britanniques à l’œuvre en mer noire en Ukraine. Il n’y a aucune raison pour que les Perses n’aient pas développé des drones navals de surface ou sous-marins qui pourraient se révéler très efficaces, y compris contre les Américains et même leurs porte-avions.
Cela nous amène aux « Houtis » qui pourraient donner un utile coup de main en mer contre les forces de l’oncle Sam une nouvelle fois. Au passage, un blocus global d’Israël pourrait être organisé, ce qui permettrait d’y déclencher très probablement un changement de régime ; enfin, si l’on peut dire.
Nous allons terminer ce texte très vraisemblablement très incomplet, en élargissant la question aux autres grandes puissances. En effet, l’Iran est victime d’une accusation gratuite de vouloir se doter de l’arme nucléaire alors qu’il s’en est toujours défendu, que Tulsi Gabbard a officiellement déclaré qu’il n’avait pas la bombe, et que l’AIEA a confirmé qu’il n’avait pas l’intention de s’en équiper. Néanmoins, il ne fait nul doute pour personne qu’Israël possède la bombe. Quelle en est la légitimité ? Pourquoi cet Etat serait-il le seul autorisé à l’avoir dans cette région ? Pour défendre quels intérêts ? Quand on parle de droit international, ce qui est sous-jacent est une forme de justice et d’équilibre. Là, il n’y en a point ! Les grandes puissances raisonnables devraient donc entamer une procédure d’urgence pour enquêter en profondeur sur la bombe israélienne et démanteler le nucléaire militaire de cet Etat et ce, d’urgence. Seule une telle démarche permettrait de redonner un semblant de respectabilité au droit et aux instances internationales qui n’en ont plus du tout aux yeux de tout observateur un tant soit peu honnête.


Par Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique du groupe EADS/Airbus Group, PDG de WARPA.